Objectifs pédagogiques

Item 108. Confusion, démences

  • Diagnostiquer un syndrome confusionnel, savoir évoquer un hématome sous-dural chronique.
  • Diagnostiquer un syndrome démentiel, une maladie d'Alzheimer.
  • Diagnostiquer un syndrome confusionnel chez le sujet âgé.

Item 132. Troubles cognitifs du sujet âgé

  • Orientation diagnostique devant des troubles cognitifs du sujet âgé et principales causes.
  • Connaître les principes de la prise en charge médicale et psychosociale d'un patient avec troubles neurocognitifs.
  • Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient en abordant les problématiques techniques, relationnelles, éthiques, organisationnelles consécutives à l'évolution de la maladie.

Item 343. État confusionnel et trouble de conscience chez l'adulte et chez l'enfant

  • Diagnostiquer un état confusionnel et un trouble de la conscience.
  • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge préhospitalière et hospitalière.

Hiérarchisation des connaissances


I. Pour comprendre

  • Un trouble neurocognitif (TNC) est une réduction acquise, significative et évolutive des capacités dans un ou plusieurs domaines cognitifs. Ce déclin cognitif est persistant, non expliqué par une dépression ou des troubles psychotiques, souvent associé à un changement de comportement, de personnalité.
  • La démence ou TNC majeur est un syndrome défini par la présence simultanée des deux critères suivants :
    • altération durable et acquise d'une ou plusieurs fonctions cognitives (ou fonctions intellectuelles : mémoire, attention, langage, gnosies, praxies, raisonnement, juge- ment, etc.) et/ou comportementales (personnalité, affects, régulation des conduites sociales, etc.);
    • les troubles ci-dessus sont suffisamment sévères pour entraîner, indépendamment des autres atteintes (de la motricité, par exemple), une altération de l'autonomie dans la vie quotidienne.
  • Ce qui n'est pas une démence :
    • les affections de début brusque à leur phase aiguë : un accident vasculaire, une encéphalopathie de Gayet-Wernicke (encéphalopathie aiguë carentielle), une méningo-encéphalite herpétique, etc.;
    • l'état confusionnel : début brusque, atteinte globale des fonctions cognitives, troubles de la vigilance, de physiopathologie différente;
    • les troubles cognitivo-comportementaux innés (retard mental, troubles du développement).
  • Il existe une gradation de la sévérité de la démence en fonction de son retentissement dans la vie quotidienne (légère, modérée et sévère).
  • Les causes des démences sont dominées par les maladies neurodégénératives (70 à 90 % des démences) et surtout par la maladie d'Alzheimer (plus de 70 % des démences neurodégénératives).
  • Les démences dégénératives sont des démences dont la cause n'est pas directement reliée à un mécanisme carentiel, métabolique, vasculaire, inflammatoire, tumoral, infectieux, toxique ou traumatique.
  • La neurodégénérescence est un processus conduisant à la perte lente mais inexorable des cellules nerveuses. Il ne faut pas confondre la neurodégénérescence pathologique avec le vieillissement normal.
  • La première étape du diagnostic des démences repose sur le principe d'un regroupement des signes et symptômes en syndrome puis sur une interprétation topographique du syndrome, qui conditionne souvent le diagnostic étiologique. Il est donc indispensable d'avoir au minimum une représentation schématique des grandes fonctions cérébrales et de disposer de quelques outils cliniques de base permettant de tester ces grandes fonctions (cf. annexes 18.1, 18.2 et 18.3).
  • Le vieillissement normal peut entraîner un TNC n'entravant pas l'autonomie et touchant ce que l'on appelle les fonctions exécutives (cf. annexe 18.1). Il s'agit principalement d'un léger trouble de la flexibilité de la pensée, d'une réduction de la vitesse de traitement des informations et d'une diminution des capacités d'attention divisée. La modestie de ces troubles et leur nature les distinguent des troubles cognitifs pathologiques associés aux maladies neurologiques. En outre, les résultats des tests psychométriques rendus au clinicien sont ajustés à l'âge et au niveau d'éducation.

La maladie d'Alzheimer étant de loin la cause la plus fréquente des démences du sujet âgé (mais aussi la plus fréquente de toutes les démences), elle constitue dans ce chapitre le modèle de description du syndrome démentiel.

II. Maladie d’Alzheimer

A. Pour comprendre

  • La maladie d'Alzheimer est un enjeu majeur de santé publique7 car :
    • elle touche environ un million de personnes en France ; c'est la première cause de démence ;
    • sa prévalence est liée à l'âge et est en augmentation régulière ; elle touche 2 à 4 % de la population après 65 ans et atteint 15 % à 80 ans ;
    • sa morbidité est majeure (perte d'autonomie pour le patient, souffrance pour les aidants) ;
    • son coût socio-économique est massif (soins chroniques très coûteux au domicile ou en institution).
  • La cause de la maladie d'Alzheimer n'est pas identifiée, mais la cascade biologique conduisant à la mort progressive des neurones est de mieux en mieux connue (cf. figure 18.8 de l'annexe 18.4).
  • Les facteurs de risque ne sont pas identifiés dans leur ensemble :
    • certains sont génétiques (par exemple, le portage de l'homozygotie pour l'allèle ε4 de l'apolipoprotéine E);
    • certains sont environnementaux ou liés au mode de vie (par exemple, les facteurs de risque cérébrovasculaire et le faible niveau d'éducation).
  • Trois grandes anomalies biologiques8 caractérisent l'affection :
    • l'accumulation anormale de protéines β-amyloïdes (Aβ-42) en amas extracellulaires («plaques amyloïdes» ou «plaques séniles»). Celles-ci sont surtout présentes dans les cortex cérébraux associatifs (cortex préfrontaux, pariétaux et temporaux) et épargnent relativement le cortex visuel primaire (lobes occipitaux) et le cortex moteur (frontale ascendante);
    • l'accumulation anormale dans les prolongements neuronaux de protéine TAU anormalement phosphorylée formant les dégénérescences neurofibrillaires (DNF); ces DNF sont trouvées en grande quantité dans les régions temporales internes (hippocampes en particulier);
    • la perte des neurones dont les prolongements ont préalablement été le siège des DNF. Cette perte cellulaire, lorsqu'elle est massive, conduit à l'atrophie des régions affectées.

7 - La mise en place de trois plans nationaux «Alzheimer» (2001-2012) par le gouvernement français, pour développer la recherche et mieux prendre en charge les patients, témoigne de l'importance sociétale de ce problème.

8 - Les protéines β-amyloïdes et TAU hyperphosphorylées sont des protéines anormales, résultant de dysfonctions de voies de régulation de protéines constituantes des neurones. Par exemple, la protéine TAU (normalement phosphorylée) est une protéine nécessaire à la charpente microtubulaire des prolongements neuronaux. Elle participe aux transferts moléculaires du corps du neurone vers la synapse.

B. Comment faire le diagnostic de la maladie d'Alzheimer ?

  • Il s'agit d'une démarche diagnostique reposant certes sur la présence d'arguments négatifs, mais aussi et surtout sur le recueil d'arguments positifs.
  • Le diagnostic du vivant du patient est un diagnostic de probabilité. Le diagnostic de certitude repose sur la neuropathologie (post mortem).
  • La probabilité de porter un bon diagnostic repose sur le faisceau d'arguments associant les signes positifs et les signes négatifs. Plus la concordance des arguments est importante, plus la probabilité du diagnostic est élevée.
  • Le diagnostic repose sur cinq types d'arguments9 :

1. Arguments positifs cliniques : le profil des troubles cognitifs.
2. Arguments de neuro-imagerie négatifs (pas d'autres lésions) et positifs (atrophie hippocampique).
3. Arguments négatifs par la pratique d'un bilan biologique plasmatique, servant à éliminer des diagnostics différentiels, en particulier de démences dites curables.
4. Arguments positifs d'imagerie métabolique (hypométabolisme et/ou hypoperfusion des cortex associatifs).
5. Arguments positifs par dosage des biomarqueurs de la pathologie Alzheimer dans le LCS (profil caractéristique des taux intrathécaux des protéines TAU phosphorylée et β-amyloïde 42 [Aβ1-42], cf. infra).

  • Dans l'immense majorité des cas, l'association examen clinique (incluant le bilan précis des fonctions cognitives) + imagerie cérébrale par IRM + bilan biologique suffit à obtenir un diagnostic de haute probabilité (cf. figure 18.3). Le recours à l'imagerie métabolique et au dosage des biomarqueurs du LCS n'est actuellement pas systématique.

9 - Le diagnostic génétique moléculaire est un sixième argument. Il permet de faire un diagnostic de certitude de maladie d'Alzheimer dans les très rares formes génétiques de la maladie (moins de 1 % des patients). En effet, dans ces cas, la maladie d'Alzheimer est due à une mutation monogénique, de transmission autosomique dominante. Toutefois, ces formes génétiques se distinguent des autres par le début jeune (avant 60 ans, voire bien plus tôt) et par l'existence d'autres signes neurologiques. Elles ne doivent être évoquées que lorsqu'il existe des antécédents de démence du sujet jeune dans au moins deux générations successives.

1. Histoire naturelle

Il faut distinguer trois phases évolutives (figure 18.1) :

  • la phase prédémentielle ou prodromale ; c'est le début de la phase symptomatique ;
  • la phase d'état ou de démence (légère à sévère) ;
  • la phase de démence très sévère.
a. Phase «prédémentielle» ou «prodromale»
  • À cette phase de la maladie, les patients sont autonomes pour la plupart des gestes de la vie quotidienne.
  • L'anomalie la plus fréquemment retrouvée est un trouble de la consolidation en mémoire épisodique :
    • il est le reflet clinique de l'atteinte sévère des régions temporales internes (hippocampes et cortex adjacents) (cf. annexe 18.1);
    • la plainte amnésique est, de loin, le symptôme conduisant le plus fréquemment à évoquer le diagnostic. Il s'agit d'un oubli à mesure (par exemple, le patient fait répéter plusieurs fois la même chose) témoignant de l'incapacité à former un souvenir durable à partir d'un événement vécu. Il n'est pas rare que le patient minimise la plainte (anosognosie), alors que l'entourage s'en inquiète.
  • À l'épreuve des cinq mots (cf. annexe 18.2), les patients présentant un trouble de la consolidation en mémoire épisodique ne sont pas capables de donner les cinq mots après un délai de quelques minutes. Surtout, ils ne sont pas aidés par les indices de catégorie proposés par l'examinateur. Cela suggère qu'ils n'ont pas enregistré les mots.
  • L'évaluation de la mémoire par un neuropsychologue complète le bilan, en confirmant par un test de mémoire (le plus utilisé est le « Rappel libre/rappel indicé à 16 items ») l'effondrement des capacités à rappeler des informations (par exemple, des mots à mémoriser), et en confirmant le trouble de la consolidation (par exemple, pour les mots, par la faiblesse de l'aide normalement pourvue par les indices de catégorie). La répétition des phases de rappel n'améliore pas la restitution. Les patients introduisent dans la liste des mots à rappeler des mots ne faisant pas partie de la liste à mémoriser (« intrusions »).
  • Ce profil de troubles de la mémoire s'oppose à d'autres types de déficits de mémoire secondaires aux troubles de l'attention ou des fonctions exécutives, qui altèrent la qualité de l'enregistrement ou de la récupération des informations (mais pas directement la consolidation). Dans ce cas, les sujets ont des difficultés à restituer spontanément une liste de mots (par exemple, les cinq mots), mais ils sont significativement aidés par les indices. On observe notamment ce profil dans les situations fonctionnelles suivantes : dépression, troubles du sommeil, anxiété, prise excessive de psychotropes

 Fig 18.1                                      
 

Fig. 18.1. Histoire naturelle de la maladie d'Alzheimer symptomatique.
MMSE, Mini Mental State Examination.
NB : Le test MMSE (Mini Mental State Examination) permet d'effectuer un examen cognitif global et, en cas de démence, donne une indication sur sa sévérité ; il ne permet pas de poser un diagnostic étiologique.
(Source : CEN, 2019.)

b. Phase démentielle
  • L'autonomie est significativement altérée pour les activités dites instrumentales de la vie quotidienne (aptitudes à utiliser le téléphone, à utiliser les moyens de transport, à gérer la prise de médicaments, à manipuler l'argent).
  • Outre les troubles de la mémoire, il existe une atteinte plus ou moins sévère des autres fonctions cognitives : syndrome dit «aphaso-apraxo-agnosique» et atteinte des fonctions exécutives.
  • Ces nouvelles atteintes cognitives reflètent l'extension des lésions aux régions corticales associatives (cortex préfrontal, pariétal et temporal externe).
c. Phase très avancée de la maladie (démence sévère)
  • La perte de l'autonomie est totale du fait d'une atteinte des activités de base de la vie quotidienne (toilette, habillage, locomotion, alimentation). Souvent, les patients sont en institution. Cette phase précède la fin de vie et survient en moyenne 7 à 8 ans après la détection des premiers symptômes de la maladie.
  • Outre les troubles touchant l'ensemble des fonctions cognitives (et pouvant aller jusqu'à la non-reconnaissance des proches), il peut exister des troubles psychologiques et des troubles du comportement (agitation ou apathie, hallucinations, troubles délirants, déambulation, troubles du sommeil et de l'appétit, troubles du contrôle des sphincters), des troubles du rythme veille-sommeil, des signes de dénutrition et d'autres troubles d'origine neurologique (troubles de la marche et de la posture avec chutes, épilepsie, myoclonies).
  • Le décès survient par une complication générale due à l'état grabataire (surinfection bronchique, suite d'une chute avec alitement prolongé...) ou par mort subite.

2. Arguments diagnostiques

a. Arguments négatifs et positifs et de neuro-imagerie

Les objectifs sont d'éliminer une cause non dégénérative et de rechercher une atrophie cérébrale, en particulier des hippocampes.

Il s'agit :

  • d'éliminer un processus expansif intracrânien (tumeur intra- ou extracérébrale, hématome sous-dural...) ou une hydrocéphalie;
  • de détecter des lésions vasculaires ischémiques et hémorragiques (séquences utiles : T2/ FLAIR et T2 en écho de gradient, respectivement) ;
  • d'évaluer visuellement l'atrophie des hippocampes (séquence utile : T1 coronal avec un plan de coupes perpendiculaire au grand axe de l'hippocampe) (figure 18.2). Pour cela, il est possible de s'aider de l'échelle d'évaluation de l'atrophie des hippocampes de Scheltens (figure 18.3). Toutefois, c'est une mesure subjective qui dépend de l'expérience du clinicien.

Fig. 18.2. IRM cérébrale pour le diagnostic positif de la maladie d'Alzheimer.
IRM en séquence pondérée T1. Les flèches localisent les hippocampes. Coupes coronales passant par le grand axe de l'hippocampe.
A. Cerveau sain, pas d'atrophie des hippocampes. B. Patient Alzheimer : atrophie hippocampique bilatérale.
(Source : CEN, 2019.)

Fig. 18.3. Échelle de Scheltens.
Elle est graduée de 0 à 4. 0 : Pas d'atrophie ; 1 : Atrophie possible ; 2 : Atrophie discrète ; 3 : Atrophie modérée ; 4 : Atrophie sévère.
(Source : CEN, 2019.)

b. Arguments négatifs par la pratique d'un bilan biologique plasmatique10
  • Le bilan minimal comprend : NFS-plaquettes, VS, ionogramme plasmatique, calcémie, albuminémie, fonction rénale (créatinine et sa clairance), CRP, TSHus et glycémie à jeun.
  • La HAS recommande d'ajouter selon le contexte : fonction hépatique (transaminases, gamma GT) et vitamine B12-folates (ces deux examens seront en pratique assez systématiques), les sérologies syphilitique, Lyme et VIH étant réservées à des cas particuliers.
c. Arguments positifs d’imagerie métabolique

La scintigraphie de perfusion peut mettre en évidence une hypoperfusion des régions corticales associatives et temporales internes. La tomographie par émission de positrons (TEP) détermine le métabolisme cérébral par un radiomarquage fluoré du déoxyglucose (TEP-FDG), qui peut mettre en évidence un hypométabolisme de ces mêmes régions.

d. Arguments positifs par dosage des biomarqueurs dans le LCS de la pathologie Alzheimer
  • Dosage dans le LCS des taux de la protéine β-amyloïde (Aβ-42) et de la protéine TAU hyperphosphorylée (TAU-p).
  • Le profil typique est :
    • une baisse d'Aβ1-42 absolue ou relative (évaluée par le ratio d'Aβ1-42/Aβ1-40), témoignant probablement de la séquestration de cette protéine dans le cerveau au sein des plaques séniles;
    • et : une augmentation de TAU-p, témoignant du largage vers le compartiment extra- cellulaire de cette protéine lors de la mort neuronale.

10 Dans le but de rechercher une comorbidité associée, la HAS recommande de pratiquer aussi une albuminémie et une créatininémie avec calcul de la clairance selon la formule de Cockroft et Gault (HAS, Maladie d'Alzheimer et maladies apparentées : diagnostic et prise en charge, décembre 2011).

C. Diagnostic différentiel

1. Confusion mentale

2. Causes fonctionnelles de TNC

  • La dépression, les troubles du sommeil (insomnie et apnées du sommeil), l'anxiété chronique, la prise de psychotropes (benzodiazépines, antidépresseurs, hypnotiques, etc.) peuvent donner des troubles de l'attention et des fonctions exécutives retentissant sur le fonctionnement de la mémoire («pseudo-amnésie»).
  • Si les troubles cognitifs apparaissent dans un contexte de dépression, proposer un traitement d'épreuve par antidépresseurs, à dose pleine, pendant une période minimale de 3 mois.

Fig. 18.4. Algorithme décisionnel devant un trouble progressif et isolé de la mémoire (ou des autres fonctions intellectuelles).
RL-RI, rappel libre-rappel indicé ; PET, tomographie par émission de positons ; FDG, fluoro-déoxyglucose.
(Source : CEN, 2019.)

3. Causes organiques

a. «Démences» secondaires et éventuellement curables
  • L'hypothyroïdie, la carence en vitamine B12 et/ou en folate, la syphilis, l'évolution d'une infection par le VIH, certaines tumeurs cérébrales (méningiomes frontaux).
  • L'hydrocéphalie à pression « normale » : elle se manifeste par des troubles de la marche (à petits pas), des troubles cognitifs, surtout de type frontal avec apathie, et des troubles du contrôle urinaire. Les troubles cognitifs sont quelquefois suffisamment sévères pour entraîner une démence et/ou des épisodes de confusion. Le scanner cérébral et l'IRM du cerveau montrent une dilatation tétraventriculaire sans effet de masse et avec une suffusion de liquide dans le parenchyme périventriculaire (résorption transépendymaire) entraînant des anomalies radiologiques (hypodensité au scanner X et en IRM, hypersignal en pondération T2 de la substance blanche périventriculaire). Un test diagnostique et thérapeutique consiste à effectuer des ponctions lombaires évacuatrices. Le traitement chirurgical par dérivation ventriculo-péritonéale est proposé quand la probabilité diagnostique est forte.
  • L'hématome sous-dural chronique : il s'agit d'une collection extraparenchymateuse à contenu liquidien, parfois associée à un saignement récent. Il est une cause fréquente de troubles cognitifs (ralentissement psychomoteur, apathie, syndrome frontal, confusion mentale...) chez la personne âgée. Il est souvent détecté à distance d'un traumatisme crânien même léger (et passant quelquefois inaperçu). Il est aussi favorisé par la déshydratation, l'éthylisme chronique et les traitements affectant la coagulation. Le scanner X ou l'IRM du cerveau mettent en évidence une collection liquidienne dans les espaces méningés (entre la dure-mère et l'arachnoïde). Lorsqu'il est chronique, l'hématome sous-dural apparaît le plus souvent hypodense au scanner X cérébral ou associant des zones d'épanchement de sang frais (hyperdenses) et des zones hypodenses. Il est en forme de « croissant » et souvent bilatéral. L'évacuation chirurgicale ou la surveillance simple se discutent au cas par cas (figure 18.5).
  • Les lésions vasculaires par atteintes des petites artères (HTA, diabète) comprennent les lacunes, les hypersignaux de la substance blanche, les microsaignements et les petits infarctus sous-corticaux. Leur sommation peut aboutir à un TNC ou à une démence dite «vasculaire» d'apparition insidieuse. La maladie des petites artères est souvent associée à une atteinte neurodégénérative de type Alzheimer, une situation appelée TNC ou démence mixte.

Si le syndrome démentiel évolue rapidement dans un délai inférieur à 1 an, envisager les encéphalopathies subaiguës : maladie de Creutzfeldt-Jakob, encéphalite inflammatoire ou auto-immune (incluant les syndromes paranéoplasiques).

b. Autres démences dégénératives
Démence frontale (dégénérescence lobaire frontotemporale, DLFT)
  • À la différence de la maladie d'Alzheimer, qui est une démence par troubles cognitifs, la DLFT est, le plus souvent, une démence par troubles comportementaux.
  • Elle est le prototype clinique du syndrome frontal.
  • Les symptômes et signes cliniques de la DLFT sont expliqués par le dysfonctionnement du lobe frontal qui a pour principales fonctions de générer des comportements volontaires et adaptés aux besoins de l'individu ou en rapport avec les interactions sociales et de bloquer (ou réguler) les comportements automatiques, pulsionnels ou archaïques.
  • Les signes cliniques apparaissent insidieusement, le plus fréquemment entre 50 et 60 ans (en moyenne 10 ans avant ceux de la maladie d'Alzheimer).
  • Il s'agit :
    • d'une perte des convenances sociales (familiarité excessive, impudeur, comportements en société non adaptés compte tenu de ce que l'on connaît de la personne et de son milieu social);
    • d'un trouble du contrôle des conduites personnelles (gloutonnerie, diminution de l'hygiène corporelle, baisse du contrôle urinaire, etc.) ;
    • d'une perte de l'intérêt pour les autres (baisse de l'empathie, indifférence affective) ;
    • d'une difficulté par le patient à percevoir et analyser ses symptômes (anosognosie) ;
    • d'une apathie (diminution spontanée de l'initiative et des comportements volontaires).
  • À l'examen : signes de désinhibition du comportement, troubles des fonctions exécutives.
  • Dans environ 25 à 30 % des cas, il s'agit d'une maladie héréditaire, transmise sur un mode autosomique dominant.

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Fig. 18.5. A Exemples en IRM de lésions vasculaires responsables de troubles cognitifs et de démences.
A. Infarctus corticaux et sous-corticaux multiples (séquences T1 et T2). B. Hypersignaux de la substance blanche sus-tentorielle (séquence T2/FLAIR). C. Microsaignements (séquence T2, écho de gradient).
(Source : CEN, 2019.)

  • Il existe plusieurs formes cliniques. La forme la plus fréquente est la forme comporte- mentale (due principalement à une dégénérescence des zones ventrales des lobes frontaux), mais il existe aussi des formes plus rares débutant par des troubles du langage constituant une aphasie primaire progressive.
  • L'IRM cérébrale peut montrer une atrophie du cortex frontal et du tissu sous-cortical (entraînant un aspect «ballonisé» des cornes ventriculaires frontales), tandis que la scintigraphie de perfusion et le PET-scan métabolique montrent une hypoperfusion ou un hypométabolisme des régions frontales et temporales (figure 18.6).
  • Les autres examens complémentaires (ponction lombaire, bilan biologique) n'apportent pas ou peu de contributions positives, mais permettent d'éliminer une autre cause.
  • Il n'y a pas de traitement spécifique à ce jour.

Au total, la DLFT est à évoquer devant des troubles du comportement évoquant un syndrome frontal, évoluant progressivement et isolément, après qu'une cause non dégénérative (tumeur, lésion post-traumatique...) a été écartée avec l'aide de l'imagerie cérébrale.

Maladie à corps de Lewy diffus
  • À la différence de la maladie d'Alzheimer, la maladie à corps de Lewy se manifeste le plus souvent par un syndrome parkinsonien et des hallucinations de survenue précoce.
  • Les anomalies pathologiques sont celles de la maladie de Parkinson (corps de Lewy et synucléinopathie), à la différence qu'elles siègent de façon plus importante dans les régions associatives du cortex cérébral, alors que dans la maladie de Parkinson ces lésions touchent surtout la profondeur du cerveau. Cette différence de topographie lésionnelle et l'association fréquente à des lésions de maladie d'Alzheimer expliquent la démence.
  • L'affection peut se présenter initialement comme une maladie d'Alzheimer ou comme une maladie de Parkinson avec les différences essentielles suivantes :
    • l'existence d'hallucinations visuelles ou auditives et de troubles psychiatriques (dépression sévère, troubles psychotiques), souvent inauguraux ou précoces dans l'évolution de la maladie;
    • des fluctuations majeures des performances cognitives évoquant une confusion mentale chronique a minima;
    • quand le mode d'entrée est celui d'une démence, il faut rechercher un syndrome parkinsonien ;
    • quand le mode d'entrée est un syndrome parkinsonien, il faut rechercher un syndrome démentiel.
  • La prise en charge thérapeutique est souvent un mélange de celles des deux maladies (Alzheimer et Parkinson), en tenant compte de la très mauvaise tolérance des neuroleptiques au cours de la maladie à corps de Lewy diffus.

Fig. 18.6. Démence frontotemporale. A. IRM. B. Scintigraphie de perfusion.
L'IRM et la scintigraphie de perfusion montrent une atrophie/hypoperfusion dans les régions frontales, temporales antérieures et cingulaires. Noter, en IRM, l'aspect ballonisé des cornes frontales des ventricules latéraux.
(Source : CEN, 2019.)

D. Traitement de la maladie d’Alzheimer

Le traitement de la maladie d'Alzheimer est actuellement purement symptomatique, mais les perspectives futures (essais cliniques) vont dans le sens d'un blocage le plus précoce possible de la cascade biologique conduisant à la mort cellulaire (approche de neuroprotection).

1. Traitement médicamenteux

  • Quatre molécules ont reçu l'AMM en France. Trois d'entre elles sont des anticholinestérasiques centraux (ils augmentent la biodisponibilité de l'acétylcholine dans le cerveau) : le donépézil, la rivastigmine et la galantamine, et l'une, la mémantine, est un antagoniste des récepteurs NMDA du glutamate. Ils existent tous sous une forme générique. Ces traitements sont prescrits par voie orale. La rivastigmine existe aussi sous forme de timbres à diffusion transdermique (patch).
  • L'indication actuelle se limite aux phases démentielles de la maladie (légère à modérément sévère).
  • Les essais thérapeutiques montrent que le déclin cognitif est légèrement moins marqué chez les patients traités. Le traitement améliorerait aussi certains troubles comportementaux (apathie, agitation, hallucinations...).
  • Les effets secondaires principaux (anticholinestérasiques) sont des troubles digestifs (nausées, vomissements, diarrhées et perte de poids) et des crampes musculaires.
  • En raison de leur activité pharmacologique, les inhibiteurs de la cholinestérase peuvent avoir des effets vagotoniques sur le rythme cardiaque (par exemple, bradycardie), en particulier en cas d'anomalie supraventriculaire (maladie du sinus, bloc sino-auriculaire ou auri-culo-ventriculaire), pouvant favoriser la survenue de syncopes et de chutes. Il est impératif de respecter les contre-indications et les précautions d'emploi. Un électrocardiogramme systématique voire, en cas de doute, un avis cardiologique sont nécessaires en cas de prescription. Un suivi attentif, notamment de la fréquence cardiaque, est à effectuer.
  • Leur initiation est faite obligatoirement par un neurologue, un psychiatre ou un gériatre.
  • Leur efficacité symptomatique, modeste, a été considérée comme insuffisante pour bénéficier de la solidarité nationale par la HAS qui, après une évaluation récente et défavorable de leur rapport efficacité/risque, a recommandé un déremboursement total pour l'ensemble de ces molécules, qui a été appliqué depuis le 1er août 2018. Le traitement peut néanmoins être prescrit dans les conditions rappelées ci-dessus et sera donc à la charge du patient.
  • Les autres traitements médicamenteux ont pour but de limiter les troubles comportementaux. Il s'agit de psychotropes (à utiliser avec grande prudence +++).
  • Il faut penser à limiter (ou arrêter) les médicaments aggravant potentiellement les troubles cognitifs (psychotropes et en particulier les anticholinergiques).

2. Traitement non médicamenteux

  • À visée de stabilisation ou de compensation du TNC :
    • séances de rééducation (ou remédiation) cognitive avec un orthophoniste (sur prescription ;
    • séances de réhabilitation cognitive (visant à maintenir ou à restaurer l'autonomie pour certaines tâches) par une équipe spécialisée Alzheimer (ESA) composée de psychomotriciens, ergothérapeutes et assistants de soins en gérontologie (sur prescription), stade léger à modéré;
    • stimulation cognitive en centre d'accueil de jour (médicalisé), sur inscription.
  • Aides humaines, intervention de tiers :
    • soutien logistique des aidants : aide à domicile (auxiliaire de vie, aide-soignant) ;
    • en cas de perte d'autonomie, dans les cas complexes (sujet seul en refus de soins),
      recours possible à des dispositifs appelés MAIA pour l'intégration des services d'aide et de soins dans le champ de l'autonomie ;
    • institutionnalisation quand le maintien au domicile est impossible : maison de retraite médicalisée (maison de retraite adaptée dite EHPAD) ou service de long séjour.
  • Aides financières et médico-légales :
    • affection de longue durée (ALD-15) et prise en charge à 100 % (stade démentiel) ;
    • soutien financier : allocation personnalisée d'autonomie (APA), sous conditions de revenu et de degré de perte d'autonomie, si ≥ 60 ans ; prestation de compensation du handicap (PCH) si < 60 ans;
    • mesures de protection médico-légale de type sauvegarde de justice, tutelle ou habilitation familiale si nécessaire (pas systématique).
  • Hygiène de vie et autres traitements :
    • activités physiques quotidiennes (marche à pied, par exemple) ;
    • sorties quotidiennes ;
    • traitement des déficiences sensorielles (surdité, troubles visuels), aggravant les difficultés cognitives et d'interactions sociales;
    • traitement des facteurs aggravants curables (anémie, insuffisance cardiaque, insuffisance antéhypophysaire, déficits sensoriels, hématome sous-dural, etc.) ;
    • prévention de la iatrogénie (arrêt des psychotropes non indispensables) ;
    • dans les phases de démences sévères, une surveillance accrue de l'état nutritionnel est nécessaire (oubli fréquent des repas).
  • Aide aux aidants :
    • plateformes d'accompagnement et de répit (soutien psychologique, formation des aidants) ;
    • associations de familles.

La plupart de ces mesures ont pour but :

  • d'éviter le retrait social et l'absence de stimulation physique et cognitive ;
  • de soutenir les familles, souvent épuisées par la prise en charge chronique.

III. État confusionnel

A. Pour comprendre

  • L'état confusionnel (ou confusion mentale) est dû à une altération modérée de la vigilance entraînant une désorganisation globale de la pensée et des fonctions cognitives.
  • Les principaux symptômes et signes cliniques de la confusion mentale résultent des troubles attentionnels, eux-mêmes secondaires à l'altération de la vigilance.
  • L'attention peut être considérée comme la « porte d'entrée » ouvrant vers le fonctionnement de l'ensemble des fonctions cognitives. Si la porte est «entrebâillée» ou «fermée», les fonctions intellectuelles qui en dépendent sont perturbées, entraînant une désorganisation majeure et globale de la pensée cohérente.
  • L'état confusionnel est très fréquent, notamment chez la personne âgée de plus de 70 ans (dans cette population, sa prévalence est comprise entre 30 et 40 % chez les personnes hospitalisées, de 50 % en post-opératoires et 70 % en réanimation).

B. Diagnostic

  • La confusion se manifeste par l'apparition brusque ou rapidement progressive (en quelques minutes, heures ou jours) de troubles neuropsychiques :
    • Il s'agit de difficultés attentionnelles :
      • difficulté pour maintenir l'attention sur les questions de l'examinateur,
      • troubles de la mémoire à court terme : répéter une phrase longue, une suite de chiffres dans l'ordre direct ou inversé («empan chiffré»), les mois de l'année dans l'ordre inverse, faire une opération de calcul mental, etc.,
      • caractère décousu et incohérent du langage spontané,
      • troubles de l'étape attentionnelle de l'enregistrement en mémoire à long terme («encodage»), entraînant des difficultés à retenir une liste de mots et surtout une désorientation temporospatiale constante avec souvent un télescopage d'événements anciens avec le présent,
      • globalement, les troubles attentionnels induisent une désorganisation de la pensée avec altération du raisonnement et du jugement ;
    • de troubles du comportement : perplexité anxieuse, agitation, agressivité, délire onirique (plus rarement structuré), hallucinations le plus souvent visuelles ;
    • de labilité de l'humeur et de l'affect, allant de l'euphorie à la tristesse.
  • L'argument clinique majeur est la fluctuation des troubles cliniques; elle est le reflet de la fluctuation de la vigilance. Les troubles décrits ci-dessus peuvent être absents ou présents (de modérément à intensément) selon le moment de la journée. Au maximum, il peut exister une inversion du cycle veille-sommeil (cycle nycthéméral), la confusion et l'agitation s'aggravant significativement en période vespérale et dans l'obscurité, tandis qu'une grande partie de la journée est occupée par la somnolence.
  • Il peut exister des signes somatiques non spécifiques d'une étiologie : un tremblement myoclonique (secousses irrégulières) des extrémités, d'attitude et d'action, un astérixis (ou flapping tremor : myoclonies négatives par chutes intermittentes et répétées du tonus musculaire).
  • L'EEG met en évidence un ralentissement global de l'activité électrique (non spécifique d'une étiologie).
  • Il y a une amnésie lacunaire pour toute la durée de l'épisode confusionnel.
  • Schématiquement, on peut distinguer trois formes cliniques : la forme confuso-onirique, dans laquelle le patient est agité, en proie à un délire onirique et des troubles végétatifs (hypersudation, tachycardie); la forme stuporeuse, dans laquelle la somnolence et le ralentissement psychomoteur sont au premier plan ; et la forme mixte, alternant de façon irrégulière et imprévisible les états des deux premières formes.
  • La Confusion Assessment Method (CAM) est un outil d'aide au diagnostic, rapide (5 à 10 minutes) et reproductible (cf. annexe 18.5). 

C. Diagnostic différentiel

1. Aphasie de Wernicke

  • Elle peut mimer une confusion car les propos sont incohérents, le patient ne comprend pas son interlocuteur et il peut être agité du fait des troubles du langage.
  • Le patient aphasique de Wernicke ne comprend pas le sens des mots alors que le patient confus ne comprend pas le sens des phrases car il perd le fil de l'attention (ainsi, plus la consigne est longue, plus le patient confus est perdu).
  • Dans l'aphasie de Wernicke, il existe des paraphasies sémantiques (un mot dit pour un autre) et surtout des néologismes (non-mots).
  • Dans l'aphasie de Wernicke, il existe le plus souvent une amputation du champ visuel (hémi ou quadranopsie latérale homonyme) liée à la proximité entre aire de Wernicke et radiations optiques.
  • Il n'y a ni troubles de la vigilance ni fluctuations nycthémérales de l'état neurologique, et les autres champs de la cognition sont respectés.

2. Trouble psychotique aigu

  • Si les propos sont diffluents comme au cours d'une confusion, en revanche, les éléments psychiatriques sont au premier plan.
  • Son apparition ne paraît pas liée à une atteinte somatique ou neurologique.
  • Il n'y a pas de trouble de vigilance.
  • Il faudra néanmoins se méfier d'une prise de toxiques ou de médicaments.

3. Ictus amnésique

  • Trouble aigu de l'enregistrement en mémoire épisodique.
  • Installation brusque.
  • Dure environ 6 à 8 heures.
  • Cet état est spontanément réversible.
  • Il laisse une lacune amnésique définitive.
  • Pendant l'épisode, le patient ne peut pas enregistrer volontairement de nouvelles informations. Le patient est perplexe sur son état et, symptôme très caractéristique, pose répétitivement les mêmes questions.
  • Il n'est pas, à la différence de la confusion, désorienté dans l'espace et la vigilance est conservée.
  • L'ictus amnésique peut être spontané ou post-traumatique (traumatisme crânien ou stress aigu). Sa physiopathologie n'est pas précisément connue.
  • Il peut récidiver, mais rarement (20 % des cas).

4. Syndrome démentiel

  • D'un point de vue physiopathologique, la démence (quelle que soit l'étiologie) est due aux lésions structurelles (réversibles ou non) de circuits cérébraux essentiels pour l'élaboration cognitive, tandis que la confusion mentale est liée à un trouble de la vigilance altérant de façon non spécifique les fonctions cognitives.
  • D'un point de vue clinique, le syndrome démentiel correspond à un trouble chronique (de plus de 6 mois), sans grande variation nycthémérale et constitué de troubles cognitifs spécifiques. Toutefois, une confusion mentale peut révéler ou émailler l'évolution d'un syndrome démentiel.

D. Recherche étiologique

  • Un très grand nombre de situations peuvent produire un état confusionnel (encadré 18.1).
  • L'examen clinique et le contexte orientent le diagnostic étiologique vers :
    • les causes neurologiques (principalement : traumatismes crâniens, hémorragie méningée, méningite et méningo-encéphalite, processus expansifs);
    • les causes non neurologiques (principalement : affections endocriniennes, métaboliques et insuffisances d'organe aiguës ou chroniques décompensées, intoxications volontaires ou involontaires).
  • Chez les patients âgés, les causes non neurologiques sont bien plus fréquentes que les causes neurologiques.
  • Il faut insister sur l'existence de facteurs de risque de la confusion mentale :
    • chez une personne âgée, elle peut être produite par des causes générales inattendues chez les sujets jeunes (fécalome, globe vésical, troubles neurosensoriels, etc.) ;
    • les pathologies psychiatriques chroniques, la consommation d'alcool et de psychotropes ;
    • l'immobilisation (hospitalisation, réanimation, phase de réveil post-opératoire) ;
    • une pathologie chronique préexistante (insuffisance rénale ou hépatique, etc.) ;
    • elle peut être révélatrice d'un syndrome démentiel débutant. Il est justifié de réévaluer l'état cognitif des patients à distance (à 6 mois) de l'épisode confusionnel.
  • La stratégie du bilan étiologique (interrogatoire des proches, examen clinique et bilan complémentaire) rejoint celle du coma (cf. chapitre 26, item 336).

E. Prise en charge d’un patient confus

  • La confusion mentale est une urgence médicale, diagnostique et thérapeutique, nécessitant presque toujours une hospitalisation immédiate car :
    • la cause de la confusion est souvent une pathologie grave voire létale rapidement (diabète décompensé, insuffisance surrénale aiguë, hémorragie méningée, etc.) ;
    • la confusion elle-même est potentiellement dangereuse (troubles majeurs du comporte- ment et signes somatiques tels que la déshydratation).
  • La première étape de la prise en charge est d'évaluer le retentissement à court terme de l'état clinique (constantes vitales) et de traiter immédiatement les troubles vitaux (état de choc, hypothermie, etc.).
  • La seconde étape est de déterminer l'étiologie et de la lever.

11 HAS, Recommandations de bonne pratique. Confusion aiguë chez la personne âgée : prise en charge initiale de l'agitation, mai 2009.

Annexes

Annexe 18.1 – Principes du raisonnement topographique devant un syndrome démentiel

Schématiquement, il faut dissocier quatre grands ensembles de fonctions (figure 18.7). 

Fig 18.7

Fig. 18.7. Schéma (simplifié) d'organisation des fonctions intellectuelles.
1. Régions corticales postérieures (libres temporaux et pariétaux) : intégration perceptive ; destruction : atteinte des fonctions instrumentales («syndrome aphaso-apraxo-agnosique»). 2. Régions pré-frontales : fonctions exécutives; destruction : syndrome dysexécutif («syndrome frontal»). 3. Régions temporaires internes : consolidation en mémoire épisodique ; destruction : amnésie (« oubli à mesure »).
(Source : CEN, 2019, illustration de Carole Fumat.)

L'Attention

  • Elle dépend des systèmes de vigilance et d'éveil cortical (cf. « III. État confusionnel »).
  • Si elle est perturbée, alors toutes les fonctions qui en dépendent directement (c'est-à-dire toutes les grandes fonctions intellectuelles) sont perturbées.
  • Avant toute exploration des fonctions cognitives, vérifier le degré d'atteinte attentionnelle (cf. «III. État confusionnel»).

Les fonctions d'intégration perceptive

  • Ce sont les fonctions d'identification, de reconnaissance et de compréhension du langage, des gestes, de l'espace, des objets (simples ou complexes) sonores ou visuels et du schéma corporel. On les appelle aussi les fonctions instrumentales.
  • Elles se situent en aval des fonctions de perception (surtout audition et vision).
  • Ces fonctions sont portées par les régions corticales postérieures (surtout les lobes temporaux et pariétaux) :
    • lorsque le lobe temporal est touché, on peut observer une aphasie par atteinte de la compréhension (quand la région temporale latérale de l'hémisphère dominant est touchée), une agnosie visuelle, c'est-à-dire un défaut d'identification et de représentation des objets visuels simples (couleurs ou formes) ou plus complexes (visages, objets manufacturés ou vivants), selon que les lésions affectent l'avant ou l'arrière des lobes temporaux ;
    • quand le lobe pariétal est touché, on peut observer, selon le côté (gauche ou droit) ou selon le siège lésionnel au sein du lobe pariétal, une apraxie (défaut de réalisation gestuelle en l'absence de déficit de la sensibilité ou de la motricité élémentaire), une négligence visuelle unilatérale, c'est-à-dire une inattention pour l'hémichamp visuel controlatéral (en l'absence d'amputation du champ visuel), un trouble de la représentation du schéma corporel (difficulté pour nommer les parties du corps, indistinction entre le côté gauche et droit, etc.).

La mémoire

  • Il existe plusieurs systèmes de mémoire (épisodique, sémantique, procédurale, etc.).
  • En pratique clinique courante, seule la mémoire épisodique est testée au « lit du malade ».
  • La mémoire épisodique est la capacité de transformer un événement vécu par soi en souvenir durable et de le restituer ultérieurement. Cette forme de mémoire est la mémoire de « tous les jours ». Sa formation et son rappel sont toujours associés au contexte de l'événement vécu (c'est-à-dire le lieu, le moment, l'état émotionnel). Cela l'oppose à la mémoire sémantique qui est la mémoire des connaissances (générales ou autobiographiques) mais dont l'évocation est détachée du contexte d'acquisition (par exemple, la connaissance d'un fait historique ou de sa propre date de naissance).
  • La phase «critique» de la mémoire épisodique est la phase d'enregistrement de l'information en mémoire (encore appelée «consolidation»).
  • Cette phase dépend de la partie interne des lobes temporaux (T5), en particulier des hippocampes et des cortex adjacents.
  • L'atteinte des deux hippocampes entraîne une amnésie antérograde conduisant à un oubli à mesure (« Qu'ai-je fait il y a deux minutes, il y a une heure, la veille, il y a une semaine ? »).

Les fonctions exécutives

  • Opérations mentales permettant à l'individu de comprendre le contexte de l'action, d'inhiber les comportements automatiques ou réflexifs et de générer un comportement volontaire dirigé vers un but.
  • Elles dépendent d'un vaste réseau cérébral mais les régions les plus critiques sont les lobes frontaux et les ganglions de la base.
  • Le syndrome dysexécutif conduit à un défaut de contextualisation (difficulté d'adaptation sociale, perte de l'empathie, trouble du jugement et du raisonnement), à une libération des comportements automatiques (comportements répétitifs et stéréotypés) et réflexifs ou archaïques en dépendance avec l'environnement immédiat (trouble du contrôle urinaire, adhésion à l'environnement, précipitation sur la nourriture, désinhibition, etc.) et à un défaut d'élaboration et d'initiation de l'action volontaire (défaut de planification, apathie).

Annexe 18.2 – Outils cliniques minimums pour diagnostiquer une démence

1. Attention

  • Répéter une phrase longue.
  • Exécuter une consigne complexe.
  • Donner les mois de l’année ou les jours de la semaine à l’envers.

2. Fonctions d'intégration perceptive (fonctions instrumentales)

  • Compréhension d'ordres simples («Fermez les yeux»).
  • Désignation d'objets.
  • Dessin sur copie d'une figure géométrique (image du MMSE, par exemple).
  • Dessin sans copie d'une fleur ou d'une maison ou placer les repères horaires et les aiguilles sur une horloge dont vous avez dessiné les contours.
  • Réalisation de gestes arbitraires sur imitation, de gestes symboliques («salut militaire», «pied de nez») et de gestes d'utilisation d'objets («se laver les dents», «se coiffer», «jouer du violon», «planter un clou»).

3. Fonctions exécutives

La batterie rapide d'efficience frontale (BREF) :

  • fluence verbale littérale (donner en une minute le plus de mots commençant par la lettre S ou M);
  • similitudes («En quoi se ressemblent une orange et une banane?»...);
  • séquence gestuelle (poing, paume, tranche);
  • épreuves de contrôle comportemental («Quand je tape une fois [sur la table], vous tapez deux fois, et inversement», suivi d'un «go/no go» : «Quand je tape une fois, vous tapez une fois; quand je tape deux fois, vous ne tapez pas»).

La BREF est l'un des outils utilisés en pratique clinique courante en France pour examiner brièvement les fonctions exécutives.

4. Mémoire épisodique

  • Orientation temporelle et spatiale.
  • Interrogatoire du patient sur son emploi du temps des jours précédents sous contrôle de l'entourage.
  • Épreuve des cinq mots : très utile pour déterminer si l'atteinte mnésique affecte la consolidation ou non.
    • Il s'agit de faire lire cinq mots (« Musée », « Limonade », « Passoire », « Sauterelle » et « Camion ») à voix haute puis de les faire lire une seconde fois mais en commençant par demander la catégorie taxonomique du mot («Quelle est la boisson?»...).
    • Immédiatement après, le patient de restituer les cinq mots (rappel immédiat).
    • Après un intervalle de 3 minutes (occupé à faire une autre tâche non verbale, par exemple une tâche de dessin), on demande de nouveau les cinq mots. Si le patient ne peut rappeler les mots, on lui donne l'indice de catégorie taxonomique du mot. 

Annexe 18.3 – Mini Mental State Examination (MMSE)

Le MMSE est un outil d'évaluation rapide de l'efficience intellectuelle globale. Il peut être utile au dépistage des troubles intellectuels mais surtout au suivi évolutif. Il est universellement utilisé, c'est pourquoi il est important pour tous les médecins de le connaître. La version française consensuelle du test est disponible sur le site de l'HAS.
Il se décompose de la façon suivante :

1. Orientation temporelle et spatiale (date précise, lieu précis) : /10.
2. Encodage en mémoire de trois mots («cigare», «fleur», «porte»).
3. Test d'attention (calcul mental : «100 – 7», «le résultat – 7»...) : /5.
4. Rappel des trois mots : /3.
5. Langage : /9.
a. Dénomination (montrer des objets : stylo, montre...).
b. Compréhension d'un ordre simple et lecture (« Faites ce qui est écrit »).
c. Compréhension d'un ordre complexe (« Prenez la feuille de papier, pliez-la en deux puis jetez-la par terre»).
d. Répétition orale (répétez : « pas de mais, de si, ni de et »).
e. Écriture (écrire une phrase avec un sujet, un verbe et un complément).
6. Praxies constructives (dessin d'une figure géométrique croisant deux pentagones) : /1.

Le test est coté sur 30 ; plus le score est bas, plus la détérioration est importante.

Annexe 18.4 – Physiopathologie

Elle est résumée de manière simplifiée dans la figure 18.8.

La protéine β-amyloïde est issue du peptide Aβ, protéine de membrane des neurones. Lors de son élimination, ce peptide est clivé par trois complexes enzymatiques distincts (les « sécrétases »). En l'absence de pathologie, la voie principale, celle de l'α-sécrétase, permet un clivage en 40 acides aminés (Aβ1-40) rendant cette protéine soluble.
Dans la maladie d'Alzheimer, les voies β-sécrétase et γ-sécrétase sont favorisées, entraînant un clivage en un point différent. La protéine β-amyloïde de 42 acides aminés (Aβ1-42) néoformée n'est pas soluble et forme de petits amas circulants (oligomères) puis de plus gros, statiques : les plaques séniles, ou plaques amyloïdes La protéine TAU est constitutive des microtubules de charpente des prolongements neuronaux. Dans la maladie d'Alzheimer, un changement de conformation physique secondaire à son hyperphosphorylation la rend non fonctionnelle et conduit à la formation des dégénérescences neurofibrillaires (DNF). Il semble que les plaques séniles précèdent les dégénérescences neurofibrillaires sans qu'il soit possible, à ce jour, d'établir une relation de causalité entre les plaques et les DNF. 
La mort neuronale survient dans les neurones affectés par les DNF.
Les raisons pour lesquelles ce processus pathologique se produit sont à ce jour inconnues.

Fig. 18.8. Cascade biologique de la maladie d'Alzheimer.
(Source : CEN, 2019.)

Annexe 18.5 – La Confusion Assessment Method (CAM)

1. Début soudain et fluctuations des symptômes
Le patient présente-t-il un changement de l'état mental de base ?
Ce comportement fluctue-t-il au cours de la journée ?

2. Inattention
Le patient présente-t-il des difficultés à focaliser son attention ?
Perd-il le fil du discours?
 Est-il facilement distrait?

3. Désorganisation de la pensée
Le discours du patient est-il incohérent et désorganisé ?
La suite d'idées est-elle illogique/imprévisible? 
Le patient passe-t-il du coq à l'âne ?

4. Trouble de la vigilance. Comment évalueriez-vous l'état général de votre patient ?
Alerte ? (si alerte , le critère 4 n'est pas retenu)
Vigile ?
Léthargique ?
Stuporeux ?
Comateux ?
Il faut trois critères. Les critères 1 et 2 doivent toujours être présents, en association avec les critères 3 et/ou 4.


Sites internet

HAS, Mini-Mental State Examination dans sa version consensuelle établie par le groupe de recherche et d'évaluation des outils cognitifs (GRECO).
HAS, Confusion aiguë chez la personne âgée : prise en charge initiale de l'agitation. Recommandations de bonne pratique, mai 2009. 
HAS, Maladie d'Alzheimer et maladies apparentées : diagnostic et prise en charge. Recommandations de bonne pratique, décembre 2011.