Objectifs pédagogiques

  • Diagnostiquer un accident vasculaire cérébral.
  • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge préhospitalière et hospitalière.
  • Connaître les principes de la prise en charge à la phase aiguë de l'AVC ischémique.

Hiérarchisation des connaissances


I. Pour comprendre

A. Définitions et épidémiologie

  • Les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont caractérisés par la survenue brutale d'un déficit neurologique focal.
  • Ils affectent environ 150000 patients par an, un nombre qui a tendance à augmenter en raison de l'augmentation de la population et de son vieillissement.
  • Environ un quart des AVC sont des récidives survenant chez des patients ayant un antécédent cérébrovasculaire.
  • Les AVC peuvent survenir à tout âge, y compris dans l'enfance, mais, dans 75 % des cas, il affecte des patients âgés de plus de 65 ans.
  • L'âge moyen de survenue d'un AVC est de 73 ans (70 ans pour les hommes et 76 ans pour les femmes).
  • L'AVC est une pathologie fréquente et potentiellement grave qui constitue une urgence médicale et, parfois, chirurgicale.
  • Le terme d'AVC regroupe l'ensemble des pathologies vasculaires cérébrales d'origine artérielle ou veineuse, à savoir :
    • les ischémies cérébrales artérielles (80 %) :
      • transitoires : accident ischémique transitoire (AIT),
      • constituées : infarctus cérébraux;
    • les hémorragies cérébrales, ou intraparenchymateuses (20 %) ;
    • les thromboses veineuses cérébrales (rares).
  • Environ un quart des hémorragies cérébrales (5 % de tous les AVC) correspondent à une hémorragie sous-arachnoïdienne, dont la prise en charge est totalement différente (neurochirurgie ou radiologie interventionnelle) (cf. chapitre 28, item 341, et le référentiel du Collège de neurochirurgie).
  • Les AVC représentent :
    • la première cause de handicap moteur acquis de l'adulte ;
    • la première cause de mortalité pour les femmes et deuxième pour les hommes après les cancers ;
    • la deuxième cause de troubles cognitifs majeurs après la maladie d'Alzheimer.
  • L'amélioration du pronostic dépend de la qualité de la prévention primaire et secondaire et de la rapidité de prise en charge diagnostique et thérapeutique à la phase aiguë.

B. Physiopathologie

  • Le fonctionnement cérébral nécessite un apport sanguin constant en oxygène et en glucose. En raison de l'absence de réserve en ces deux substrats, toute réduction aiguë du flux artériel cérébral sera responsable d'une souffrance du parenchyme cérébral situé en aval de l'occlusion artérielle. La vitesse d'extension de la zone ischémiée dépendra de la mise en jeu de systèmes de suppléances artérielles (collatérales) et de leur qualité (cf. annexe 27.1). Ainsi, en cas d'infarctus cérébral, il existe :
    • une zone centrale, où la nécrose s'installe immédiatement et qui sera responsable des séquelles neurologiques;
    • une zone périphérique, dite «zone de pénombre» (figure 27.1), où les perturbations tissulaires sont réversibles si le débit sanguin cérébral est rétabli rapidement (premières heures), qui est responsable des symptômes présentés par le patient ; cette zone constitue la cible des traitements d'urgence de l'ischémie cérébrale.

Fig. 27.1. Évolution de la zone de l'ischémie cérébrale en l'absence de recanalisation.
(Source : CEN, 2019, illustration : Hélène Fournié.)

  • On considère que chaque minute en ischémie est responsable d'une perte de 2 millions de neurones.
  • L'ischémie cérébrale peut être la conséquence de deux mécanismes différents :
    • thrombotique ou thromboembolique (le plus fréquent) : occlusion artérielle ;
    • hémodynamique (rare) : chute de la perfusion cérébrale sans occlusion, à l'occasion d'un effondrement de la pression artérielle :
      • régionale par sténose aiguë artérielle pré-occlusive (sur athérosclérose par hématome sous plaque, dissection, vasospasme),
      • systémique (arrêt cardiaque);
    • en cas de mécanisme hémodynamique, l'infarctus cérébral touche volontiers une zone jonctionnelle entre deux territoires (perfusion de «dernier pré»).

II. Clinique des AVC

 Un AVC doit être évoqué devant l'association (figure 27.2) :

  • «déficit neurologique» :
    • seules les pertes de fonctions (motricité, sensibilité, vision, audition, langage...) sont à prendre en compte,
    • toute manifestation productive (clonies, phosphènes, douleurs...) doit faire remettre en question le diagnostic;
  • « focal » : la perte de fonction correspond à la lésion d'une structure anatomique cérébrale donnée (cf. corrélations anatomocliniques en cours de sémiologie) ;
  • «d'apparition soudaine» :
    • le plus souvent le déficit neurologique focal apparaît sans prodromes et est d'emblée maximal (symptômes d'intensité maximale en moins de 2 minutes),
    •  plus rarement, le déficit peut connaître :
      • une aggravation rapide sur quelques minutes (aggravation en «tache d'huile» de l'hémorragie intraparenchymateuse),
      • des paliers d'aggravation successifs (sténose artérielle pré-occlusive), des fluctuations initiales (lacune),
      • des fluctuations initiales (lacune),
    •  le déficit peut rester stable ou s'améliorer progressivement.

La nature ischémique ou hémorragique d'un AVC peut être évoquée cliniquement en fonction :

  • des données épidémiologiques (fréquence plus importante des infarctus cérébraux) ;
  • du contexte :
    • affection cardiaque emboligène connue (valvulopathie, trouble du rythme) ou manifestations antérieures de maladie athéroscléreuse (coronaropathie, artériopathie des membres inférieurs) → infarctus cérébral,
    • trouble de la coagulation → hémorragie intraparenchymateuse ;
  • des données cliniques :
    • correspondance à un territoire artériel → infarctus cérébral,
    • symptomatologie d'hypertension intracrânienne (HTIC) associée précoce (céphalées, nausées, vomissements, troubles de la conscience) → hémorragie intraparenchymateuse.

Cependant, seule l'imagerie cérébrale permet à ce jour de faire la différence.

 

Fig. 27.2. Orientations diagnostiques devant une suspicion d'AVC.
(Source : CEN, 2019.)

A. Infarctus cérébraux constitués

On distingue (tableau 27.1) :

Tableau 27.1. Principales manifestations cliniques des infarctus cérébraux en fonction des territoires artériels.

  • les infarctus cérébraux de la circulation antérieure : carotidiens (artères ophtalmique, cérébrale antérieure, cérébrale moyenne, choroïdienne antérieure);
  • les infarctus cérébraux de la circulation postérieure : vertébrobasilaires (artères vertébrales, cérébelleuses et cérébrales postérieures);
  • les petits infarctus profonds (ou «lacunes»);
  • les infarctus cérébraux jonctionnels (aux confins de deux territoires artériels)

1. Infarctus cérébraux carotidiens

Les symptômes déficitaires moteurs et sensitifs sont controlatéraux à la lésion cérébrale. Exception : l'occlusion de l'artère ophtalmique, qui provoque une cécité monoculaire homolatérale.

a. Infarctus cérébraux sylviens (territoire de l'artère cérébral moyenne)

Ce sont les plus fréquents (++). On les différencie en infarctus cérébral superficiel, profond ou total.

Infarctus cérébral sylvien superficiel (figure 27.3A)
  • Déficit moteur d'intensité variable à prédominance brachiofaciale (++).
  • Troubles sensitifs dans le même territoire.
  • Hémianopsie latérale homonyme.
  • Associé en cas :
    • d'atteinte de l'hémisphère majeur :
      • aphasie motrice et non fluente (Broca) en cas d'infarctus antérieur (atteinte du pied de la troisième circonvolution frontale : zone de Broca),
      • aphasie sensorielle et fluente (Wernicke, aphasies de conduction) en cas d'infarctus postérieur (atteinte temporale postérieure : zone de Wernicke),
      • apraxie : idéomotrice et idéatoire (atteinte pariétale) ;
    • d'atteinte de l'hémisphère mineur : syndrome d'Anton-Babinski :
      • anosognosie (non-reconnaissance du trouble) (+),
      • hémiasomatognosie (non-reconnaissance de l'hémicorps paralysé) (+),
      • héminégligence (spatiale, motrice de l'hémicorps controlatéral, visuelle de l'hémichamp controlatéral et auditive controlatérale, gênant la rééducation).
Infarctus cérébral sylvien profond (figure 27.3B)
  • Hémiplégie massive proportionnelle (atteinte de la capsule interne).
Infarctus cérébral sylvien total (figure 27.3C)

Associe des signes d'infarctus cérébraux superficiel et profond en association avec :

  • déviation conjuguée de la tête et des yeux vers la lésion (atteinte de l'aire oculocéphalogyre frontale) ;
  • troubles de conscience initiaux fréquents.
b. Infarctus cérébral antérieur (figure 27.3D)
  • Hémiplégie à prédominance crurale avec troubles sensitifs (atteinte du lobule paracentral).
  • Apraxie idéomotrice de la main.
  • Syndrome frontal (adynamie, syndrome dysexécutif); en cas d'atteinte bilatérale et complète, un mutisme akinétique est observé.

Fig. 27.3. Infarctus en territoire carotidien. IRM séquence de diffusion.
A. Infarctus sylvien superficiel. B. Infarctus sylvien profond. C. Infarctus sylvien total. D. Infarctus cérébral antérieur.

(Source : CEN, 2019.)

2. Infarctus cérébraux vertébrobasilaires

a. Infarctus cérébral postérieur (figure 27.4A et B)
Territoire superficiel

Hémianopsie latérale homonyme souvent isolée (++), avec parfois :

  • alexie/agnosie visuelle (hémisphère majeur);
  • troubles de la représentation spatiale et prosopagnosie (physionomies) (hémisphère mineur).
Territoire profond
  • Syndrome thalamique :
    • troubles sensitifs à tous les modes de l'hémicorps controlatéral ;
    • parfois douleurs neuropathiques intenses (jusqu'à l'hyperpathie) de l'hémicorps controlatéral d'apparition subaiguë ou chronique;
    • rarement, mouvements anormaux de la main.
  • En cas d'atteinte bilatérale et complète : cécité corticale et troubles amnésiques (syndrome de Korsakoff par atteinte bilatérale de la face interne des lobes temporaux).
b. Infarctus cérébraux sous-tentoriels (figure 27.4C, D et E)

Responsables de lésions du tronc cérébral et du cervelet par occlusion d'artères perforantes du tronc basilaire (infarctus paramédians ou latéraux) (figure 27.4C) ou des branches d'artères cérébelleuses (figure 27.4D).

Infarctus du tronc cérébral
  • Ils peuvent être étagés et s'associer à des infarctus hémisphériques d'aval (artère cérébrale postérieure).
  •  Responsables de syndromes alternes définis par :
    • l'atteinte d'un nerf crânien du côté de la lésion ;
    • l'atteinte d'une voie longue, sensitive ou motrice, controlatérale à la lésion.
  • Le plus fréquent est le syndrome de Wallenberg (+++) (ou syndrome alterne sensitif) (figure 27.4E) :
    • conséquence d'un infarctus de la partie latérale de la moelle allongée (rétro-olivaire) irriguée par l'artère de la fossette latérale de la moelle allongée, elle-même branche de l'artère cérébelleuse postéro-inférieure;
    • symptomatologie initiale dominée par une sensation vertigineuse avec troubles de l'équilibre, parfois associés à des céphalées postérieures ;
    • à la phase d'état, le syndrome de Wallenberg se manifeste par :
      • du côté de la lésion : syndrome de Claude Bernard-Horner : atteinte de la voie sympathique; hémisyndrome cérébelleux : atteinte du pédoncule cérébelleux inférieur; atteinte du VIII : syndrome vestibulaire avec nystagmus rotatoire ; atteinte des nerfs mixtes (IX et X) : troubles de phonation et de déglutition (qui imposent un arrêt de l'alimentation orale), paralysie de l'hémivoile et de l'hémipharynx (signe du rideau) ; atteinte du V (racine descendante du trijumeau) : anesthésie de l'hémiface,
      • du côté opposé : atteinte du faisceau spinothalamique se traduisant par une anesthésie thermoalgique de l'hémicorps épargnant la face.
  • Autre exemple : infarctus protubérantiel associant atteinte du VII de type périphérique homolatérale à la lésion et hémiplégie controlatérale épargnant la face.
Infarctus graves du tronc cérébral

Conséquences, notamment, d'une occlusion du tronc basilaire, ils se révèlent par :

  • une atteinte motrice bilatérale;
  • au maximum un locked-in syndrome par infarctus bilatéral du pied du pont (ou protubérance) : quadriplégie avec diplégie faciale (seul mouvement possible : verticalité des yeux) mais conscience normale;
  • un coma pouvant mener au décès.

Fig. 27.4. Infarctus en territoire vertébrobasilaire. IRM séquence de diffusion.
A. Infarctus cérébral postérieur superficiel. B. Infarctus thalamique. C. Infarctus de perforante. D. Infarctus cérébelleux. E. Infarctus de la fossette latérale du bulbe, ou moelle allongée (syndrome de Wallenberg).

(Source : CEN, 2019.)

Infarctus cérébelleux

Parfois asymptomatiques, ils se révèlent souvent par un trouble de l'équilibre et provoquent un hémisyndrome cérébelleux ipsilatéral à la lésion.

En cas d'infarctus cérébelleux de grande taille, il peut exister un risque vital par :

  • compression du tronc cérébral par l'œdème cérébelleux ;
  • hydrocéphalie aiguë par compression du quatrième ventricule.

3. Petits infarctus profonds, ou «lacunes» (figure 27.5)

  • Conséquence d'une occlusion d'une artériole perforante (diamètre de 200 à 400 μm) par lipohyalinose (cf. infra).
  • Des tableaux cliniques évocateurs divers peuvent révéler ces petits infarctus. Les plus fréquents sont :
    • hémiplégie motrice pure (capsule interne ou tronc cérébral) ;
    • hémianesthésie pure d'un hémicorps ou à prédominance chéiro-orale (thalamus) ;
    • hémiparésie + hémihypoesthésie (tronc cérébral);
    • dysarthrie + main malhabile (bras postérieur de la capsule interne ou pied du pont [ou protubérance]) ;
    • hémiparésie + hémiataxie (pont [ou protubérance] ou substance blanche hémisphérique).
  • La fluctuation à la phase initiale de l'intensité des manifestations cliniques mentionnées ci-dessus est évocatrice de ce mécanisme.

Fig. 27.5. Infarctus lacunaire et marqueurs de microangiopathie cérébrale.
A. Infarctus lacunaire récent (IRM séquence de diffusion). B. Infarctus lacunaire ancien (IRM séquence FLAIR). C. Leucoencéphalopathie vasculaire (IRM séquence FLAIR). D. Microbleeds (microsaignements) (IRM séquence T2*).

(Source : CEN, 2019.)

  • L'«état multilacunaire» est la conséquence de la multiplication des petits infarctus pro- fonds. Il est caractérisé par l'association de :
    • syndrome pseudo-bulbaire, troubles de la déglutition et de la phonation (voix nasonnée) ;
    • rires et pleurs spasmodiques;
    • marche à petits pas;
    • troubles sphinctériens ;
    • détérioration des fonctions cognitives.

B. Accident ischémique transitoire

1. Définition

L'accident ischémique transitoire (AIT) est un épisode bref (typiquement de moins d'une heure) de dysfonction neurologique due à une ischémie focale cérébrale ou rétinienne, sans lésion cérébrale identifiable en imagerie.

2. Diagnostic de l'AIT

Il est difficile, du fait de la brièveté du phénomène. Il justifie un interrogatoire dit «policier» compte tenu des répercussions potentielles (bilan étiologique, complications socioprofessionnelles) d'un diagnostic d'AIT par excès ou par défaut pour le patient.
La symptomatologie clinique des AIT est aussi variée que celle des infarctus cérébraux.
On distingue AIT probable et AIT possible.

a. AIT «probable»
  • Installation rapide, habituellement en moins de 2 minutes, de l'un ou de plusieurs des symptômes suivants.
  • Symptômes évocateurs d'un AIT carotidien :
    • cécité monoculaire ;
    • troubles du langage (aphasie);
    • troubles moteurs et/ou sensitifs unilatéraux touchant la face et/ou les membres; ces symptômes traduisent le plus souvent une ischémie du territoire carotidien mais, en l'absence d'autres signes, il n'est pas possible de trancher entre une atteinte carotidienne ou une atteinte vertébrobasilaire.
  • Symptômes évocateurs d'un AIT vertébrobasilaire :
    • troubles moteurs et/ou sensitifs bilatéraux ou à bascule d'un épisode à l'autre, touchant la face et/ou les membres;
    • perte de vision dans un hémichamp visuel homonyme (hémianopsie latérale homonyme) ou dans les deux hémichamps visuels homonymes (cécité corticale) (l'hémianopsie latérale homonyme peut être observée également dans les AIT carotidiens).
b. AIT «possible»
  • Les symptômes suivants sont compatibles avec un AIT mais ne doivent pas faire retenir le diagnostic en première intention s'ils sont isolés :
    • vertige ;
    • diplopie ;
    • dysarthrie ;
    • troubles de la déglutition;
    • drop-attack (dérobement des jambes sans trouble de la conscience).
  • Le diagnostic d'AIT devient probable si ces signes s'associent (++), de façon successive ou concomitante, entre eux ou aux signes cités dans le paragraphe « AIT probables ».
  •  perte de l'équilibre;– symptômes sensitifs isolés ne touchant qu'une partie d'un membre ou d'une hémiface ;

3. AIT → Situation d'urgence

L'AIT est un «syndrome de menace cérébrale» car :

  • 30 % des infarctus cérébraux sont précédés d'AIT ;
  • 10 % des patients ayant eu un AIT vont présenter un infarctus cérébral constitué dans le mois qui suit en l'absence de traitement spécifique ; ce risque est maximal dans les premiers jours suivant l'AIT.

4. Étiologie

Les AIT et les infarctus cérébraux partagent les mêmes causes. Le bilan étiologique sera identique dans les deux situations (cf. infra).

5. Diagnostic différentiel de l'AIT

Les principaux diagnostics différentiels de l'AIT sont :

  • neurologiques :
    • aura migraineuse (importance de la marche migraineuse progressive),
    • crise épileptique partielle (ou déficit post-critique) révélatrice d'une lésion sous-jacente (tumeur...) ;
  • métaboliques :
    • hypoglycémie,
    • hyponatrémie,
    • mitochondriopathie ;
  • autres : ils sont nombreux et varient selon la présentation clinique :
    • vertige paroxystique bénin ou maladie de Ménière (en cas de vertige),
    • glaucome ou pathologie rétinienne (en cas de trouble visuel),
    • lipothymie,
    • trouble somatoforme, etc.

C. Hémorragies intraparenchymateuses

  • La symptomatologie ne répond pas à une systématisation artérielle et dépend de la localisation de l'hémorragie intraparenchymateuse.
  • Autres différences avec les infarctus cérébraux :
    • céphalées plus fréquentes et plus sévères;
    • troubles de la vigilance plus précoces, conséquences de l'HTIC ou de l'étendue de l'hémorragie.
  • Néanmoins, la symptomatologie clinique ne permet pas de distinguer une hémorragie intraparenchymateuse d'un infarctus cérébral de manière fiable : l'imagerie cérébrale est indispensable (++).
  • On distingue les hémorragies intraparenchymateuses en fonction de leur localisation :
    • hématomes profonds (noyaux gris) (figure 27.6A et B) ;
    • hématomes superficiels (ou «lobaires») (figure 27.6C et D);
    • hématomes sous-tentoriels (pont [ou protubérance], cervelet).
  •     arachnoïdiennes (cf. chapitre 28, item 341) qui peuvent être localisées :
    • au niveau de la base du crâne (origine souvent anévrismale) ;
    • au niveau périmésencéphalique (origine souvent idiopathique);
    • au niveau corticale (origine dominée par l'angiopathie amyloïde).

Fig. 27.6. Hémorragies intracérébrales.
A. Hématome sous-cortical de l'HTA en scanner. B. Hématome sous-cortical de l'HTA en IRM (séquence T2*). C. Hématome lobaire de l'angiopathie amyloïde en scanner. D. Hématome lobaire de l'angiopathie amyloïde en IRM (séquence T2*).

(Source : CEN, 2019.)

III. Étiologie des AVC

A. Infarctus cérébraux

  • Les causes sont multiples.
  • Plusieurs causes peuvent être présentes en même temps chez un même patient (par exemple, athérosclérose et fibrillation atriale).
  • Dans 25 % des cas environ, l'infarctus cérébral reste d'origine indéterminée.
  • Les infarctus cérébraux peuvent être dus à (figure 27.7) :
    • une atteinte des grosses artères (macroangiopathies) (++) ;
    • une atteinte des petites artères (microangiopathies) (++) ;
    • une cardiopathie emboligène (++);
    • un état pro-thrombotique (rare);
    • des causes métaboliques (rare).

1. Macroangiopathies (figure 27.8)

a. Athérosclérose (figure 27.8A, B et C)
  • Environ 30 % de l'ensemble des infarctus cérébraux.

Fig. 27.7. Étiologie des infarctus cérébraux.
(Source : CEN, 2019.)

Fig. 27.8. Pathologies des troncs supra-aortiques.
A. Sténose carotidienne athéromateuse en angio-scanner. B. Hématome pariétal de dissection carotidienne bilatérale (IRM séquence T1 STIR). C. Sténose carotidienne athéromateuse en artériographie. D. Sténose de l'artère sylvienne gauche en angio-IRM.

(Source : CEN, 2019.)

  • Diagnostic : présence d'une sténose dite «significative» si > 50 % d'une artère en amont de l'infarctus cérébral et présence de facteurs de risque vasculaire.
  • L'athérosclérose peut conduire à un infarctus cérébral par différents mécanismes :
    • thromboembolique (+++) : fragmentation d'un thrombus sur plaque et occlusion d'une artère distale;
    • thrombotique : occlusion artérielle au contact de la plaque ;
    • hémodynamique (rare, sur sténose serrée).

b. Dissections des artères cervico-encéphaliques (figure 27.8D et E)
  • Une des causes les plus fréquentes des infarctus cérébraux du sujet jeune (environ 20 %).
  • La dissection correspond au développement d'un hématome dans la paroi de l'artère, responsable d'une sténose (avec risque d'embole distal) voire d'une occlusion de l'artère disséquée.
  • Origine de la dissection :
    • post-traumatique (choc, hyperextension cervicale) ou spontanée;
    • elle peut survenir sur une artère pathologique (maladie du tissu conjonctif de type Elhers-Danlos, dysplasie fibromusculaire), mais plus souvent sur une artère saine (sans raison clairement identifiée);
    • elle est plus fréquente chez les patients ayant une hypertension artérielle chronique et moins fréquente chez les patients en surcharge pondérale.
  • La symptomatologie associe une triade inconstante comprenant :
    • cervicalgie/céphalée : signe essentiel de la dissection, à rechercher devant tout infarctus cérébral du sujet jeune (céphalée péri-orbitaire sur dissection carotidienne, postérieure sur dissection vertébrale, parfois ressemblant à une céphalée trigeminovasculaire);
    • signes locaux homolatéraux à la dissection :
      • syndrome de Claude Bernard-Horner douloureux par compression du plexus sympathique péricarotidien,
      • paralysie des nerfs crâniens bas (IX, X, XI) par atteinte de l'artère carotide interne dans l'espace sous-parotidien postérieur,
      • acouphène pulsatile par perception de l'accélération du flux sanguin dans la carotide intrapétreuse ;
    • signes ischémiques : variables en fonction du territoire artériel concerné.
c. Causes macroangiopathiques rares
  • Syndrome de vasoconstriction réversible : favorisé par la prise de certains médicaments (inhibiteurs sélectifs de la sérotonine, vasoconstricteurs nasaux, etc.) ou toxiques (cannabis, etc.). Le diagnostic sera évoqué devant l'association d'un facteur déclenchant, de céphalées ictales récurrentes et de vasospasmes observés en imagerie.
  • Certaines artérites (maladie de Horton, etc.).

2. Microangiopathies (figure 27.5)

a. Infarctus dits «lacunaires»
  • Environ 20 % de l'ensemble des infarctus cérébraux.
  • Petit infarctus profond de moins de 20 mm de diamètre.
  • Liés à l'occlusion d'une artériole profonde sur artériopathie locale, la lipohyalinose, dont le principal facteur de risque est l'HTA.
  • Localisation préférentielle des infarctus «lacunaires» :
    • noyaux gris centraux;
    • capsule interne (bras postérieur);
    • pied du pont (ou protubérance) .
  • On suspecte un infarctus lacunaire chez un patient hypertendu en cas de tableau clinique évocateur (cf. supra).

3. Cardiopathies emboligènes

  • Environ 20 % des infarctus cérébraux.
  • Conséquence d'une atteinte morphologique ou fonctionnelle du myocarde.
  • La liste des cardiopathies emboligènes est longue (tableau 27.3) : on distingue celles à risque élevé (risque de complication embolique > 5 % par an) de celles à risque modéré ou mal déterminé.
  • La fibrillation atriale est de très loin la plus fréquente des cardiopathies emboligènes (50 % des cas). Le risque embolique est d'autant plus élevé que le score CHA2DS2-VASc est élevé (cf. annexe 27.2).
  • Le mécanisme cardioembolique est systématiquement évoqué devant des infarctus cérébraux simultanés ou distincts survenant dans des territoires artériels différents.

B. Hémorragies intraparenchymateuses

1. Microangiopathie associée à l'HTA chronique

  • Cause de 50 % des hémorragies intraparenchymateuses.
  • L'hémorragie intraparenchymateuse est secondaire à la rupture des artérioles perforantes, due à l'HTA chronique (figure 27.6A et B).
  • L'hémorragie intraparenchymateuse est typiquement profonde ; par ordre de fréquence décroissante :
    • capsulothalamique,
    • capsulolenticulaire,
    • cérébelleuse.

Tableau 27.3. Principales cardiopathies emboligènes.

2. Rupture d'une malformation vasculaire

  • Elle ne concerne qu'environ 5 à 10 % des hémorragies intraparenchymateuses, mais au moins un tiers chez le sujet jeune.
  • Il peut s'agir :
    • d'une malformation artérioveineuse;
    • d'un cavernome (malformation cryptique, c'est-à-dire non visible à l'angiographie) : il peut être isolé ou multiple (cavernomatose, le plus souvent génétiquement déterminée).

3. Trouble de l'hémostase

  •  Le trouble peut être :
    • d'origine congénitale (hémophilie...);
    • d'origine acquise (anticoagulants, alcoolisme chronique...).
  •  Parmi les causes acquises, l'origine iatrogène est prédominante.
  • Environ 10 % de l'ensemble des hémorragies intraparenchymateuses sont liées à la prise d'anticoagulants oraux au long cours. Le risque des antiplaquettaires est beaucoup plus faible.

4. Tumeurs cérébrales

  • Cause de 5 à 10 % des hémorragies intraparenchymateuses.
  • Les tumeurs malignes sont les plus concernées.
  • L'hémorragie intraparenchymateuse est souvent révélatrice de la tumeur.

5. Autres causes

Elles sont nombreuses :

  • angiopathie amyloïde (hémorragies intraparenchymateuses lobaires récidivantes + déficit cognitif), cause fréquente chez le sujet âgé (figure 27.6C et D) ;
  • thrombose veineuse cérébrale (figure 27.9);
  • endocardite infectieuse (rupture d'anévrisme mycotique);
  • artérites cérébrales;
  • méningo-encéphalite herpétique.

Fig. 27.9. Thrombose veineuse cérébrale.
A. Thrombose du sinus latéral gauche en scanner sans injection. B. Infarctus veineux hémorragique en scanner. C. Infarctus veineux en séquence IRM FLAIR. D. Infarctus veineux avec remaniement hémorragique en séquence IRM T2*. E. Infarctus veineux avec remaniement hémorragique en séquence IRM diffusion. F. Thrombose du sinus latéral gauche en séquence IRM T1 après injection de gadolinium.

(Source : CEN, 2019.)

IV. Prise en charge des AVC à la phase aiguë

Le pronostic immédiat (vital) et le pronostic ultérieur (fonctionnel) dépendent de la rapidité et de la qualité de la prise en charge.
La réduction des délais de prise en charge repose sur plusieurs points :

  • contact du 15 sans délai pour tout patient présentant des symptômes évocateurs d'un AVC ;
  • non-médicalisation du transport. Le transport médicalisé doit être réservé aux patients pour lesquels sont rapportés un trouble de la vigilance ou une défaillance cardio-respiratoire associée ;
  • admission dans le centre de proximité adapté à la prise en charge de l'urgence neurovasculaire défini par deux paramètres :
    • possibilité de réaliser une imagerie cérébrale adaptée (IRM ou scanner),
    • présence d'un neurologue ou d'un système de télémédecine permettant une prise en charge thérapeutique en urgence;
  • information préhospitalière des acteurs de la prise en charge hospitalière (neurologues, urgentistes, radiologues) pour activer la filière de prise en charge et limiter tout retard diagnostique et thérapeutique.

L'AVC justifie une hospitalisation en urgence en unité neurovasculaire pour :

  • confirmation diagnostique par imagerie cérébrale;
  • prise en charge thérapeutique;
  • bilan étiologique.

A. Imagerie cérébrale

L'IRM est l'examen de référence pour confirmer le diagnostic d'AVC. En cas de non-accessibilité, un scanner peut être réalisé.

1. Scanner sans injection

a. Dans les premières heures
  • En cas d'infarctus cérébral :
    • souvent normal;
    • signes précoces possibles (figure 27.10) :
    • hyperdensité artérielle (artère sylvienne « trop belle ») témoignant du thrombus dans l'artère,
    • effacement des sillons corticaux,
    • dé-différenciation substance blanche/substance grise : atténuation du manteau cortical de l'insula, atténuation du noyau lenticulaire.
  • En cas d'hémorragie intraparenchymateuse : hyperdensité spontanée dont on précisera la localisation lobaire ou profonde.
b. Au-delà de la 6e heure
  • L'hypodensité de l'infarctus cérébral apparaît et s'accentue les premiers jours.
  • Elle est systématisée au territoire artériel infarci (figure 27.10).
  • Elle entraîne, après plusieurs mois, une dilatation du ventricule en regard et une atrophie localisée du parenchyme.

L'évaluation du parenchyme sera complétée par une évaluation des artères intra- et extra- crâniennes par un angio-scanner des troncs supra-aortiques, permettant l'identification d'un thrombus et/ou d'une sténose.

Fig. 27.10. Signes précoces d'ischémie cérébrale en scanner : infarctus cérébral sylvien droit.
A. Scanner cérébral normal. B. Hypodensité systématisée au territoire sylvien, effacement partiel du noyau lenticulaire et effacement des sillons corticaux hémisphériques droit. C. Hyperdensité spontanée de l'artère cérébrale moyenne droite (signe de la sylvienne blanche).

(Source : CEN, 2019.)

2. IRM

  • Sa sensibilité est nettement supérieure à celle du scanner.
  • Elle sera privilégiée par rapport au scanner en première intention.
  • Le protocole d'urgence comporte quatre à cinq séquences :
    • diffusion (DWI) :
      • elle visualise l'infarctus cérébral de manière très précoce (quelques minutes) sous la forme d'une hyperintensité systématisée à un territoire artériel (figure 27.11); elle permet le calcul du coefficient apparent de diffusion (ADC) qui est diminué (noir) en cas d'œdème cytotoxique,
      • elle permet aussi une mesure du volume de l'infarctus cérébral, contribuant à l'identification d'un « mismatch clinico-radiologique », qui permet d'identifier les patients éligibles à une stratégie de revascularisation endovasculaire au-delà de la 6e heure après le début des symptômes (figures 27.12 et 27.13) ;
    • T2/FLAIR :
      • elle visualise l'infarctus cérébral récent au bout de quelques heures et permet aussi l'identification des AVC plus anciens et des anomalies de la substance blanche (leu-coencéphalopathie vasculaire) (figure 27.4),
      • l'existence d'une lésion sur la séquence de diffusion en l'absence de lésion sur la séquence FLAIR correspond à un « mismatch FLAIR-diffusion » qui traduit une ischémie datant probablement de moins de 4 h 30 (figure 27.12) ;
    • T2* (ou écho de gradient) : elle visualise toute lésion hémorragique intraparenchymateuse ;
    •  perfusion, qui visualise la zone hypoperfusée. La soustraction entre perfusion et diffusion permet d'identifier la zone de pénombre où les lésions sont réversibles, qui constitue la cible des stratégies thérapeutiques de reperfusion. Cette séquence n'est à ce jour pas obligatoire au cours des infarctus pris en charge dans les 6 premières heures. Elle contribue à l'identification d'un «mismatch diffusion-perfusion» permettant d'identifier les patients éligibles à une stratégie de revascularisation endovasculaire au-delà de la 6e heure après le début des symptômes (cf. infra) (figures 27.12 et 27.13) ;
    • time of flight (c'est-à-dire «temps de vol», ou 3D-ToF) : séquence d'angio-RM (ARM) réalisée sans injection de produit de contraste, pour l'étude des branches du polygone de Willis et la visualisation d'une éventuelle occlusion artérielle.
  • L'évaluation du parenchyme sera complétée par une évaluation des artères intra et extracrâniennes par une angio-IRM des troncs supra-aortiques, permettant l'identification d'un thrombus et/ou d'une sténose.

Fig. 27.11. Séquences IRM visualisant l'infarctus cérébral : infarctus cérébral sylvien gauche à la phase précoce.
A. Hyperintensité en séquence de diffusion. B. Hypointensité (œdème cytotoxique) en séquence ADC (coefficient apparent de diffusion). C. Imagerie subnormal en séquence FLAIR. D. Absence d'anomalie en séquence T2*.
(Source : CEN, 2019.)

 Fig. 27.12. Les mismatchs.
(Source : CEN, 2019.)

Fig. 27.13. Stratégie thérapeutique de la phase aiguë de l'infarctus cérébral. A. Recanalisation par thrombolyse et/ou thrombectomie mécanique. B. Mesures associées mises en place au sein de l'unité neurovasculaire.
(Source : CEN, 2019.)

B. Unités neurovasculaires (stroke units) (figure 27.13)

L'unité neurovasculaire comporte des lits de soins intensifs :

  • elle regroupe médecins et personnel paramédical spécialisés en pathologie neurovasculaire ;
  • elle permet, en urgence et en parallèle, les prises en charge diagnostique et thérapeutique.

L'hospitalisation en unité neurovasculaire réduit la morbi-mortalité post-AVC (un décès ou handicap évité pour 20 patients traités).
L'hospitalisation en unité neurovasculaire est justifiée :

  • pour les infarctus cérébraux et les hémorragies intraparenchymateuses ;
  • quels que soient l'âge et le sexe des patients ;
  • quelle que soit la sévérité clinique (de l'AIT à l'AVC grave).

C. Prise en charge thérapeutique

1. Mesures générales

a. Positionnement initial
  • Alitement avec redressement de la tête à 30°.
  • Prévention des attitudes vicieuses.
  • Mise au fauteuil après exclusion d'une sténose artérielle serrée de la circulation cérébrale (échodoppler + doppler transcrânien ou angio-TDM ou angio-IRM) en cas d'ischémie cérébrale.
b. Surveillance rapprochée
  • Neurologique (score NIHSS, cf. annexe 27.4) : en cas d'aggravation, refaire une imagerie cérébrale à la recherche d'une extension de l'ischémie ou d'une complication hémorragique.
  • Déglutition : troubles de la déglutition à rechercher systématiquement (++) car il y a risque de pneumopathie de déglutition ; donc, en leur présence :
    • suspension de l'alimentation orale;
    • pose au besoin d'une sonde gastrique.
  • Pression artérielle : respect de la poussée tensionnelle au décours de l'infarctus cérébral, indispensable au maintien d'un débit sanguin cérébral suffisant (risque de nécrose de la zone de pénombre en cas d'abaissement intempestif des chiffres tensionnels). En phase aiguë, on ne traite (de manière progressive) qu'en cas de chiffres très élevés au-delà des valeurs suivantes : 
    • infarctus cérébral : TA > 220/120 mm Hg ;
    • infarctus cérébral si thrombolyse ou thrombectomie endovasculaire : TA > 185/110 mm Hg ;
    • hémorragie intraparenchymateuse : TA > 140/90 mm Hg (diminuer la TA permet de réduire la croissance de l'hémorragie).
  • Fréquence cardiaque (si possible sous scope) pour recherche de troubles du rythme.
  • Température : lutte contre l'hyperthermie même en l'absence de cause identifiée : paracétamol à partir d'une température supérieure à 38 °C.
  • Saturation en oxygène : lutte contre l'hypoxie et l'hypercapnie :
    • oxygénothérapie si SaO2 < 95 %;
    • aspiration si encombrement bronchique.
  • Glycémie : lutte contre l'hyperglycémie et l'hypoglycémie sévère :
    • insulinothérapie sous-cutanée si glycémie > 1,8 g/l ;
    • glucosé si glycémie < 0,5 g/l.
  •  Perfusion (si besoin) avec sérum physiologique et prévention des troubles métaboliques.
  • Nursing : prévention d'escarres, soins de bouche, etc.
  • Kinésithérapie motrice précoce, pour améliorer la perception d'un membre paralysé, prévenir les attitudes vicieuses et les limitations articulaires.
  • Prévention de complications systémiques : thromboemboliques (cf. infra), ulcère gastrique, etc.

2. Thrombolyse (en cas d'infarctus cérébral) (figure 27.13)

La thrombolyse par le rt-PA (recombinant tissue-Plasminogen Activator; altéplase) par voie IV est bénéfique lorsqu'elle est appliquée dans les 4 h 30 qui suivent l'installation des premiers signes d'infarctus cérébral.
En cas d'horaire indéterminé, l'existence d'un mismatch FLAIR-diffusion en IRM peut être utilisée pour décider de l'administration de rt-PA.
Elle s'accompagne d'un risque élevé d'hémorragie cérébrale et d'hémorragie systémique (gastrique). Il s'y associe un risque d'angiœdème, notamment chez les patients traités par inhibiteurs de l'enzyme de conversion.
La décision de thrombolyse doit donc être prise par un médecin spécialisé en pathologie neurovasculaire après évaluation des contre-indications majeures (sévérité de l'AVC, taille de l'infarctus cérébral en imagerie, antécédents, contrôle de la pression artérielle...).

3. Thrombectomie par voie endovasculaire

La thrombectomie mécanique par voie endovasculaire consiste à extraire le thrombus intra- artériel par un stent non implantable dit « retriever » et/ou par thromboaspiration (figure 27.14).
La thrombectomie mécanique est proposée uniquement aux patients présentant une occlusion proximale d'une artère intracrânienne et peut être effectuée en complément de la thrombolyse intraveineuse pour les patients éligibles à la thrombolyse.
En présence d'une contre-indication à la thrombolyse, la thrombectomie mécanique peut être proposée seule.

Fig. 27.14. Désobstruction artérielle par thrombectomie mécanique.
A. Artériographie pré-thrombectomie objectivant une occlusion proximale. B. Système de type stent-retriever. C. Artériographie post-thrombectomie objectivant une recanalisation du vaisseau.

(Source : CEN, 2019.)

Selon les recommandations de la HAS, la thrombectomie mécanique est proposée jusqu'à la 6e heure suivant le début des symptômes.

4. Traitements antithrombotiques (en cas d'infarctus cérébral)

  • Prescrits dès l'arrivée ou, en cas de thrombolyse, au décours de l'imagerie de contrôle effectuée à un délai de 24 heures.
  • Bénéfices attendus : 
    • prévention d'une récidive précoce d'infarctus cérébral :
      • aspirine entre 160 et 300 mg par jour,
      • clopidogrel en cas de contre-indication à l'aspirine ;
    • prévention d'une complication thromboembolique :
      • héparine à doses isocoagulantes (sous forme d'HBPM en l'absence d'insuffisance rénale chronique) pour prévenir le risque thromboembolique veineux en cas d'alitement dû au déficit d'un membre inférieur.

5. Antagonisation (en cas d'hémorragie intraparenchymateuse)

  • Hémorragie sous AVK : administration en urgence de PPSB + vitamine K adaptée au poids du patient.
  • Hémorragie sous antithrombine (Anti-IIa) : administration en urgence d'idarucizumab ou de PPSB en cas d'indisponibilié de l'idarucizumab.
  • Hémorragie sous anti-Xa oral : administration en urgence d'andexanet-alpha ou de PPSB ou FEIBA en cas d'indisponibilité de l'andexanet alpha.
  • Hémorragie sous antiagrégant plaquettaire : absence de démonstration du bénéfice de la transfusion de plaquettes.

En cas d'hémorragie intraparenchymateuse, la prévention d'une complication thromboembolique par héparine à doses isocoagulantes (sous forme d'HBPM en l'absence d'insuffisance rénale chronique) sera commencée 24 heures après le début des symptômes. Ce traitement peut être remplacé par l'utilisation d'une contre-pression pneumatique intermittente (traite- ment de référence en cas d'hémorragie intracérébrale).

6. Autres traitements

  • Ils visent les complications neurologiques de l'AVC.
  • Œdème cérébral : risque d'engagement et d'aggravation des lésions ischémiques :
    • lutte contre l'hypercapnie et l'hyponatrémie;
    • parfois macromolécules (Mannitol®) mais pas de corticoïdes (effet délétère et absence d'efficacité car œdème cytotoxique);
    • craniectomie de décompression en cas d'infarctus cérébral étendu dit « malin » (réservé aux patients de moins de 60 ans avec NIHSS > 16 et troubles de la vigilance). Le bénéfice au-delà de 60 ans peut être évalué au cas par cas (figure 27.15).
  • Crises épileptiques : pas de traitement préventif, traitement à discuter en cas de première crise isolée.
  • Prise en charge neurochirurgicale rarement indiquée :
    • infarctus cérébral malin du sujet jeune (craniectomie de décompression) ; 
    • hématome ou infarctus cérébelleux avec compression du tronc cérébral ou du quatrième ventricule et risque d'engagement des amygdales cérébelleuses ou hydrocéphalie aiguë.

Fig. 27.15. Craniectomie de décompression post-infarctus sylvien malin.
(Source : CEN, 2019.)

D. Diagnostic étiologique

 Le diagnostic étiologique commence par l'imagerie cérébrale qui seule permet la distinction entre infarctus cérébral et hémorragie intraparenchymateuse (cf. supra).

1. En cas d'infarctus cérébral

a. Orientation initiale

Elle dépend de :

  • l'interrogatoire : palpitations, traumatisme cervical, contexte vasculaire antérieur (facteurs de risque, médicaments à tropisme vasculaire);
  • la clinique : atteinte isolée de la motricité ou de la sensibilité d'un hémicorps (syndrome lacunaire), syndrome de Claude Bernard-Horner ou cervicalgie (dissection), souffle cardiaque (endocardite) ou artériel (sténose athéromateuse), etc. ;
  • l'imagerie :
    • des infarctus jonctionnels unilatéraux sont évocateurs d'une sténose artérielle sous- jacente, responsable d'une altération hémodynamique (figure 27.3E),
    • des infarctus cortico-sous-corticaux bilatéraux sont évocateurs d'une cardiopathie emboligène,
    • un infarctus sous-cortical de moins de 20 mm de diamètre associé à une leucoencé-phalopathie vasculaire est évocateur d'un infarctus lacunaire (figure 27.5).
b. Examens complémentaires

Ils ont pour objectif de rechercher les différentes causes.

Macroangiopathie extra-et intracrânienne

Examen à réaliser à l'admission :

  • angio-scanner ;
  • ou angio-IRM ;
  • ou écho-doppler des troncs supra-aortiques avec doppler transcrânien.

L'angiographie conventionnelle n'a pas sa place en première intention.

Microangiopathie (petits infarctus profonds)
  • Le diagnostic repose sur le tableau clinique (cf. supra) associé aux résultats de l'IRM (cf. supra), en l'absence d'autre étiologie évidente.
  • La principale cause de microangiopathie est l'hypertension artérielle. Des causes inflammatoires ou génétiques sont parfois observées.
Cardiopathie emboligène
  • Altération fonctionnelle :
    • ECG (recherche de trouble du rythme) : réalisé dès l'admission ;
    • scope si ECG négatif, holter-ECG si absence de cause évidente ;
    • en cas de forte suspicion de fibrillation atriale paroxystique peuvent être discutés un enregistrement longue duré de type holter (3 semaines) ou l'implantation d'un holter implantable.
  • Altération morphologique :
    • échographie transthoracique : recherche de valvulopathie, anévrisme ventriculaire gauche, altération de la fraction d'éjection, thrombus intracardiaque apical ; à réaliser le plus vite possible en l'absence d'étiologie évidente ;
    • échographie transœsophagienne (étude de l'atrium gauche, du septum interauriculaire et de la crosse de l'aorte) après élimination des contre-indications (radiothérapie médiastinale, cancer de l'œsophage, varice œsophagienne...) ; à réaliser en cas de bilan initial négatif.
Autres causes
  • Un état prothrombotique sera recherché sur la NFS-plaquettes et le TP-TCA réalisé à l'admission.
  • En outre, le bilan biologique initial comprendra ionogramme sanguin avec créatininémie, CRP, glycémie et bilan lipidique afin d'évaluer l'état général du patient et ses facteurs de risque vasculaire.
  • Lorsqu'une cause rare est envisagée, d'autres examens sont discutés au cas par cas : ponction lombaire (artérite cérébrale), biopsies cutanée ou musculaire (maladies du tissu élastique et de surcharge), anticorps antinucléaires, dosage de l'homocystéinémie ou hémostase complète (recherche d'une thrombophilie), etc.

2. En cas d'hémorragie intraparenchymateuse

  • Le bilan étiologique dépend de l'âge du patient et de la localisation de l'hématome. Il comprendra :
    • une IRM cérébrale;
    • un bilan de coagulation (plaquettes, TP, TCA) ; 
    •  une angiographie des artères intracrâniennes (angio-TDM ou angio-IRM et, plus rarement, une angiographie conventionnelle) en l'absence d'argument pour une hémorragie intraparenchymateuse lié à l'HTA. 
  • Le bilan pourra être complété en fonction d'orientations étiologiques spécifiques (ponction lombaire pour artérite, bilan d'infarctus cérébral pour remaniement hémorragique post-infarctus cérébral...).

V. Prévention des AVC

A. Prévention primaire

 Elle repose sur la prise en charge des facteurs de risque d'AVC.

  • HTA : principal facteur de risque des AVC, ischémiques ou hémorragiques : augmentation du risque relatif (RR) de 4 environ ; plus de la moitié des AVC surviennent dans un contexte d'HTA chronique.
  • Tabac : RR = 2. Important facteur de risque d'athérosclérose carotidienne.
  • Hypercholestérolémie : RR = 1,5. Ce facteur de risque majeur de l'infarctus du myocarde est un facteur de risque plus accessoire des infarctus cérébraux.
  • Diabète : RR = 1,5.
  • Alcoolisme chronique : augmentation progressive du risque au-delà de 3 verres standard par jour (risque d'infarctus cérébral et d'hémorragie intraparenchymateuse).
  • Migraine : augmentation du risque chez la femme jeune, surtout en cas de migraine avec aura associée à un tabagisme et une contraception orale. 
  • Contraception orale : faible augmentation du RR, limitée encore par l'utilisation des pilules microdosées ; le risque est essentiellement lié à l'effet synergique avec le tabac.
  • Obésité, syndrome métabolique, absence d'activité physique, syndrome d'apnées obstructives du sommeil : leur rôle est moins bien démontré que pour les cardiopathies ischémiques.
  • Il n'y a pas d'intérêt au plan neurovasculaire à la prise d'aspirine au long cours en l'absence de manifestation d'AIT ou d'infarctus cérébral.
  • L'administration d'un traitement anticoagulant par AVK antithrombine ou anti-facteur Xa en prévention primaire devant une fibrillation atriale apporte un bénéfice démontré pour un score CHA2DS2VASc ≥ 1.
  • Le bénéfice de la chirurgie par endartériectomie sur sténose carotide asymptomatique serrée est modeste car le risque spontané d'infarctus cérébral est faible (1 % par an), alors que le risque opératoire avoisine 3 %. L'indication est donc discutée individuellement pour les patients ayant une sténose supérieure à 60 % et une espérance de vie supérieure à 5 ans. Elle nécessite une concertation multidisciplinaire (appréciation notamment du pronostic cardiaque).
  • L'information des patients à risque sur les manifestations évocatrices d'un AVC (critères FAST : Face, Arm, Speech, Time) est une étape importante de la stratégie de prévention.

B. Prévention secondaire des infarctus cérébraux

La prévention secondaire dépend de la cause de l'infarctus cérébral.

1. Athérosclérose

Prise en charge des facteurs de risque vasculaire :

  • antihypertenseurs :
    • privilégier les inhibiteurs de l'enzyme de conversion et diurétiques thiazidiques,
    • objectif : PA < 140/90 mm Hg ;
  •  hypocholestérolémiants :
    • privilégier les statines,
    • objectif : LDL-cholestérol < 0,7 g/l;
  • antidiabétiques : objectif : HbA1c < 8 % au cours des 6 premiers mois post-AVC puis < 7 %;
  • règles hygiéno-diététiques;
  • activités physiques régulières (30 minutes de marche rapide quotidienne).

Traitement antiagrégant plaquettaire, qui réduit le risque de récidive d'infarctus cérébral de 20 % environ :

  •  3 traitements ont fait la preuve de leur efficacité :
    • aspirine (50 et 300 mg par jour),
    • clopidogrel (75 mg par jour ; Plavix® 1 cp. par jour),
    • association dipyridamole-aspirine (400 mg/50 mg par jour ; Asasantine® 2 cp. par jour) ;
  • l'association de ces traitements au long cours n'apporte pas de bénéfice et augmente le risque de complications hémorragiques;
  • les anticoagulants oraux (AVK, antithrombine, anti-Xa) au long cours n'ont pas d'intérêt dans cette indication.

Prise en charge chirurgicale des sténoses carotidiennes symptomatiques serrées :

  • les sténoses > 70 % à l'origine de l'artère carotide interne représentent l'indication principale ; l'indication sera discutée au cas par cas pour les sténoses entre 50 et 70 % ;
  • l'endartériectomie est la technique de référence ; à ce jour, il n'y a pas d'indication démontrée de l'angioplastie (± stent) en première intention ;
  • une intervention dans les 15 jours suivant l'infarctus cérébral est souhaitée; le bénéfice diminue au fur à mesure qu'on s'éloigne de l'événement initial ;
  • elle n'est pas indiquée en cas d'infarctus cérébral sévère.

2. Petits infarctus profonds (ou «lacunes»)

La prévention repose sur :

  • le traitement des facteurs de risque (HTA ++) ;
  • un médicament antiplaquettaire (cf. V.B.1. «Athérosclérose»).

3. Cardiopathies emboligènes

  • En cas de fibrillation atriale, les anticoagulants oraux–AVK, antithrombine (dabigatran), anti-Xa (rivaroxaban, apixaban) – constituent le traitement de référence :
    •  les anti-Xa (rivaroxaban, apixaban) et anti-thrombine (dabigatran) comportent un risque hémorragique cérébral moindre et ont une efficacité identique à celle des AVK. Ils doivent donc être proposés en première intention. Ils sont contre-indiqués en cas de fibrillation atriale valvulaire (rétrécissement mitral) ou d'insuffisance rénale sévère ;
    • les AVK peuvent être proposés en cas de contre-indication aux anticoagulants oraux directs. L'INR cible se situe entre 2 et 3 ;
    • la prescription des anticoagulants doit toujours tenir compte des risques hémorragiques. Ce risque pourra être évalué par le score HAS-BLED (cf. annexe 27.3) ;
    • en cas de contre-indication aux anticoagulants (risque de chutes traumatisantes, risque d'erreurs dans les traitements, par exemple du fait de troubles cognitifs) :
      • l'aspirine peut être utilisée, mais son efficacité est incertaine (réduit le risque de récidive entre 0 et 20 %). Sa prescription dépendra des maladies cardiovasculaires associées,
      • la fermeture de l'auricule gauche est une méthode alternative pouvant être pro- posée aux patients ayant une contre-indication définitive aux anticoagulants et un score CHA2DS2-VASc ≥ 4. 
  • En cas de prothèses valvulaires mécaniques, les AVK sont les seuls anticoagulants oraux autorisés. L'INR cible est entre 2,5 et 3,5 pour les valves aortiques et entre 3 et 4,5 pour les valves mitrales.
  • En cas de cardiopathies à risque embolique modéré ou mal déterminé, le risque des anticoagulants dépasse habituellement le bénéfice attendu : un antiagrégant plaquettaire est alors recommandé.
  • En cas d'infarctus cérébral attribué à un foramen ovale perméable de taille moyenne ou large ou associé à un anévrisme du septum interauriculaire chez un patient de moins de 60 ans et en l'absence d'autre étiologie, une fermeture percutanée du foramen doit être proposée en association au traitement antiagrégant plaquettaire au long cours.

4. Autres causes

  • Après dissection artérielle extracrânienne :
    • les AVK ou l'aspirine peuvent être prescrits ;
    • le choix du traitement dépend de la taille de l'infarctus cérébral et du degré de sténose ;
    • le traitement est interrompu après cicatrisation de l'artère (3 à 6 mois habituellement).
  • Infarctus cérébral sans cause identifiée : un traitement par antiplaquettaire au long cours est recommandé.

C. Prévention secondaire des hémorragies intraparenchymateuses

Elle repose avant tout sur le traitement de l'étiologie :

  • traitement de l'HTA;
  • traitement endovasculaire ou chirurgical d'une malformation vasculaire ;
  • correction d'un trouble de la coagulation.

VI. Pronostic des AVC

A. Mortalité

  • La mortalité après un AVC est de 20 % à 1 mois et de 40 % à 1 an.
  • La mortalité précoce est plus élevée en cas d'hémorragie intraparenchymateuse que d'infarctus cérébral, en raison de l'effet de masse.
  • La surmortalité à distance est surtout liée à l'augmentation du risque coronarien (40 % des décès à distance d'un AVC).

B. Morbidité

1. À distance d'un AVC

  • Un tiers des survivants sont dépendants.
  • Un tiers des survivants gardent des séquelles tout en étant indépendants.
  • Un tiers des survivants retrouvent leur état antérieur.

2. Pronostic fonctionnel

  • Le pronostic fonctionnel est meilleur en cas de :
    • âge jeune;
    • infarctus cérébral de petite taille;
    • infarctus cérébral peu sévère;
    • entourage aidant ;
    • hémorragie intraparenchymateuse plutôt qu'un infarctus cérébral à taille égale (le saignement peut refouler les structures nerveuses sans destruction).
  • Le pronostic d'un AVC est toujours difficile à établir à la phase aiguë et doit amener le praticien à rester prudent dans les informations délivrées à l'entourage (++). 
  • L'essentiel de la récupération se fait dans les 3 premiers mois, mais elle se poursuit jusqu'à 6 mois.
  • Au-delà, l'amélioration fonctionnelle est possible et tient à une meilleure adaptation au handicap résiduel.

3. Complications

Les différentes complications potentielles sont :

  • récidive : 30 % à 5 ans;
  • troubles cognitifs (ou démence vasculaire);
  • troubles de l'humeur post-AVC (dépression, anxiété);
  • spasticité ;
  • troubles vésico-sphinctériens ;
  • douleurs neuropathiques et syndrome régional complexe;
  • épilepsie vasculaire ;
  • syndrome parkinsonien vasculaire et mouvements anormaux (chorée, tremblement).

VII. Suivi du patient

Les objectifs du suivi post-AVC sont les suivants :

  • évaluer les séquelles :
    • déficit moteur résiduel,
    • déficit sensitif résiduel, ataxie proprioceptive,
    • troubles de l'équilibre et de la marche,
    • aphasie, dysarthrie,
    • dysphagie, dysphonie, diplopie;
  • évaluer les complications neurologiques :
    • spasticité,
    • mouvements anormaux et syndromes parkinsoniens,
    • douleurs neuropathiques,
    • troubles vésico-sphinctériens,
    • troubles du sommeil,
    • troubles de l'humeur (dépression, anxiété),
    • troubles cognitif ;
  • confirmer le diagnostic étiologique;
  • s'assurer de la prescription, tolérance et efficacité du traitement de prévention secondaire :
    • antithrombotique en cas d'infarctus cérébral,
    • équilibre des facteurs de risque vasculaire;
  • évaluer le retentissement des facteurs de risque vasculaire sur les différents organes cibles ;
  •  suivre l'évolution de l'adaptation du patient dans son lieu de vie, la modalité de reprise de l'activité professionnelle et la réalisation de la consultation auprès de la commission du permis de conduire avant la reprise de la conduite automobile.

Le suivi aura lieu entre 2 et 6 mois après l'événement initial, puis à 1 an. Une adaptation de la fréquence des suivis sera effectuée au cas par cas.
La prise en charge au long cours fera intervenir en fonction des problématiques spécifiques différents intervenants médicaux (neurologues, médecins de médecine physique et réadaptation, cardiologues, médecin généraliste, etc.) et paramédicaux (kinésithérapeute, ergothérapeute, orthophoniste, neuropsychologues, etc.).
Une information claire et loyale sera donnée au patient et à sa personne de confiance quant aux décisions des choix thérapeutiques et d'investigation ainsi qu'au pronostic fonctionnel.
Le rapport bénéfice/risque des investigations complémentaires ou prise en charge thérapeutique sera évalué en fonction de l'état clinique de chaque patient.
En cas d'évolution clinique défavorable, il sera tenu compte d'éventuelles directives anticipées définies par le patient avant l'accident vasculaire cérébral. Toute décision de prise en charge en réanimation sera prise de façon collégiale en tenant compte des arguments pronostiques neurologiques ainsi que de l'origine de la défaillance viscérale.

VIII. Thromboses veineuses cérébrales

Les thromboses veineuses cérébrales, ou thrombophlébites, sont rares (< 2 % des AVC) mais doivent être bien connues car elles sont accessibles à un traitement anticoagulant.
Elles touchent un ou plusieurs sinus veineux, exceptionnellement une veine corticale.
Elles peuvent provoquer ou non un infarctus cérébral, souvent avec composante hémorragique, dont la topographie ne correspond pas à un territoire artériel.

A. Symptomatologie

La triade céphalées-crises d'épilepsie-déficit neurologique focal est fortement évocatrice du diagnostic. Ces trois signes peuvent être isolés ou associés et leur installation peut être aiguë ou progressive sur quelques semaines.
La grande variabilité des présentations cliniques peut rendre le diagnostic difficile.

  • Les céphalées :
    • émoignent de l'HTIC;
    • intenses ou modérées, permanentes ou intermittentes, diffuses ou focalisées ;
    • associées à un œdème papillaire;
    • parfois associées à des troubles de la conscience ;
    • isolées dans 25 % des thromboses veineuses cérébrales.
  • Les crises épileptiques :
    • partielles ou généralisées;
    • hémicorporelles à bascule, rares, mais évocatrices.
  • Les déficits neurologiques focaux :
    • inconstants et variables selon la localisation de la thrombose veineuse cérébrale ;
    • par exemple, déficits à bascule en cas de thrombose du sinus longitudinal supérieur, 
      ophtalmoplégie en cas de thrombose du sinus caverneux.

B. Diagnostic

1. IRM cérébrale avec angio-IRM veineuse

C'est l'examen de référence, à réaliser devant toute suspicion de thrombose veineuse cérébrale. Elle permet la visualisation (figure 27.9) :

  • du sinus thrombosé :
    • hypersignal T1 et T2 et hyposignal T2* à la phase d'état, 
    • absence de flux dans le sinus occlus en angio-RM veineuse,
    • « signe du delta » après injection de gadolinium (prise de contraste de la paroi du sinus thrombosé) ;
  • du retentissement sur le parenchyme cérébral :
    • œdème vasogénique,
    • infarctus veineux,
    • remaniement hémorragique ;
  • du retentissement ventriculaire : hydrocéphalie;
  • d'une orientation étiologique :
    • tumeur cérébrale comprimant un sinus (méningiome),
    • méningite chronique,
    • pathologie locorégionale (ORL, mastoïdite).

2. Scanner cérébral et angio-scanner

Moins sensible que l'IRM, il peut montrer (figure 27.9) :

  • un infarctus hémorragique;
  • une hydrocéphalie aiguë;
  • une hyperdensité spontanée du thrombus dans le sinus (sinus thrombosé = signe du triangle dense pour le sinus longitudinal supérieur, signe de la corde pour les sinus latéraux) ;
  • un « signe du delta » au niveau du sinus après injection de produit de contraste.

3. Examen du liquide cérébro-spinal (LCS)

  • Il est réalisé en l'absence de lésion intracrânienne focale responsable d'une HTIC.
  • il peut montrer :
    • une élévation de la pression d'ouverture;
    • une hyperprotéinorachie ;
    • une pléiocytose de formule variable et quelques hématies
  • il apporte peu d'information sur le diagnostic positif mais peut orienter le diagnostic étiologique en identifiant une méningite.
    En outre, il peut soulager les céphalées liées à l'HTIC par défaut de résorption du LCS.

C. Étiologie, facteurs de risque

Les causes sont nombreuses et s'associent volontiers chez un même patient. Il est habituel de les séparer en causes générales, telles que des états d'hypercoagulabilité (grossesse et post-partum, troubles de l'hémostase congénitaux [déficit en protéine C, protéine S, antithrombine III] ou acquis [anticoagulant circulant, CIVD, cryoglobulinémie]) et causes locorégionales (méningites, otite, mastoidite, sinusite, traumatisme crânien) (tableau 27.4).

D. Traitement et pronostic

Le traitement comprend :

  • anticoagulation :
    • héparinothérapie commencée en urgence (même en cas d'infarctus hémorragique), 
      apportant une amélioration rapide de la symptomatologie,
    • relayée par des AVK (minimum 6 mois, parfois plus si une cause persiste) ; 
  • traitement étiologique (éradication d'un foyer infectieux, arrêt définitif de la contraception orale...) ;
  •  traitement symptomatique :
    • antiépileptique en cas de crise,
    • antiœdémateux (mannitol) si signes d'HTIC.

Le pronostic est favorable dans la grande majorité des cas après mise en route du traitement anticoagulant. Les thromboses veineuses cérébrales profondes sont plus souvent d'évolution défavorable.

Tableau 27.4. Principales causes de thromboses veineuses cérébrales.

Sites internet

Société française neurovasculaire : https://www.societe-francaise-neurovasculaire.fr.
European Stroke Organisation: https://eso-stroke.org.
American Heart Association/American Stroke Association: https://www.heart.org.
Formation NIHSS (DVD d'autoformation au score NIHSS pour plateforme Windows) : https://www.sfmu.org/fr/formation/FormationSFMU/outils_formation.

Annexes

Annexe 27.1 – Rappels d'anatomie vasculaire cérébrale

Deux systèmes artériels

Système carotidien

L'artère carotide interne (ACI) :

  • possède une seule branche collatérale importante :
    • l'artère ophtalmique;
  • et se termine en quatre branches :
    • l'artère cérébrale moyenne (ou sylvienne),
    • l'artère cérébrale antérieure,
    • l'artère choroïdienne antérieure,
    • l'artère communicante postérieure.
Système vertébrobasilaire

Les deux artères vertébrales, après un long trajet intertransversaire, pénètrent dans la boîte crânienne et se rejoignent sur la ligne médiane pour donner une artère unique, le tronc basilaire. Les collatérales de ce système sont :

  • les artères cérébelleuses (postéro-inférieures, moyennes, supérieures);
  • les artères perforantes (tronc cérébral).

Le tronc basilaire se termine par les deux artères cérébrales postérieures.

Voies de suppléance

Leur qualité rend compte de la variabilité du tableau clinique d'un patient à l'autre pour une même occlusion artérielle.

Polygone de Willis

Il s'agit d'un cercle d'anastomoses entre le système carotidien (antérieur) et le système verté-brobasilaire (postérieur).

Il est composé :

  • en avant : par les deux cérébrales antérieures réunies par l'artère communicante antérieure ;
  • sur chaque côté : par l'artère communicante postérieure ;
  • en arrière : par les deux artères cérébrales postérieures.
Anastomoses entre l'artère carotide interne et l'artère carotide externe

Les anastomoses entre l'artère carotide interne (ACI) et l'artère carotide externe (ACE) se font dans l'orbite entre l'artère ophtalmique (branche de l'artère carotide interne) et l'artère faciale (branche de l'artère carotide externe). En cas de thrombose de l'artère carotide interne, le sens de la circulation sanguine dans l'artère ophtalmique peut être inversé, établissant un shunt de l'artère carotide externe vers la terminaison de l'artère carotide interne, décelable par l'examen doppler.

Anastomoses corticales

Elles se développent entre deux artères voisines à la convexité du cerveau (par exemple, entre les extrémités des artères cérébrales antérieure et moyenne).

Annexe 27.2 – Score CHA2DS2-VASc26

Annexe 27.3 – Évaluation du risque hémorragique sous anticoagulant : le score HAS-BLED

Un score > 3 témoigne d'un risque hémorragique augmenté.

Annexe 27.4 – Score NIHSS de gravité des AVC

(Traduction par la SFNV de la National Institutes of Health Stroke Scale.)

  • Score entre 1 et 4 : AVC mineur.
  • Score entre 5 et 15 : AVC modéré.
  • Score entre 15 et 20 : AVC sévère.
  • Score > 20 : AVC grave.

26 CHA2DS2-VAScitre : Congestive Heart Failure, Hypertension, Age ≥ 75 [Doubled], Diabetes Mellitus, Prior Stroke or Transient Ischemic Attack [Doubled], Vascular Disease, Age 65-74, Female..