Objectifs pédagogiques nationaux

Item 134. Bases neurophysiologiques, mécanismes physiopathologiques d'une douleur aiguë et d'une douleur chronique

  • Reconnaître et évaluer une douleur aiguë et une douleur chronique (douleurs nociceptives, neuropathiques et dysfonctionnelles) chez l'adulte et la personne âgée/peu communicante.

Objectifs pratiques

  • Chez des patients réels ou simulés, établir un plan de prise en charge diagnostique et thérapeutique en cas de :
    • douleurs chroniques non cancéreuses (particulièrement lombalgique, céphalalgique, fibromyalgique) ;
    • douleurs d'origine cancéreuse ;
    • douleurs neuropathiques ;
    • syndrome douloureux régional complexe.

Hiérarchisation des connaissances


Bases neurophysiologiques, évaluation d'une douleur aiguë et d'une douleur chronique

I. Rappels physiopathologiques
II. Douleurs aiguës et douleurs chroniques
III. Différents types de douleur
IV. Interrogatoire et examen clinique d'un patient douloureux (HAS, 2008)

I. Rappels physiopathologiques

«La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée ou qui semble être associée à un dommage tissulaire réel ou potentiel.» (IASP, 1979, mis à jour en 2019).
La douleur comprend différentes dimensions : sensorielle ou sensori-discriminative (topographie, intensité, durée...), émotionnelle (pénible, aversive, difficile à supporter), cognitive (contexte, interprétation, rappel des expériences antérieures...) et comportementale (verbale, motrice...).

Pour l'IASP cette définition est complétée par six points clé :

  • la douleur est une expérience personnelle qui est influencée à différents degrés par des facteurs biologiques, psychologiques et/ou sociaux;
  • la douleur n'est pas synonyme de nociception. Elle ne peut pas se réduire à une activité de neurones nociceptifs ou sensoriels;
  • au cours de leurs expériences de vie, les individus vont apprendre le concept de douleur ;
  • bien que la douleur ait un rôle adaptatif, elle peut avoir des conséquences néfastes du point de vue fonctionnel, du bien-être psychologique ou social ;
  • l'expression verbale est un des moyens d'exprimer la douleur mais pas le seul. L'impossibilité de communiquer verbalement n'exclut pas la possibilité d'une douleur.

Cette définition affirme une dimension sensorielle indissociable des dimensions affectives, émotionnelles, psychologiques. La douleur est donc toujours subjective. Il faut en conséquence éviter l'opposition entre douleurs somatiques et douleurs psychogènes, (en préférant le terme de composante psychogène, plus ou moins importante selon le sujet). Comprendre et traiter les différents types de douleur justifie de connaître les bases neurophysiologiques et neurochimiques.

A. Voies de la douleur

Il existe deux grandes voies de transmission des informations somesthésiques : le système lemniscal et le système extralemniscal.

1. Système lemniscal

Il correspond aux sensibilités épicritiques et proprioceptives dont la transmission se fait depuis les récepteurs cutanés par des fibres sensitives de gros calibre myélinisées (Aβ) vers les racines postérieures puis les cordons postérieurs de la moelle. Le premier relais se fait dans les noyaux graciles et cunéiforme avant de décusser au niveau du bulbe, puis un second relais dans le noyau ventro-postéro-latéral (VPL) du thalamus avant de se projeter dans le gyrus post-central.

2. Système extralemniscal

Il correspond aux sensibilités protopathiques, nociceptives et thermiques dont la transmission est assurée par des fibres myélinisées de petit calibre (Aδ) et des fibres amyéliniques (C). Pour la sensibilité nociceptive, il n'existe pas de récepteurs mais deux types de terminaisons libres particulières jouant le rôle de nocirécepteurs :

  • les mécano-nocirécepteurs, activés par des stimuli mécaniques, se prolongeant par des fibres Aδ (transmission rapide);
  • les nocirécepteurs polymodaux activés par des stimuli thermiques, chimiques ou mécaniques, se prolongeant par des fibres C (transmission lente).

Ces deux types de fibres expliquent la sensation de double douleur : la première ressentie plutôt comme une piqûre, apparaissant rapidement et correspondant à l'activation des fibres Aδ ; la seconde plus tardive, évocatrice d'une brûlure, correspondant à l'activation des fibres C.

Ces fibres de petits calibres font relais au niveau de la corne postérieure de la moelle, essentiellement au niveau des couches I et V, pour donner naissance aux faisceaux néo-spinothalamique et paléo-spinothalamique qui décussent immédiatement et remontent dans le cordon antérolatéral de la moelle spinale. La projection sur les mêmes neurones de la couche V des afférences nociceptives viscérales et cutanées explique les douleurs «projetées».
Le faisceau néo-spinothalamique plutôt connecté aux fibres Aδ rejoint le noyau ventro-postéro-latéral du thalamus avant d'atteindre le cortex somatosensoriel. Le faisceau paléo-spinothalamique plutôt connecté aux fibres C rejoint le thalamus médian avec un relais vers les structures limbiques et le cortex frontal.

B. Contrôles de la nociception

1. Contrôle inhibiteur de la corne postérieure de la moelle (théorie du gate control)

Les fibres de gros calibre exercent une inhibition sur le faisceau spinothalamique par l'intermédiaire d'interneurones, fermant ainsi la «porte» à la transmission de la douleur. Cette théorie du gate control est utile notamment pour la compréhension de l'effet antalgique de la neurostimulation transcutanée (TENS) ou celui de la stimulation médullaire.

2. Contrôles inhibiteurs descendants

Ils utilisent principalement des faisceaux passant par des structures du tronc cérébral (substance grise périaqueducale, locus coeruleus, raphé magnus...), mais son origine est beaucoup plus diffuse, provenant de l'hypothalamus, des noyaux thalamiques ou du cortex (frontal et limbique). Ces voies se projettent dans la moelle avec un rôle inhibiteur sur les neurones convergents.

3. Contrôle inhibiteur diffus induit par la nociception (CIDN)

Le déclenchement d'une douleur en un point précis active les faisceaux du contrôle inhibiteur descendant et permet de réduire l'activité de fond des neurones nociceptifs situés en dehors de la zone douloureuse. Ce mécanisme permet de concentrer l'attention sur la nouvelle zone douloureuse. Il ne s'agit pas à proprement parler d'un mécanisme de contrôle de la douleur, mais ce système peut être utilisé en thérapeutique pour inhiber une douleur sourde et diffuse grâce à une stimulation nociceptive précise et plus supportable, comme par exemple lors de l'acupuncture ou de l'utilisation des TENS en mode « acupuncture-like » (AL-TENS).

C. Médiateurs chimiques de la nociception

1. Au niveau périphérique

Les lésions tissulaires entraînent la libération de nombreuses substances qui vont activer ou sensibiliser les nocicepteurs : potassium, ions H+, bradykinine, histamine, sérotonine, prostaglandines, leucotriènes. Les nocicepteurs peuvent libérer des neuromédiateurs ainsi que la substance P qui a une action vasodilatatrice et favorise la sécrétion d'histamine, de sérotonine «sensibilisant» les nocicepteurs voisins. C'est l'inflammation neurogène qui est à l'origine de l'hyperalgésie primaire. Les AINS agissent sur la synthèse des prostaglandines en inhibant l'action de la cyclo-oxygénase (COX). Les corticoïdes agissent sur la même voie mais plus en amont. La lésion tissulaire entraîne également la sécrétion de substances antalgiques comme des peptides opioïdes qui ont ici une action périphérique.

2. Au niveau de la corne postérieure dorsale de la moelle

Les principaux neurotransmetteurs intervenant entre les afférences nociceptives (premiers neurones de la nociception) et les neurones spinaux (seconds neurones) sont les acides aminés excitateurs (glutamate, aspartate) et des neuropeptides (substance P, VIP...). Ces neuromédiateurs sont responsables de la transmission de l'influx mais aussi de phénomènes de sensibilisation centrale expliquant l'hyperalgésie secondaire.
Simultanément interviennent au niveau médullaire des phénomènes de modulation du message nociceptif par l'intermédiaire d'acides aminés inhibiteurs (acide gamma-aminobutyrique, GABA) ou des substances opioïdes endogènes.

3. Au niveau supraspinal

Les mécanismes chimiques de la douleur au niveau supra-médullaire sont plus complexes. Signalons simplement l'existence de nombreux récepteurs opioïdes au niveau du SNC. La sérotonine (5-HT), la dopamine (DA) et la noradrénaline (NA) sont largement impliqués dans la régulation de la douleur via les contrôles inhibiteurs descendants.

II. Douleurs aiguës et douleurs chroniques

La distinction entre douleur aiguë et douleur chronique est capitale car les approches sont très différentes. De même, il importe de distinguer les douleurs chroniques non cancéreuses (pour lesquelles l'iatrogénie reste trop fréquente, notamment en termes d'abus de prescriptions d'opioïdes forts et de benzodiazépines), et les douleurs chroniques cancéreuses, ou en soins palliatifs et de support.

A. Douleur aiguë

La douleur aiguë est un signal d'alarme qui protège l'organisme. C'est un symptôme sou- vent utile dont il faudra rapidement déterminer l'origine et la nature afin de mettre en œuvre le traitement adapté à la suppression de la cause (si possible) et à la disparition si possible complète de la douleur.
Comme dans toute douleur, une composante affective intervient souvent sous la forme de manifestations anxieuses. En cas de douleurs intenses, un traitement antalgique puissant, éventuellement par opioïde fort, est utile et nécessaire, sur une durée limitée.

B. Douleur chronique

Dans le cadre de la 11e version de la classification internationale des maladies (ICD-11, OMS, 2019), la douleur chronique est définie :

  • par la persistance de la douleur > 3 mois et/ou la présence d'épisodes douloureux récurrents sur une période > 3 mois ;
  • selon son caractère primaire ou secondaire.

1. Douleurs chroniques primaires

C'est la «douleur maladie», qui n'est plus un symptôme mais un syndrome, plurifactoriel et complexe, associant des manifestations physiques mais également psychiques, comportementales et sociales. La douleur a perdu sa valeur protectrice pour devenir destructrice. Cette évolution s'explique par des modifications structurelles du système nerveux central induites par une stimulation douloureuse prolongée. Le seuil de déclenchement des influx nociceptifs peut être abaissé, responsable d'une perception anormalement forte de la douleur (hyperalgésie), d'une perception douloureuse de stimuli non douloureux (allodynie au tact ou thermique), voire de douleurs spontanées. La douleur n'est pas contrôlée par les seuls médicaments, envahissant progressivement tout l'univers psychologique, affectif, social et professionnel du patient, se traduisant par une altération souvent sévère de la qualité de vie, avec désinsertion socioprofessionnelle fréquente, souvent prolongée.

Elles se définissent par :

  • une topographie intéressant une ou plusieurs régions anatomiques ;
  • a présence d'un certain degré de retentissement fonctionnel (activités du quotidien) et/ou de retentissement émotionnel (détresse) et/ou de retentissement social (rôle social, interactions avec autrui);
  • le fait qu'elle n'est pas mieux expliquée par une autre cause de douleur chronique (diagnostic différentiel avec douleur chronique secondaire, parfois difficile). Par exemple, la lombalgie chronique commune correspond le plus souvent à une douleur chronique primaire, nécessitant une grille d'analyse bio-psychosociale. Avec une fréquence moindre, certaines lombalgies chroniques peuvent s'expliquer par une étiologie rachidienne (i.e. douleur chronique secondaire musculo-squelettique) dont le traitement de la cause sera un point important de la prise en charge.

2. Douleurs chroniques secondaires

Elles se définissent par le fait qu'elles sont rattachables à une maladie ou à un mécanisme expliquant la douleur. Six grands cadres diagnostic sont proposés par l'ICD-11 :

  • douleurs chroniques du cancer;
  • douleurs chroniques post-chirurgicales ou post-traumatiques;
  • douleurs neuropathiques chroniques;
  • céphalées et douleurs oro-faciales chroniques;
  • douleurs chroniques viscérales;
  • douleurs chroniques musculo-squelettiques.

Cette nouvelle approche n'est pas simple car certaines douleurs peuvent appartenir à plusieurs cadres diagnostics. En particulier pour les douleurs chroniques du cancer, il faut distinguer :

  • les douleurs en lien avec le cancer ou et ses métastases, autrefois appelées «douleurs cancéreuses », qui relèvent d'une prise en charge particulière avec si besoin escalade thérapeutique pharmacologique et technique;
  • les douleurs liées aux traitements du cancer. Les douleurs post-mastectomie par exemple étant également un sous-type de douleurs chroniques traumatiques ou post-chirurgicales, certaines douleurs chroniques de chimiothérapie étant également un sous-type de douleurs neuropathiques chroniques. Ces douleurs liées aux traitements du cancer se traitent comme des douleurs chroniques «non cancéreuses» ou «non tumorales».

Le choix d'une stratégie thérapeutique devant une douleur chronique nécessite toujours une évaluation minutieuse de la situation, souvent un avis pluridisciplinaire et ne relève donc pas de l'urgence, sauf pour la douleur du cancer.

C. Douleurs aiguë et chronique intriquées

Il existe des tableaux douloureux associant une problématique de douleurs aiguës et de douleurs chroniques. Il peut s'agir de l'exacerbation transitoire d'une douleur chronique ou d'une douleur aiguë, parfois sans lien avec la douleur chronique :

  • poussée douloureuse aiguë d'arthrose des membres ou du rachis dans un contexte de maladie inflammatoire chronique rhumatologique;
  • colique néphrétique dans un contexte de douleur abdominale chronique ;
  • apparition ou modification d'une douleur pour un personne prise en charge pour un cancer actif ou en rémission d'un cancer.

D'une manière générale, toute nouvelle douleur ou modification d'une douleur ancienne doit conduire à établir un diagnostic dans un délai adapté au degré d'urgence éventuel.

III. Différents types de douleur 

A. Douleurs par excès de nociception

Les douleurs par excès de nociception sont provoquées par la stimulation excessive des nocirécepteurs périphériques (dépassant les moyens de contrôle de la douleur) lors d'une lésion tissulaire, d'une inflammation, d'une stimulation mécanique, thermique ou chimique. Elles ont une topographie non systématisée correspondant au territoire stimulé ou à l'organe dont l'innervation se projette sur ce territoire (attention aux douleurs projetées).

B. Douleurs neuropathiques

Il est capital de les reconnaître, car les douleurs neuropathiques altèrent souvent de façon marquée la qualité de vie des patients et de leur entourage, bien qu'elles restent encore sou- vent insuffisamment diagnostiquées et répondent peu ou pas aux traitements antalgiques habituels, davantage à des traitements locaux et généraux spécifiques. Les douleurs neuropathiques (DN) sont la conséquence d'une lésion ou d'une maladie du système nerveux soma-tosensoriel (IASP, 2016). Il existe parfois un intervalle libre entre la lésion et l'apparition de la douleur. La DN peut être périphérique ou centrale.

1. Évoquer ou dépister une douleur neuropathique

Les descriptifs utilisés par le patient sont souvent évocateurs de DN : douleurs continues à type de brûlures, de froid douloureux, de torsion ; douleurs paroxystiques à type de décharge électriques, des paresthésies ou dysesthésies (picotements, fourmillements), avec systématisation neurologique. Peuvent s'y associer une hyperesthésie ou une allodynie évocatrices, au tact ou thermique, sur le territoire concerné. Ces éléments descriptifs isolés ont peu de valeur mais associés entre eux, et parfois à des éléments cliniques, ils ont permis de développer des outils de dépistage (qui ne constituent pas un critère pronostique) de la DN. Lorsque ces questionnaires sont positifs, ils doivent faire rechercher les critères de DN possible. Le DN4 est un de ces outils de dépistage (figure 22.1), développé en langue française avec un score seuil de positivité à 4.

2. Critères diagnostiques de la DN

La DN peut être possible, probable ou certaine selon les critères actuels (IASP, NeuPSIG).

a. DN possible

Les deux critères sont nécessaires.

  • Historique compatible avec une lésion ou une maladie du système somatosensoriel.
  • Topographie qui correspond à la distribution neuroanatomique de la cause suspectée (systématisation neurologique).

Par exemple, douleur de :

  • topographie radiculaire correspondant à la zone d'éruption d'un zona ;
  • topographie radiculaire L5 ou S1 persistant à distance d'une lombosciatique avec conflit radiculaire ;
  • topographie intéressant le plexus brachial dans un contexte de tumeur de l'apex pulmonaire (Pancoast Tobias);
  • topographie de la région d'une cicatrice après une chirurgie ;
  • topographie diffuse bilatérale ascendante prédominant aux extrémités dans un contexte de diabète sévère ou d'exposition à une substance neurotoxique ;
  • topographie dans le fantôme (le plus souvent un membre) après amputation ;
  • topographie hémicorporelle (ou en partie) du côté opposé à la lésion d'un AVC sylvien.

Fig. 22.1. Questionnaire DN4.
(D'après Bouhassira D. et al. Pain, 2004 ; 108 (3) : 248-257.)

b. DN probable

Lorsque la DN possible est associée à des signes cliniques sensoriels dans le territoire neuro- anatomique correspondant. Au moins un signe parmi :

  • trouble de la sensibilité : hypo/hyper/anesthésie;
  • trouble de la sensibilité vibratoire;
  • trouble de la perception douloureuse : hypo/hyper/analgésie et/ou allodynie.
c. DN certaine

Lorsqu'un test diagnostic (biologie, imagerie, neurophysiologie) met en évidence une maladie ou une lésion du système somatosensoriel expliquant la DN.

C. Douleurs mixtes

Elles associent les deux composantes précédentes et sont fréquentes, une même lésion provoquant à la fois une lésion tissulaire responsable d'un excès de nociception et une lésion neurologique responsable de douleurs neuropathiques (tableau 22.1).

Tableau 22.1. Douleurs mixtes.

D. Douleurs nociplastiques (IASP, 2017), ou dysfonctionnelles

Ce sont des douleurs dont le point de départ est lié à une altération du système du nociception, sans preuve d'un dommage tissulaire activant les nocicepteurs périphériques ou sans preuve d'une maladie ou d'une lésion du système somatosensoriel. Elles sont parfois liées à un dysfonctionnement des systèmes de contrôle de la douleur, sans lésion identifiée. Les plus fréquentes, et parfois associées, sont la fibromyalgie, la céphalée de tension, le syndrome de l'intestin irritable (SII), le syndrome de vessie douloureuse, le dysfonctionnement de l'appareil manducateur (DAM). En l'état actuel des connaissances, la douleur dysfonctionnelle répond peu au traitement pharmacologique, et sa prise en charge thérapeutique fait davantage appel aux thérapeutiques non pharmacologiques (physiques et rééducatives, psychocorporelles, sociothérapie, stimulation magnétique transcrânienne...).
NB : le diagnostic de douleur psychogène, et/ou de composante psychogène importante des douleurs (comme celui de tous les troubles somatomorphes), est un diagnostic positif et non un diagnostic d'élimination. Une douleur sans aucun substratum organique faisant porter le diagnostic de conversion est possible mais, beaucoup plus fréquemment, les patients pré- sentent une majoration «fonctionnelle» importante sur une épine irritative organique servant de « point d'ancrage » aux souffrances psychiques. Il sera alors important de ne négliger aucune de ces composantes lors de la prise en charge pluridisciplinaire.

IV. Interrogatoire et examen clinique d’un patient douloureux (HAS, 2008)

Dans un contexte de douleur aiguë, l'interrogatoire et l'examen clinique initiaux doivent être rapides, centrés sur l'origine de la douleur et son intensité afin d'orienter et surtout de ne pas retarder la mise en place d'un traitement antalgique adapté à l'intensité et à la nature de la douleur.
Une fois le patient soulagé, l'interrogatoire et l'examen clinique seront repris afin de mieux analyser la lésion responsable de la douleur et éventuellement de proposer un traitement plus spécifique. L'approche d'un patient douloureux chronique sera plus longue et complexe. Il est très important de ne pas prendre de décision thérapeutique trop rapide, avant d'avoir pris le temps de recueillir toutes les informations nécessaires au(x) diagnostic(s) précis puis à l'élaboration d'une stratégie thérapeutique concertée avec le patient dans le cadre d'un contrat de soins. La qualité de la relation médecin-malade est essentielle pour conduire dans de bonnes conditions cette démarche. Le patient est le meilleur expert de sa douleur et il est délétère de ne pas le croire lorsqu'il dit qu'il souffre. Il faudra dans un premier temps laisser le patient parler, exprimer sa douleur selon ses propres mots qui ont souvent une valeur diagnostique irremplaçable. Parfois le discours pourra se disperser et il sera alors important de le canaliser afin d'obtenir les informations nécessaires. Il faudra être attentif à des éléments de communication non verbale, à une éventuelle discordance entre la présentation générale, les mouvements, l'attitude du patient et sa plainte douloureuse. Le discours de l'accompagnant (conjoint, parents, enfants, soignants...), voire le «fardeau exprimé» sont souvent riches d'informations.

A. Histoire de la douleur et du patient

Il faut systématiquement rechercher les informations suivantes :

  • biographie du patient sur le plan médical (antécédents médicaux, chirurgicaux, obstétricaux, psychiatriques et familiaux);
  • circonstances de déclenchement de la douleur;
  • modalités de la prise en charge initiale ;
  • description de la douleur initiale (topographie, type de douleur, intensité) ;
  • contexte personnel, familial, professionnel, social dans lequel la douleur est intervenue ;
  • évolution du tableau douloureux, notamment en fonction des différents médicaments et prises en charge médicales. Il faut insister sur la nécessité d'un interrogatoire minutieux à ce sujet : la pharmacopée étant limitée, il ne s'agit pas uniquement de savoir quel traitement a été administré mais à quelles doses et pendant combien de temps et la raison de son arrêt (effets secondaires ou inefficacité?);
  • description de la douleur actuelle (topographie, type de douleur, intensité), profil évolutif sur le nycthémère et le long terme, facteurs d'aggravation et de soulagement ;
  • retentissement sur la qualité de vie, sur le sommeil, sur les activités personnelles, professionnelles... ;
  • situation actuelle du patient sur le plan familial, professionnel et socio-économique : la durée d'arrêt de travail, la notion d'accident du travail ou de maladie professionnelle, ont une influence pronostique;
  • existence de procédures judiciaires, sociales ou administratives en cours.

Il faut également rechercher tous les événements de la vie du patient qui pourraient avoir une place, un sens dans la douleur actuelle, en s'intéressant particulièrement aux traumatismes de tous ordres (agressions physiques ou psychiques, éventuellement à caractère sexuel, deuils...), et aux carences affectives précoces, qui favorisent l'apparition ultérieure de syndromes soma-toformes, anxieux, ou de conduites addictives, souvent retrouvés chez le patient douloureux chronique).

B. Contexte psychologique

Il n'est pas possible de dissocier une douleur chronique du contexte psychologique du patient. Évaluer précisément ce contexte est indispensable au diagnostic d'un tableau douloureux chronique ainsi qu'à l'élaboration d'une stratégie thérapeutique. Si l'aide d'un spécialiste (psychologue ou psychiatre) peut être utile voire indispensable, elle ne dispense pas le clinicien de cette évaluation :

  • un trouble de l'humeur plus ou moins marqué doit toujours être recherché ;
  • un trouble de la personnalité doit être recherché (personnalité obsessionnelle, hystérique, schizophrénique...) ;
  • une attention toute particulière sera portée à la recherche d'un état de stress post-traumatique ;
  • Des conduites addictives seront également recherchées : aux substances (notamment opioïdes et benzodiazépines), comportementales;
  • sont fréquemment retrouvés un sentiment d'injustice et une tendance au catastrophisme (catastrophizing), cette dernière étant de pronostic défavorable.

Une telle démarche est rarement possible en pleine nuit dans un contexte d'urgence. En dehors des situations véritablement aiguës et des déstabilisations douloureuses des pathologies néoplasiques, il faut savoir résister à la pression du patient et de l'entourage et ne pas s'engager dans des prescriptions hâtives et souvent délétères (particulièrement, comme indiqué ci-dessus, en termes de prescription inappropriée d'opioïdes forts ou de benzodiazépines et somnifères, dont il est souvent ensuite très difficile de sevrer le patient).

C. Échelles d’évaluation

1. Échelles d’autoévaluation unidimensionnelles

Elles mesurent globalement l'intensité de la douleur; ces échelles d'auto-évaluation (utilisées directement par le patient) sont simples, fiables, reproductibles pour un même patient dans le cadre d'un suivi et validées. Elles ne permettent pas de comparaison entre deux patients :

  • l'échelle numérique (EN) : la plus utilisée en pratique clinique, car simple et reproductible. Elle permet au patient de donner une note de 0 à 10; la note 0 est définie par «Pas de douleur » et la note 10 par « Douleur maximale imaginable » (ne pas hésiter à s'assurer que le patient a bien compris cette notion, faute de quoi il peut être tenté de coter «10/10» ses douleurs maximales);
  • l'échelle verbale simple (EVS) : elle comporte une série de qualificatifs hiérarchisés, pouvant être adaptés au patient et décrivant l'intensité de la douleur («Absente» = 0, «Faible» = 1, «Modérée» = 2, «Intense» = 3, «Extrêmement intense» = 4);
  • l'échelle visuelle analogique (EVA) : réglette avec une ligne horizontale de 100 mm, orientée de gauche à droite; les deux extrémités sont présentées comme «Pas de douleur» et «Douleur maximale imaginable»; le patient évalue sa douleur en mobilisant un curseur sur la ligne ; au dos de la réglette, la graduation permet de chiffrer la position du curseur et donc l'intensité de la douleur de 0 à 100 mm.

Pour un patient donné, la cotation avec une échelle ne correspond qu'à une représentation subjective de la douleur à un moment donné, dans un contexte donné, et est influencée par la relation à l'examinateur (effet Hawthorne).

2. Échelles comportementales

Elles permettent une hétéro-évaluation de la douleur par un soignant, lorsque l'expression verbale est impossible ou altérée : enfants de moins de 4 ans, patients atteints de troubles cognitifs, de la conscience (confusion, coma) ou psychiatriques sévères (psychose). Elles reposent sur l'observation par les soignants des modifications de l'attitude, du comportement et des manifestations corporelles du patient douloureux. Chez la personne âgée, on peut utiliser les échelles Algoplus (en cas de douleur aiguë), Doloplus et ECPA (en cas de douleur chronique) ; et chez l'enfant, l'échelle Evendol; sans oublier les échelles très simples interprétant le faciès du patient, utilisables à tout âge.

3. Échelles multidimensionnelles

Si les échelles précédentes sont souvent suffisantes pour évaluer une douleur aiguë, une évaluation purement quantitative ne rend que très partiellement compte d'une douleur chronique. Les échelles multidimensionnelles s'intéressent aux caractéristiques de la douleur et à leur retentissement dans la vie quotidienne.
La plus utilisée en France, recommandée par la HAS, est le questionnaire Douleur de Saint- Antoine, lui-même dérivé du Brief Pain Inventory, mais il en existe beaucoup d'autres.
L'échelle DN4 peut aider au diagnostic de douleurs ayant une composante neuropathique (au moins 4 items présents sur 10 possibles, parmi lesquels les brûlures, le froid douloureux, l'allodynie, les paresthésies et dysesthésies, l'hypoesthésie au tact et/ou la piqûre...). Les échelles utilisées en psychiatrie, notamment pour le dépistage et l'évaluation d'affects dépressifs et anxieux (Hospital Anxiety Depression, ou HAD, recommandée par la HAS ; Beck, MADRS, Hamilton...), ou des échelles de qualité de vie (SF-12 ou SF-36...) peuvent également être utiles.

4. Intérêts et limites de l’utilisation des échelles

Dans les situations d'urgence et de douleurs aiguës, le recours aux échelles doit être rapide et systématique. Il permet la mise en œuvre immédiate d'un traitement antalgique, si possible avant même l'évaluation médicale, selon une démarche protocolisée comme il en existe maintenant au sein des services d'urgences. L'échelle oriente la décision du traite- ment initial et permet ensuite, par son utilisation répétée (en utilisant toujours la même échelle), l'évaluation et l'adaptation du traitement jusqu'à sédation de la douleur. Cette démarche d'évaluation et de réévaluation, par une échelle validée, constitue un indicateur de qualité de prise en charge de la douleur au sein des établissements de santé (indicateur IQSS). Elle doit être systématique, même chez un patient ne se plaignant d'aucune douleur spontanément, chez tous les patients à l'entrée dans tous services puis régulièrement pendant l'hospitalisation.
Dans une situation de douleurs chroniques, le médecin devra veiller à ne surtout pas remplacer l'interrogatoire et l'écoute attentive d'un patient exprimant sa douleur par l'utilisation excessive de ces outils. Les échelles peuvent, mais uniquement dans un second temps, aider au diagnostic des douleurs et à l'évaluation de l'efficacité de la prise en charge. Les échelles ont surtout dans le contexte de la douleur chronique l'intérêt de standardiser l'évaluation, permet- tant une meilleure communication entre les soignants, mais aussi une démarche scientifique dans une perspective de recherche clinique.
Les limites de ces échelles doivent être connues : elles sont notamment mal comprises par 10 à 20 % des patients, non utilisables en cas de troubles de la conscience, de troubles cognitifs sévères.
Par ailleurs, la douleur exprimée par le patient peut être influencée par l'examinateur : c'est l'effet Hawthorne. Cet effet est dit «positif» quand il correspond à la moindre expression du symptôme en présence de l'examinateur (pouvant s'additionner au moindre ressenti de la douleur que procure l'effet placebo). Quand le symptôme est au contraire surexprimé, consciemment ou non, il s'agit d'un effet Hawthorne négatif.

Techniques antalgiques médicamenteuses et non médicamenteuses

I. Traitements médicamenteux
II. Traitements non médicamenteux

L'objectif du médecin dans un contexte de douleur aiguë doit être de soulager le plus rapide- ment et le plus complètement possible la douleur de son patient.
Les objectifs de la prise en charge du patient douloureux chronique sont de diminuer autant que possible ses douleurs (mais le plus souvent, cette amélioration est limitée, de l'ordre de 2 ou 3 points sur 10 sur l'échelle numérique), de limiter sa consommation médicamenteuse, en luttant contre le mésusage et le risque de dépendance, d'améliorer sa qualité de vie, et surtout de promouvoir le retour et le maintien des activités sociales, familiales et du travail.
Avant même d'élaborer un plan de soins, il est indispensable d'établir avec le patient un contrat thérapeutique personnalisé (sur la base des objectifs définis ci-dessus, et non sur une illusoire disparition des douleurs), avec une alliance thérapeutique de qualité (alors que celle- ci a souvent été mise à mal par les échecs thérapeutiques répétés, l'iatrogénie, le sentiment d'injustice ou de victimisation fréquents chez le douloureux chronique non cancéreux). Le traitement de la douleur peut faire appel à l'utilisation de médicaments :

  • les analgésiques, classés selon l'OMS en :
    • palier 1 : non opiacés, paracétamol, salicylés, néfopam (parfois classé en palier 2),
    • palier 2 : opioïdes faibles (codéine, opium et tramadol),
    • palier 3: opioïdes forts (morphine, oxycodone, fentanyl, hydromorphone) ou mixtes (nalbuphine, buprénorphine);
  • les coanalgésiques : anti-inflammatoires, antispasmodiques, myorelaxants, biphosphonates, anxiolytiques...;
  • les médicaments des douleurs neuropathiques : antiépileptiques, antidépresseurs... ;
  • les anesthésiques locaux (lidocaïne...), l'alcool pour des blocs ;
  • le mélange équimoléculaire oxygène-protoxyde d'azote (MEOPA).

I. Traitements médicamenteux

Le principe général est d'utiliser les paliers 1, 2 et 3 pour les douleurs aiguës nociceptives ; les antiépileptiques et/ou antidépresseurs pour les douleurs neuropathiques. Les traitements co-analgésiques sont traités par ailleurs, de même que les techniques relevant de l'anesthésie (anesthésies locales ou locorégionales) et l'utilisation du MEOPA.
Une douleur aiguë nociceptive sera traitée en première intention par un palier 1, le principe étant de passer au palier supérieur en cas d'échec et de revenir au palier inférieur lorsque la cause est également traitée. Dans des situations de douleurs aiguës intenses, il faut commencer par un palier 2, voire d'emblée par un palier 3. Les paliers 1 seront souvent associés aux paliers 2 ou 3, car ils potentialisent leur action. Il n'y a en revanche pas d'indication à associer les paliers 2 et 3.

A. Analgésiques

1. Palier 1

a. Paracétamol
  • La posologie est de 500 mg à 1 g par prise chez l'adulte, sans dépasser 4 g par jour en 4 à 6 prises.
  • La toxicité est hépatique : prudence en cas de maladie hépatique, surveiller le bilan hépatique lors des traitements prolongés. Mise en garde contre la prise de paracétamol «cachée» dans certaines associations médicamenteuses, ou sans ordonnance, avec le risque de dépasser la dose maximale et d'approcher la posologie toxique (10 g par jour). Espacer les prises en cas d'insuffisance rénale sévère (clairance < 10 ml/min).
  • Chez l'enfant : posologie de l'ordre de 60 mg/kg par jour.
b. Aspirine
  • La posologie est de 500 mg à 1 g par prise toutes les 6 à 8 heures.
  • Elle doit rarement être utilisée comme antalgique de première intention (sauf migraine), du fait de la toxicité, surtout gastro-intestinale, qui en limite l'emploi dans cette indication.
  • Tenir compte du risque allergique, de l'effet antiagrégant plaquettaire et des interactions médicamenteuses (anticoagulants, antidiabétiques, méthotrexate, AINS, corticoïdes...).
c. Néfopam (Acupan®)
  • Par voie parentérale (IV, IM) mais également SC ou per os (hors AMM dans ces deux dernières voies d'administration) à une posologie de 20 (une ampoule) à 120 mg par jour.
  • Souvent utilisé en post-opératoire.
  • Contre-indiqué en cas d'antécédent de convulsion, d'adénome prostatique ou de glaucome à angle fermé (effet anticholinergique dont il faudra se méfier, particulièrement chez la personne âgée).
  • Adapter les posologies en cas d'insuffisance rénale ou hépatique.
  • Le risque d'abus médicamenteux et le potentiel dépendogène sont souvent méconnus.

2. Palier 2

a. Codéine
  • Souvent associée au paracétamol, selon des rapports variables (600 mg de paracétamol/50 mg de codéine ; 500/30, 300/25, 400/20...) (Dafalgan ou Efferalgan codéine®).
  • Posologie maximale déterminée par la dose totale de paracétamol, en s'assurant de l'absence d'automédication.
  • La codéine seule peut rarement être utilisée chez l'adulte sous forme de dihydrocodéine LP (Dicodin®), surtout en cancérologie.
  • Principaux effets secondaires : ceux de tous les opioïdes : nausées, vomissements, constipation, céphalées, réactions cutanées allergiques, vertiges, somnolence. Il faut débuter le traitement par de faibles doses et augmenter progressivement, prévenir la constipation (laxatifs), traiter si besoin les nausées et surveiller l'apparition de troubles neurologiques, surtout chez les personnes âgées. Cela peut d'ailleurs conduire à éviter le palier 2 chez les personnes âgées et avoir recours d'emblée à de faibles doses de palier 3, qui peuvent être mieux tolérées.
b. Tramadol
  • Il existe en forme à libération immédiate dosée à 50 ou 100 mg, souvent mal tolérée (nau- sées, vertiges), à laquelle il faut préférer l'association au paracétamol sous forme d'Ixprim® ou Zaldiar® (tramadol 37,5 mg + paracétamol 325 mg) qui est mieux tolérée. Les formes à libération prolongée en 2 prises par 24 heures (Topalgic LP®, Contramal LP®, Zamudol LP®), voire en une seule prise (Monoalgic®, Monocrixo®), permettent de proposer un traitement à libération prolongée avec des interdoses, ou « doses de secours », à libération immédiate.
  • Il faut privilégier une dose faible initiale, avec recherche de la dose minimale efficace, et les doses prescrites sont souvent trop élevées, augmentant le risque d'effets indésirables et de dépendance. La posologie maximale par 24 heures est de 400 mg, mais chez le douloureux chronique, du fait du risque de dépendance, il vaut mieux ne pas dépasser 200 mg/j.
  • Effets secondaires : ceux des opioïdes avec un risque plus marqué de comitialité.
  • Ici encore, la titration est essentielle pour limiter les effets indésirables, qui surviennent surtout en début de traitement, et favoriser l'observance. Chez la personne âgée, mieux vaut commencer par des doses faibles, de l'ordre de 50 mg/j à libération prolongée, voire utiliser la forme en gouttes (Topalgic® gouttes : 1 goutte = 2,5 mg).
c. Lamaline® et Izalgi®
  • La Lamaline® est une association de poudre d'opium 10 mg (dont on connaît mal la pharmacocinétique), de paracétamol (300 mg) et de caféine (30 mg, psychostimulant).
  • Elle est prescrite à raison d'1 à 2 gélules par prise, chaque prise espacée de 4 heures minimum (posologie maximum : 10 par jour).
  • L'Izalgi® est dosé à 500 mg de paracétamol et 25 mg de poudre d'opium par gélule.
  • Elle peut constituer une alternative, en seconde intention, en cas d'intolérance au trama- dol, surtout chez la personne âgée.

3. Palier 3

En dehors de certaines douleurs neuropathiques rebelles, il est recommandé de ne pas les utiliser en cas de douleurs chroniques non cancéreuses, du fait de leur rapport bénéfices/ effets indésirables défavorable. C'est particulièrement valable pour le fentanyl, contre indiqué formellement dans ce cadre.

Agonistes morphiniques purs

La morphine (cf. supra, «4. Règles de prescription communes»).

Agonistes-antagonistes morphiniques

Du fait de leur risque élevé de dépendance, leur usage doit être limité aux douleurs post-opératoires et aux douleurs néoplasiques. Les agonistes-antagonistes morphiniques sont classés dans le palier 3 mais sont souvent considérés comme des «paliers 2 et demi». Leurs règles de prescription sont celles des paliers 3 en ville. Il ne faut pas les associer à d'autres morphiniques. La nalbuphine sera surtout utilisée en milieu d'anesthésie-réanimation. La buprénorphine (Temgesic®) est plus utilisée en ambulatoire, mais il faut tenir compte d'un risque de détournement de ce médicament fréquemment utilisé par les toxicomanes et qui fait l'objet d'un marché parallèle.

4. Règles de prescription communes

Les opioïdes forts doivent être évités en cas de douleurs chroniques non cancéreuses.
Ils ne sont pas indiqués pour le traitement des céphalées primaires ou des douleurs nociplastiques/dysfonctionnelles. En cas de douleur chronique avec composante nociceptive ou neuropathique, et après échec d'un traitement bien conduit, ils peuvent se discuter en utilisation prolongée (au-delà de 3 mois). Dans ce cas il s'agit d'un contrat de soin avec le patient avec dépistage au préalable du risque de mésusage ou d'addiction avant la première prescription (Opioid Risk-Tool), et recherche à chaque renouvellement de la prescription de signes/conduites de mésusage (échelle POMI).

  • Dans les douleurs aiguës et les douleurs cancéreuses, les paliers 3 sont utilisés en cas d'échec des paliers 1 puis 2, et en option en situation de douleurs très intenses d'emblée (EN >7).
  • Ils ont pour cible surtout les douleurs par nociception ou les douleurs mixtes.
  • Il faut systématiquement informer le patient des effets secondaires et les prévenir : prescription systématique de laxatifs et uniquement si besoin d'antiémétiques.
  • L'association à des palier 1 et des co-antalgiques est possible et souvent souhaitable.
  • La voie orale doit systématiquement être privilégiée.
  • La prescription se fait en ville sur des ordonnances sécurisées en respectant toutes les règles de ce type de prescription (chiffres écrits en toutes lettres, numérotation des médicaments).
  • La durée maximale de la prescription est généralement de 28 jours, parfois avec une délivrance fractionnée (fentanyl) et des exceptions pour les formes injectables sans système actif de perfusion, où la durée maximale n'est que de 7 jours.

Le schéma idéal de prescription de morphine comprend l'administration d'une dose continue, habituellement à libération prolongée (sauf injection en continue), associée à des interdoses également appelées «doses de secours», prises en cas d'accès douloureux.

5. Initiation d'un traitement morphinique fort

Les opioïdes agonistes purs de palier 3 sont les caractéristiques suivantes : pas de limite d'effet (absence de dose plafond), importantes différences inter-individuelles quant aux posologies nécessaires, marge étroite entre l'antalgie et le surdosage. Il n'existe donc pas de posologie à priori. La titration vise à favoriser un processus d'escalade des posologies tant que le soulage- ment n'est pas obtenu et tant que les effets indésirables sont acceptables, à la recherche de la dose minimale efficace.
Le processus de titration varie selon qu'il s'agit de traiter une douleur nociceptive aiguë aux urgences (DA), une douleur du cancer (DC), une douleur chronique non liée au cancer ou ses métastases (DNC) (tableau 22.2.).
Dans tous les cas, le risque à envisager est celui de la sédation excessive qui peut évoluer vers un coma avec hyperventilation puis arrêt respiratoire, la douleur étant l'antagoniste naturel de la sédation.
Il faut donc éviter les couvertures 24 heures sur 24 systématiques lorsque la douleur est épisodique (avec périodes spontanées de douleur faible ou absente), lorsqu'il est attendu que la douleur disparaisse en termes d'heures ou de jours (colique néphrétique, douleur post-opératoire...).
Lorsque la douleur est permanente ou quasi permanente, elle est souvent qualifiée de « douleur de fond », terminologie qui vient de la prise en charge des DC. Le « traitement de fond » (opioïde ou autre) est la couverture antalgique 24 heures sur 24 à horaire fixe mis en place pour contrôler la douleur de fond. Ce processus est bien sûr adapté aux patients à risque particulier : grand âge, insuffisance rénale...

Il n'existe pas de données permettant d'affirmer qu'il existe des différences en termes d'efficacité ou de risque d'effet indésirable sévère (conduisant à l'arrêt du traitement) pour les agonistes purs du palier 3. Du fait des galéniques existantes (forme LP et forme LI), des AMM, des remboursements, en France les options en première intention restent la morphine et l'oxycodone orale. Pour ces deux molécules, la forme orale LI possède un délai d'action qui permet de faire une évaluation efficacité/effet indésirable 1 heure après la prise pour une durée maximale d'effet de 4 heures.

6. Circonstances particulières

a. Situations de douleurs très aiguës et intenses

Il est possible de faire la titration par voie injectable IV. Les principes sont les mêmes. Il faut toutefois tenir compte des ratios de conversion pour estimer la posologie de départ comparativement à la voie orale. La posologie journalière est souvent exprimée en mg/h si elle est administrée en continu (pousse-seringue par exemple). La période réfractaire entre 2 interdoses peut être diminuée à 15–20 minutes tout en restant en sécurité.

b. Chez les personnes âgées

La posologie initiale sera la moitié voire le tiers de la dose habituelle.
La phase de titration sera systématiquement débutée avec une forme LI en administration toutes les 4 heures, en évitant la prise systématique en situation de somnolence ou de douleur légère.
Une interdose de 1/10 à 1/6 restant possible entre 2 prises à horaire fixe.

c. En cas d'insuffisance rénale

Si la clairance de la créatinine est inférieure à 30 ml/min, il faudrait en théorie éviter la morphine (accumulation du métabolite actif M6G). Le fentanyl existe sous forme transdermique de très longue durée d'effet, ce qui n'est pas adapté dans ce cadre. En dehors des pratiques d'expert hors AMM, il reste la possibilité de titrer très prudemment avec une forme LI en espaçant les prises toutes les 6 ou 8 heures, voire davantage. On sera particulièrement attentif aux manifestations de surdosage (somnolence, bradypnée, myoclonies, confusion, hypotension, rétention urinaire...).

d. En cas d'insuffisance respiratoire

Il n'y a pas de contre-indication à l'utilisation de la morphine (la douleur, de son côté, stimulant les centres respiratoires). Il convient parfois de débuter à des doses plus faibles, notamment en cas de BPCO, et surtout d'être particulièrement vigilant à l'apparition d'effets secondaires lors de la titration (toujours avec des formes à libération immédiate).

7. Pour les douleurs du cancer ou de ses métastases, une fois la douleur de fond équilibrée 

Après l'étape de titration, même si la douleur de fond est contrôlée, il persistera au quotidien pour 50 à 80 % des patients des épisodes douloureux spontanés ou non appelés Accès douloureux paroxystiques (ADP). Ces ADP pourront être traités par les interdoses, mais il existe des formes de fentanyl par voie transmuqueuse qui ont spécifiquement l'AMM pour cette indication. Ces traitements agissent un peu plus rapidement (délai d'action de 15 à 30 minutes selon les produits) que les interdoses prises per os. Ils sont surtout l'avantage d'avoir une durée d'action plus courte (environ 2 heures vs 4 heures pour les interdoses per os). Ceci peut éviter un effet de persistance de la dose complémentaire et donc parfois d'effets indésirables, alors que l'ADP est terminé. Leur prescription doit être faite par des médecins en ayant l'expérience, dans le respect des indications et contre-indications. Ces produits ne sont pas bio-similaires, ils nécessitent une titration.

8. Antidote

Il existe un antidote aux opioïdes : la naloxone. Toutefois son utilisation doit être réservée aux situations critiques avec un surdosage grave car son administration peut entraîner une réapparition brutale et souvent très pénible des douleurs. Il faut également faire attention à la courte demi-vie de cette molécule (répéter les administration ou administration en continu pour couvrir la durée estimée du surdosage).

9. Équianalgésie et changement (molécule/voie) d'opioïdes forts

La rotation des opioïdes est utilisée depuis les années 1990, en cas de douleurs cancéreuses chroniques, en cas d'échec d'un traitement que ce soit par absence d'effet sur la douleur ou par apparition d'effets indésirables empêchant la titration. Il a été observé empiriquement que le changement de molécule ou de voie permettait parfois de dépasser l'échec.

Actuellement, le concept de changement est préféré à celui de rotation (recommandations SFETD-SFAP-AFSOS ; site opioconvert.fr pour les calculs des ratios de changement). Le changement peut concerner la molécule, la voie d'administration ou les deux, il est associé à un sens de changement, par exemple : morphine orale vers oxycodone IV.

Réaliser un changement nécessite de considérer plusieurs éléments de décision :

  • choix de la molécule : le changement est possible entre tous les agonistes purs de palier 3. Il n'existe pas de critère de choix validé permettant l'ordre ou le choix de la molécule en dehors des précautions et contre-indications d'emploi (individualisation de la prescription) ;
  • modalité du changement : que ce soit pour un changement de molécule ou pour un changement de voie d'administration, les modalités recommandées sont de type stop and go, c'est-à-dire arrêt avec relais immédiat pour le traitement de fond (i.e. à horaire fixe ou en continu), tout en tenant compte de la cinétique de la forme galénique des opioïdes utilisés ;
  • équianalgésie : il n'existe pas au sens strict de correspondance mathématique dose à dose ;
  • ratio de changement/conversion : ils sont exprimés à partir de la posologie quotidienne en mg.

Par exemple, le ratio de changement morphine orale/oxycodone orale varie entre 2:1 et 1,5:1 ce qui veut dire que 2 mg à 1,5 mg de morphine orale correspondent à 1 mg oxycodone orale (tableau 22.3).
Par sécurité, il est recommandé d'utiliser des ratios de changement dans la fourchette basse des ratios publiés dans la littérature, puis de procéder à une nouvelle titration par les inter- doses, pour atteindre la dose antalgique efficace. Par exemple, dans le sens morphine orale/ oxycodone orale, le ratio utilisé sera 2:1 (diviser la dose de morphine par 2 pour obtenir la dose d'oxycodone). Dans le sens oxycodone orale/morphine orale, le ratio utilisé sera 1:1,5 (multiplier la dose oxycodone par 1,5 pour estimer la dose de morphine).
La mise en place de pompes intrathécales de morphine est possible mais, là aussi, l'indication doit être portée par des équipes expérimentées, après avis psychologique ou psychiatrique, et réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP).

Tableau 22.3. Exemples de ratio selon le sens de changement.

10. Association de différents antalgiques (conférence actualisations, SFAR, 2019)

Certaines associations d'antalgiques de mécanismes d'action différents peuvent avoir des effets additifs ou synergiques. Ceci a particulièrement été étudié en per et post-opératoire et a permis le développement de l'analgésie multimodale ou balancée. Cette approche permet la diminution des posologies et donc des effets indésirables potentiels tout en maximisant les effets antalgiques.

En per et péri-opératoire, la diminution des opioïdes forts (hyperalgésiants) en association avec des molécules aux propriétés anti-hyperalgésiantes a également pour objectif d'essayer de diminuer le risque de douleur chronique post-chirurgicale (qui est globalement de l'ordre de 20 %, tous types de chirurgie confondus).

Les associations qui ont montré leur intérêt sont les suivantes :

  • opioïdes et paracétamol (additif);
  • paracétamol et AINS (additif);
  • opioïdes et AINS (synergique ou supra additif) ;
  • opioïdes et antagonistes NMDA (synergique ou supra additif).

À l'inverse, l'association opioïde et nefopam semble infra additive.
Dans les pratiques actuelles, deux antalgiques non opioïdes (dont un AINS) sont à la base de la prise en charge post-opératoire +/– opioïde fort +/– anesthésie locorégionale +/– kétamine.

B. Médicaments des douleurs neuropathiques

Par voie générale, il s'agit surtout de certains antiépileptiques et antidépresseurs. La prescription de ces médicaments répond à un certain nombre de règles dont le respect a souvent plus d'influence sur le résultat que le choix de la molécule elle-même. Il faut systématiquement :

  • expliquer la nature du traitement (antidépresseur, antiépileptique), et son efficacité souvent incomplète ;
  • informer du délai d'action des traitements;
  • débuter à très faible dose;
  • augmenter très progressivement (start slow, go slow, surtout chez la personne âgée) ;
  • prévenir des effets secondaires et dire comment réagir ;
  • ne pas changer de molécule avant d'avoir administré la précédente à la posologie maximale tolérée pendant suffisamment longtemps (au moins 4 à 6 semaines).

Les effets secondaires et précautions d'emploi des molécules citées sont étudiés ailleurs dans l'ouvrage (par exemple, dans le chapitre 15 pour les antiépileptiques). Un certain nombre de ces médicaments sont prescrits hors AMM.

1. Antiépileptiques

De très nombreux antiépileptiques sont utilisés pour lutter contre les douleurs neuropathiques. Les recommandations 2020 sont de prescrire en première intention la gabapentine (Neurontin®, qui a l'AMM dans les douleurs neuropathiques périphériques), à la dose de 1 200 à 3 600 mg/j. La prégabaline (Lyrica®) est proposée en seconde intention, même si sa tolérance est souvent meilleure. La posologie efficace se situe généralement entre 300 et 400 mg/j, mais elle peut être montée à 600 mg/j. Ces doses doivent être significativement diminuées chez la personne âgée. La carbamazépine (Tégrétol®, ou Trileptal® : oxcarbamazépine) reste le traitement de première intention dans les cas de névralgies faciales – en étant attentif aux effets digestifs et aux vertiges fréquents chez les personnes âgées, et au risque d'hyponatrémie. En seconde intention, les autres antiépileptiques peuvent être essayés : gabapentine (Neurontin®); lamotrigine (Lamictal®), qui peut par ailleurs avoir un intérêt en cas de douleurs neuropathiques centrales hors AMM, valproate de sodium (Dépakine®).

2. Antidépresseurs

Les recommandations actuelles sont de prescrire en première intention les tricycliques (ami- triptyline (Laroxyl®) surtout, clomipramine (Anafranil®), imipramine (Tofranil®). Cette classe thérapeutique reste la référence en termes d'efficacité sur les douleurs neuropathiques. L'amitriptyline peut être utilisée à faibles doses (5 à 15 mg/j) en cas de douleurs neuropathiques ou de douleurs dysfonctionnelles, avec un effet intéressant sur le sommeil, mais alors sans effet antidépresseur. Toutefois, la survenue très fréquente d'effets secondaires importants amène souvent à proposer en première intention, surtout s'il existe un état dépressif caractérisé associé, des antidépresseurs non tricycliques, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, comme la duloxétine (Cymbalta®) ou la venlafaxine (Effexor®). Si certains patients sont bien soulagés par de faibles posologies, leur échec ne pourra être affirmé qu'en cas d'inefficacité aux posologies maximales, 75 à 150 mg/j pour les tricycliques, et 90 voire 120 mg/j pour la duloxétine, 150 voire 225 mg/j pour la venlafaxine, administrés pendant plusieurs semaines.

II. Traitements non médicamenteux

A. Techniques neurochirurgicales

Les différents traitements neurochirurgicaux de la douleur relèvent d'un avis pluridisciplinaire autour d'un neurochirurgien dans le cadre d'une équipe spécialisée dans la prise en charge des patients douloureux chroniques, après avis psychologique ou psychiatrique et RCP. Dans ce cadre peuvent être décidées surtout des techniques de neurostimulation implantée : stimulation médullaire (qui a fait l'objet de recommandations de la HAS en 2014, notamment en cas de lombo-radiculalgies sur rachis opéré, de SDRC rebelle, d'artériopathie oblitérante des membres inférieurs) ; stimulation corticale (en cas de douleurs réfractaires : surtout névralgies faciales rebelles, échecs de la stimulation médullaire, douleurs post-AVC, douleurs du blessé médullaire...); stimulation nerveuse périphérique (par exemple du nerf grand occipital en cas de céphalées occipitales rebelles). Il existe par ailleurs des techniques de thermocoagulation ou de compression par ballonnet dans les névralgies du trijumeau résistantes au traite- ment médicamenteux bien conduit, voire la possibilité de discuter de radiochirurgie stéréotaxique.

Les techniques d'interruption des voies de la nociception sont de moins en moins pratiquées. Il s'agit surtout désormais de la DREZotomie (DREZ pour dorsal root entry zone), en cas de lésions douloureuses faisant suite aux lésions du plexus brachial.

B. Neurostimulation cutanée (TENS pour transcutaneous electrical nerve stimulation)

Il s'agit d'une technique simple, portative, que le patient peut utiliser seul après un temps d'éducation thérapeutique (ETP). Peu onéreuse, elle est prise en charge par la Sécurité sociale, sous réserve d'un temps d'ETP et d'une prescription par une structure douleur. En 2009, la HAS en a précisé les indications, pour les patients souffrant de douleurs chroniques répondant aux conditions suivantes : insuffisance et/ou inadéquation des traitements médicamenteux; présence d'un nombre suffisant de fibres myélinisées à stimuler, et patient répondeur à un essai préalable, patient motivé et ayant une bonne capacité d'observance du traitement. Les douleurs neuropathiques en constituent l'indication de choix, surtout lorsqu'elles sont localisées. Il existe deux programmes principaux : le programme dit « gate control », lors duquel un générateur stimule en basse intensité et haute fréquence (70 Hz) des électrodes placées sur la peau, que ce soit sur le site même de la douleur ou sur le trajet tronculaire ou radiculaire. Ce dispositif peut être proposé par exemple lors de séances de kinésithérapie mais également sur prescription d'une structure de lutte contre la douleur, avec programme d'éducation thérapeutique obligatoire, pour en améliorer la compréhension et l'efficacité. Un boîtier portatif est alors à la disposition du patient qui pourra l'utiliser de manière autonome. Le second programme, appelé «stimulation endorphinique», ou «acupuncture-like», consiste en une stimulation à haute intensité et basse fréquence (1 Hz), avec souvent un effet intéressant sur le sommeil et un post-effet (persistance de l'efficacité après arrêt de la stimulation) qui peut être de plusieurs heures.

C. La stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS)

La rTMS est actuellement en plein essor au sein des structures de prise en charge de la douleur chronique. C'est une méthode non invasive, ambulatoire, consistant à stimuler le cortex cérébral par des impulsions magnétiques envoyées à travers le crâne au moyen d'une bobine générant un champ magnétique. Diverses aires corticales peuvent être stimulées, plus facilement repérées à l'aide de la neuronavigation (ciblage de la stimulation grâce à une IRM cérébrale préalable).

Dans le cadre des douleurs chroniques, la rTMS a principalement deux indications :

  • elle peut être utilisée comme un test prédictif en vue d'une future stimulation corticale devant une douleur neuropathique centrale réfractaire;
  • elle peut être proposée comme thérapeutique en elle-même dans des tableaux de douleurs neuropathiques, de douleurs dysfonctionnelles (fibromyalgie, glossodynie), de migraines et céphalées chroniques.

Différents schémas thérapeutiques peuvent alors être proposés, consistant en des séances itératives, intégrées dans le cadre d'une prise en charge pluridisciplinaire.
Le patient bénéficie généralement d'abord de 5 séances pendant 5 jours consécutifs, puis de séances plus espacées, jusqu'à 10–15 séances après lesquelles une évaluation de l'efficacité et de la tolérance du traitement sera réalisée.
La possibilité d'utilisation d'une stimulation non active (sham) permet la réalisation d'études randomisées contrôlées en double aveugle. Les méta-analyses retrouvent globalement une efficacité significative de la rTMS à haute fréquence (> 5 Hz), avec un effet antalgique de plus de 30 % observé chez 50 à 60 % des patients (pour 30 % des patients, l'effet antalgique dépasse 50 %).

D. Prise en charge psychiatrique/psychologique et/ou psychocorporelle

Très souvent, en situation de douleur chronique, une évaluation et un suivi psychiatrique et/ ou psychologique sont nécessaires, dans le cadre de la prise en charge pluridisciplinaire. Le « psy » ne doit pas être dissocié des autres professionnels mais travailler avec eux en collaboration étroite. La proposition faite aux patients ne doit pas être « d'aller voir » un psychologue ou un psychiatre, mais d'associer un psychologue ou un psychiatre à une prise en charge globale.

On distingue schématiquement :

  • les thérapies à médiation corporelle (ou psychocorporelles), qui sont toujours utiles, rarement suffisantes, et ont notamment pour but d'apprendre au patient à utiliser, en auto-pratique, une technique permettant une meilleure gestion du stress et des troubles du sommeil associés : hypnose, relaxation, méditation en pleine conscience ;
  • les psychothérapies, qui ne seront possibles que chez un patient motivé et capable de verbalisation et d'introspection, avec des inspirations très diverses : thérapies cognitivo-comportementales (TCC, qui font l'objet de recommandations en France et dans les pays anglo-saxons), thérapies brèves et systémiques, voire thérapies d'inspiration analytique. Le plus important est ici la qualité de l'alliance avec le praticien, et l'aptitude du patient à s'inscrire dans la durée dans une dynamique de changement, notamment vis-à-vis de ses croyances et comportements douloureux.

E. Thérapies physiques et rééducatives

On peut associer :

  • des thérapies physiques de traitement de la douleur, toujours utiles, jamais suffisantes. Il s'agit surtout : de massages, de la balnéothérapie, de la kinésithérapie, de la physiothérapie par le froid (utile dans les céphalées, migraineuses ou non, et les arthrites notamment, ou le chaud, en cas de contractures musculaires) ;
  • des orthèses, qui peuvent être utiles en cas de douleurs associées de l'appareil locomoteur : corset de maintien lombaire en cas de lombalgie (avec éducation thérapeutique au bon usage), canne de décharge en cas de poussée d'arthrose, orthèses des doigts ou du pouce en cas d'arthrose digitale ou du pouce (rhizathrose) ;
  • l'exercice physique régulier et progressif, en endurance (marche, vélo, piscine), est recommandé, à hauteur de 2 à 3 heures par semaine, en plusieurs séances de 20 à 45 minutes, en cas de douleurs chroniques non cancéreuses type lombalgie commune ou fibromyalgie (niveau de preuve I, niveau de recommandation A). Dans ces pathologies, un programme de reconditionnement à l'effort et de dosage de l'effort est le plus souvent nécessaire pour diminuer le risque de rechute ultérieure;
  • les techniques de médecine manuelle ou d'ostéopathie, qui doivent être pratiquées sous contrôle médical, peuvent être utiles.

F. Thérapies complémentaires (TC)

De nombreuses approches moins conventionnelles peuvent avoir leur place dans les soins proposés à un patient douloureux, à condition d'être associées à la prise en charge recommandée. Elles seront d'autant plus intéressantes que le patient en sera demandeur (ou qu'il exprime des réserves ou un refus de thérapeutiques conventionnelles), et que le praticien aura été correctement formé, si possible par une formation universitaire diplômante (comme c'est le cas en acupuncture, hypnose, thérapie manuelle) :

  • l'acupuncture et l'électro-acupuncture surtout, notamment en cas d'anxiété et/ou de troubles du sommeil associés;
  • la méditation en plein conscience (mindfulness) a fait l'objet de nombreuses études randomisées contrôlées dans la douleur neuropathique, et est désormais recommandée en deuxième ligne dans cette indication;
  • la sophrologie, et la relaxation, l'hypnose, le toucher massage... Il n'est pas question d'en discuter ici la pertinence scientifique. La pratique clinique confirme la place de ces traitements chez certains patients. L'absence d'effets secondaires de la plupart de ces approches peut les rendre intéressantes et en faire des alternatives à des techniques invasives dont il faut parfois craindre des conséquences iatrogènes. Rappelons l'importance de l'effet placebo dans la douleur, de la qualité de la relation patient-thérapeute et de la qualité d'écoute du praticien, utiles dans ce contexte. Des rapports Inserm de qualité sur ces thérapeutiques, leurs indications, leur utilité et leurs risques sont disponibles sur le site de l'Inserm.

G. Prise en charge socioprofessionnelle

L'un des objectifs majeurs de la prise en charge du patient douloureux chronique non cancéreux (et souvent un critère de jugement de essais thérapeutiques dans cette population) est de promouvoir le retour et le maintien des activités sociales et du travail. Une aide et un accompagnement dans les démarches administratives sont souvent nécessaires. On peut recourir :

  • à la MDPH pour une reconnaissance en qualité de travailleur handicapé (RQTH), favorisant le retour à l'emploi;
  • avec le concours du médecin du travail, voire du médecin conseil de la CPAM, à des adaptations de poste de travail : adaptations quantitatives : temps partiel thérapeutique, après un arrêt de travail ; adaptations qualitatives du poste, proposées avec médecin du travail : siège ergonomique, horaires adaptés, télétravail, changement de poste de travail (par exemple pour une aide-soignante passant du soin à un accueil de consultations) ;
  • à la formation professionnelle de l'adulte;
  • le plus rarement possible, et sans céder aux demandes parfois abusives du patient et/ou de son entourage, il faudra se résoudre, notamment chez le patient dont l'âge est supérieur à 55 ans, et dont les chances de retour au travail sont faibles, à la mise en invalidité catégorie 1 ou 2 chez les salariés du privé (cette mesure ne concerne pas les fonctionnaires, dont les conditions de retour et maintien au travail professionnel sont décidées par un comité médical).