Objectifs pédagogiques

  • Diagnostiquer une hémorragie méningée.
  • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.

Hiérarchisation des connaissances


I. Pour comprendre

  • L'hémorragie méningée, ou hémorragie sous-arachnoïdienne (HSA) est définie par l'irruption de sang artériel dans les espaces sous-arachnoïdiens.
  • L'HSA est soit spontanée, soit traumatique au décours d'un traumatisme crânien.
  • L'anévrisme cérébral rompu en est la cause la plus fréquente et représente environ 85 % des HSA spontanées.
  • Les HSA anévrismales représentent environ 5 % des accidents vasculaires cérébraux.
  • L'HSA est une urgence diagnostique et thérapeutique qui impose une admission immédiate en milieu spécialisé et pluridisciplinaire pour une prise en charge diagnostique et thérapeutique optimale.
  • 10 à 15 % environ des patients décèdent avant d'arriver à l'hôpital, et parmi les patients vivants pris en charge à l'hôpital : 25 à 40 % des patients décèderont.

II. Principales causes et facteurs favorisants

A. Principales causes

L'anévrisme artériel est de loin la principale cause (cf. tableau 28.1). Dans 10 % des cas, l'HSA est idiopathique et de bon pronostic. Les autres causes sont diverses et incluent, entre autres, les dissections artérielles, les malformations vasculaires cérébrales et médullaires, le syndrome de vasoconstriction cérébral réversible, les thromboses veineuses cérébrales.

1. Anévrisme artériel

Il s'agit d'une dilatation sacciforme (rarement fusiforme) de l'artère dont la zone d'implantation sur l'artère, plus ou moins étroite, est appelée collet. La malformation artérielle peut augmenter progressivement de taille, sous l'influence notamment d'une hypertension artérielle, d'un tabagisme et/ou de facteurs hémodynamiques.

B. Facteurs favorisants

Parmi les facteurs favorisants des HSA nous distinguerons ceux qui sont acquis de ceux qui sont constitutionnels.

1. Facteurs de risque acquis modifiables

Parmi les facteurs de risque modifiables, on retiendra 3 principaux facteurs de risque prouvés par des études épidémiologiques comme étant associés de manière significative à un risque accru de rupture. Il s'agit en premier lieu de l'hypertension artérielle, du tabagisme, et d'une intoxication alcoolique. L'intoxication tabagique étant le facteur de risque le plus péjoratif.

2. Facteurs de risque congénitaux non modifiables

  • Antécédents familiaux au premier degré d'une HSA anévrismale. Le risque est majoré si 2 membres ou plus de 1er degré ont présentés une HSA.
  • Les affections héréditaires du tissu conjonctif exposent au développement d'un anévrisme intracrânien :
    • en premier lieu la polykystose rénale;
    • la neurofibromatose de type 1;
    • le syndrome Marfan;
    • le syndrome d'Elher-Danlos.

Tableau 28.1. Étiologie des HSA.

  • Les facteurs propres à l'anévrisme qui majorent le risque de rupture sont mal connus :
    • le principal facteur semble être la taille de l'anévrisme : le risque est extrêmement faible au-dessous de 6 mm, mais il existe des HSA consécutives à des anévrismes de petite taille ;
    • le second est la localisation sur le polygone de Willis : d'une façon générale, les anévrismes de la circulation postérieure (vertébro-basilaire y compris communicante postérieure) et de la communicante antérieure ont un risque de rupture plus élevé ;
    • croissance dans le temps;
    • irrégularités du sac anévrismal.

III. Diagnostiquer une hémorragie méningée

A. Symptômes et signes cliniques d'une hémorragie sous-arachnoïdienne

1. Céphalées

  • Il s'agit de céphalées «explosives», d'emblée maximales.
  • Des vomissements en jet ou des nausées, une photophobie et une phonophobie, peuvent être associés, mais sont inconstants.
  • Chez le patient migraineux, les caractères brutal et inhabituel de la céphalée sont recherchés.
  • Un coma d'emblée ou une mort subite par inondation massive des espaces sous-arachnoïdiens peuvent survenir.
  • Un syndrome confusionnel d'installation aiguë ou une crise épileptique généralisée sont des modes d'installation possible.

2. Signes neurologiques

  • Raideur méningée (enraidissement douloureux de la nuque).
  • Signes pyramidaux (Babinski bilatéral, réflexes ostéo-tendineux vifs), paralysie du VI : ils n'ont pas de valeur localisatrice.
  • Anomalies du fond d'œil : hémorragies rétiniennes ou vitréennes (syndrome de Terson) qui peuvent être responsables d'une baisse d'acuité visuelle uni ou bilatérale, œdème papillaire lié à une augmentation brutale de la pression intracrânienne.
  • Paralysie du III intrinsèque et extrinsèque (par un anévrisme de l'artère carotide interne intracrânienne).
  • Les autres signes de localisation témoignent d'une diffusion intra-parenchymateuse de l'hémorragie (hématome intra-parenchymateux associé). Sont notamment observés : une hémiparésie, une hémianopsie, une aphasie en cas d'hématome temporal (touchant l'hémisphère dominant) compliquant un anévrisme de l'artère cérébrale moyenne; une para- parésie, un mutisme, un syndrome frontal en cas d'hématome fronto-basal compliquant un anévrisme de l'artère communicante antérieure ou de l'artère péricalleuse.

3. Signes extra-neurologiques

Des signes végétatifs peuvent être observés, notamment dans les premières 24 heures :

  • bradycardie ou tachycardie;
  • choc avec oedème pulmonaire et insuffisance cardiaque aiguë (consécutif à l'orage catécholaminergique provoqué par l'HSA);
  • modifications de la repolarisation à l'ECG;
  • instabilité tensionnelle (hypertension artérielle sévère consécutive à l'hypertension intracrânienne) ;
  • hyperthermie retardée (38-38,5 °C).

B. Explorations complémentaires visant à affirmer l'hémorragie sous-arachnoïdienne

L'Imagerie cérébrale, réalisée en urgence, est indispensable pour :

  • faire le diagnostic positif d'HSA (scanner cérébral sans injection de produit de contraste, IRM) ;
  • établir le diagnostic étiologique de la cause sous-jacente (anévrisme le plus souvent) avec l'angioscanner, l'IRM/ARM et/ou l'artériographie cérébrale.

1. Scanner cérébral

  • Affirme le diagnostic lorsqu'il est réalisé sans injection et montre une hyperdensité spontanée dans les espaces sous-arachnoïdiens : les citernes de la base, vallées sylviennes, et scissure inter-hémisphérique essentiellement (figure 28.1). Les anévrismes étant situés à la base du cerveau, les HSA corticales doivent faire évoquer une étiologie autre qu'anévrismale (par exemple, malformation artério-veineuse, thrombose veineuse cérébrale).
  • Recherche des complications précoces : hématome intra-parenchymateux associé, rupture intraventriculaire, ischémie cérébrale, hydrocéphalie aiguë et oedème cérébral.

2. IRM cérébrale

  • A une sensibilité comparable au scanner dans les premières 24 heures pour faire le diagnostic.
  • A une meilleure sensibilité que le scanner dans les jours qui suivent l'HSA du fait d'une capacité plus grande à détecter le sang avec les séquences FLAIR (figure 28.2) et T2*.
  • Détecte un certain nombre d'autres causes (tumeurs, thrombose veineuse cérébrale, syn- drome de vasoconstriction cérébrale réversible...).
  • Est donc indiquée dans certains cas particuliers, surtout si le scanner est normal : suspicion de diagnostic différentiel, hémorragie vue tardivement (figure 28.2).

3. Ponction lombaire

  • N'est jamais faite d'emblée.
  • Est indiquée lorsque l'imagerie cérébrale ne montre pas l'HSA.
  • Est contre-indiquée en cas d'hémorragie responsable d'un effet de masse (hématome intra-parenchymateux, hématome sous-dural aigu).

Fig. 28.1. Scanner cérébral sans injection (coupe axiale) montrant une hyperdensité spontanée des citernes de la base, des deux vallées sylviennes.
(Source : CEN, 2019.)

Fig. 28.2. IRM cérébrale (coupe axiale, séquence FLAIR) montre HSA corticale frontale gauche.
(Source : CEN, 2019.)

a. Résultats de la ponction lombaire

Les anomalies caractéristiques du liquide cérébro-spinal (LCS) en cas HSA sont les suivantes.

  • Pression du LCS élevée (> 25 cm d'H20), témoignant de l'augmentation de la pression intracrânienne.
  • Aspect visuel :
    • examen des tubes au lit du malade : liquide uniformément rouge (rosé), incoagulable, dans les trois tubes;
    • teinte rosé jaunâtre du fait de la présence de pigments sanguins (bilirubine et oxyhémoglobine à partir de la 12e heure de l'hémorragie) ;
    • analyse par spectrophotométrie : recherche des chromoprotéines : oxyhémoglobine, bilirubine, méthémoglobine, ferritine.

Ces résultats s'opposent point par point à ceux d'une PL traumatique (tableau 28.2).

b. Quand réaliser la PL?
  • Une PL normale réalisée dans les 6 heures qui suivent la céphalée aiguë ne permet pas d'éliminer une HSA. Une PL doit donc être réalisée après 6 heures en cas de scanner normal.
  • La normalité d'une PL effectuée 12 heures après le début de la céphalée permet d'éliminer le diagnostic d'HSA.

Tableau 28.2. Tableau comparatif du LCS dans l'HSA et PL traumatique

C. Explorations complémentaires à visée étiologique

1. Angioscanner

Réalisé immédiatement après le scanner sans injection, il permet de d'identifier la présence de l'anévrisme artériel (image d'addition opacifiée aux temps artériels précoces sur les artères du cercle de Willis), précisant sa taille, sa localisation (artère qui le porte), ses rapports avec les axes vasculaires à proximité, sa forme sacculaire ou fusiforme (figure 28.3).

2. Angiographie par résonance magnétique

Effectuée en même temps que l'IRM, elle permet également d'identifier la présence de l'anévrisme artériel (image d'addition), et de préciser la taille, la localisation de celui-ci.

3. Angiographie conventionnelle

L'angiographie conventionnelle ou artériographie cérébrale par cathéterisme artériel demeure l'examen de référence. Elle est réalisée lors du traitement de l'anévrisme ou à visée diagnostique dans certains cas où le diagnostic étiologique reste incertain.

Fig. 28.3. Angioscanner cérébral (coupe coronale) montrant un anévrisme de l'artère communicante antérieure (flèche rouge).
(Source : auteur.)

IV. Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge

Toute HSA impose un transfert médicalisé immédiat dans un centre disposant d'un plateau de neurochirurgie et de neuroradiologie interventionnelle. En fonction des organisations locales et de son état clinique, le patient sera dans une unité de soins intensifs ou de réanima- tion, neurologique ou neurochirurgical. Les objectifs du traitement sont de :

  • lutter contre la douleur du syndrome méningé aigu et assurer un isolement sensoriel ;
  • supprimer la cause du saignement;
  • prévenir et traiter les complications éventuelles.

A. Traitement de l'hémorragie sous-arachnoïdienne

  • Hospitalisation en urgence dans une unité de soins intensifs ou une réanimation d'un centre spécialisé assurant une surveillance continue une prise en charge pluridisciplinaire.
  • Le traitement comporte plusieurs axes résumés dans le schéma ci-dessous (figure 28.4).

Les antiépileptiques ne sont pas instaurés en l'absence de crise d'épilepsie. Il n'y a donc pas de prophylaxie. La prise en charge comprend également :

  • un bilan pré-opératoire : groupe-rhésus, NFS-plaquettes, TP, TCA, ionogramme sanguin, urée, créatinine, glycémie, ECG, radiographie de thorax ;
  • une surveillance : pouls, PA, conscience toutes les heures, température toutes les 8 heures, examen neurologique plusieurs fois par jour à la recherche notamment d'un déficit focal.

Fig. 28.4. Axes de la prise en charge thérapeutique de l'HSA.
* La pose de sonde nasogastrique ne sera pas envisagée en cas d'hypertension intracrânienne.
(Source : auteur.)

B. Prévention du resaignement

Elle repose sur le traitement précoce de l'anévrisme intracrânien dans les 24 à 48 heures qui suivent l'hospitalisation (et le plus précocement par rapport à la rupture). En cas de resaignement, la mortalité peut atteindre 60 %.

1. Traitement de l'anévrisme

Deux types de traitements existent : le traitement endovasculaire (ou embolisation) et le traitement chirurgical.

  • Le traitement endovasculaire ou embolisation : c'est le traitement de première intention des anévrismes rompus. Cette thérapeutique se déroule sous anesthésie générale. Un micro-cathéter est positionné dans l'anévrisme. Des spires de platine (appelés coils) à mémoire de forme et à libération contrôlée sont alors introduites dans le micro-cathéter puis déployées et larguées dans l'anévrisme. La présence de ce matériel provoque une thrombose de la poche et donc l'exclusion de l'anévrisme de la circulation artérielle (figure 28.5).
  • Le traitement chirurgical : c'est le plus ancien, il consiste, après ouverture du crâne, à disséquer sous microscope opératoire les artères de la base et à positionner un clip au niveau du collet de l'anévrisme. Celui-ci peut s'accompagner d'autres gestes chirurgicaux. Les traitements chirurgicaux possibles lors de la prise en charge d'une HSA sont :
    • clippage anévrisme +/- associé à une évacuation d'un hématome ;
    • dérivation ventriculaire en cas d'hydrocéphalie;
    • évacuation hématome si hémorragie intra-parenchymateuse associée à un effet de masse ;
    • dérivation ventriculaire externe en cas d'hydrocéphalie aiguë.

C. Hydrocéphalie

  • Elle peut-être précoce (3-72 heures) ou retardée (3e jour- 3e semaine).
  • Elle est liée à l'obstruction des voies de circulation du LCS.
  • Son traitement consiste en la mise en place d'un cathéter de dérivation ventriculaire externe.

Fig. 28.5. Angiographie conventionnelle (temps artériel) : anévrisme de la communicante antérieure (A), pendant (occlusion avec coils sous protection d'un ballonnet d'angioplastie : B) et après embolisation (les clichés montrant l'exclusion de l'anévrisme : C).

  • L'hydrocéphalie chronique se révèle quelques semaines à quelques mois après l'HSA.
  • Elle est la conséquence d'un feutrage de l'arachnoïde au niveau des aires de résorption du LCS (granulations de Pacchioni).
  • La triade symptomatique classique associe des troubles de la marche et de l'équilibre, des troubles sphinctériens ainsi que des troubles cognitifs.

D. Ischémie cérébrale retardée (ICR)

  • Elle complique l'occlusion et/ou le vasospasme des artères distales. Elle s'associe, ou pas, avec un vasospasme de la portion proximale des artères cérébrales.
  • La sévérité de l'HSA, l'étendue du saignement et les troubles de la vigilance initiaux sont des facteurs de risque d'ICR.
  • L'ICR est évoquée devant la survenue d'une confusion, de troubles de la vigilance et/ou de déficits neurologiques focaux et parfois fluctuants en rapport avec de nouvelles lésions ischémiques sur l'imagerie cérébrale.
  • Le vasospasme survient habituellement entre le 4e jour et la fin de la 2e semaine avec un pic vers le 7e-8e jour.
  • La prévention de l'ICR repose sur le maintien d'une euvolémie, la lutte contre l'hyponatrémie et l'hypotension, ainsi qu'un traitement par nimodipine.
  • En cas d'ICR, il est possible d'optimiser les objectifs de PA afin d'améliorer la perfusion cérébrale; un traitement endovasculaire par injection in situ de vasodilatateurs et par angioplastie est parfois proposé.

E. Autres complications

  • Hyponatrémie par syndrome de perte en sel en rapport avec sécrétion inappropriée notamment de Brain Natriuretic Peptide. Un traitement par perfusion de Nacl (iso ou hyper-osmolaire) pour compenser les pertes peut être proposé, ainsi qu'un recours à l'hydrocortisone et à la fludrocortisone (dans de rares cas, un SIADH pourrait s'observer).
  • Cardiopathie cathécholinergique, tako-tsubo.
  • Complications de réanimation (pneumopathie, ulcère, etc.).
  • Anosmie pour les anévrismes de la communicante antérieure.
  • Crises comitiales, notamment en cas de : HSA abondantes, hémorragie intra-parenchymateuse, ischémie.
  • Troubles cognitifs.