Objectifs pédagogiques

  • Diagnostiquer une migraine, une névralgie du trijumeau et une algie de la face.
  • Connaître les principes généraux du traitement.

Hiérarchisation des connaissances

 


I. Introduction

Dans la Classification internationale des céphalées (ICHD, International Classification of Headache Disorders), les céphalées et les algies faciales ne sont pas clairement distinguées car toute cause de céphalée peut aussi donner une douleur de la face, et inversement. Cette intrication reflète l'anatomie du système nociceptif de l'extrémité céphalique, le complexe trigémino-cervical. Ainsi, une sinusite maxillaire aiguë peut donner une céphalée ipsilatérale, et une crise migraineuse peut comporter une douleur du nez, du maxillaire supérieur, de la mandibule ou du cou.

A. Définitions

Les définitions suivantes, proposées par l'ICHD, sont indispensables à connaître.

  • Une céphalée est une douleur de la tête située au-dessus de la nuque et de la ligne orbito-méatale (ligne reliant l'orbite à l'orifice du conduit auditif externe).
  • Une douleur (algie) faciale est une douleur de la tête située au-dessous de la ligne orbito-méatale, en avant du pavillon de l'oreille et au-dessus du cou.
  • Les céphalées et algies faciales primaires sont des maladies neurologiques liées à la mise en jeu spontanée des systèmes nociceptifs crâniens en l'absence d'autre cause. Les causes les plus fréquentes sont la migraine, la céphalée de tension et l'algie vasculaire de la face qui évoluent par crises dont le symptôme principal est une douleur crânienne et/ou faciale. Le diagnostic est basé sur les critères de l'ICHD. Les examens complémentaires sont normaux. Les crises se poursuivent des années, parfois la vie durant, et sont améliorées mais pas guéries par les traitements disponibles.
  • Les céphalées et algies faciales secondaires sont symptomatiques de causes très diverses, générales, neurologiques ou locales (dents, sinus, yeux...). Elles sont évoquées devant une douleur crânienne et/ou faciale récente et inhabituelle (cf. chapitre 9, item 100). Elles cèdent généralement après le traitement de la cause.
  • Les neuropathies crâniennes douloureuses sont des douleurs strictement localisées au territoire sensitif d'un nerf innervant la face ou les muqueuses (V, VII bis, IX) ou le crâne (grand nerf occipital). Elles comprennent les névralgies (à type de décharge électrique) et les douleurs neuropathiques (à type de brûlure continue) qui peuvent toutes deux être secondaires (symptomatiques) ou idiopathiques.
  • Le traitement des céphalées et douleurs faciales primaires doit être le plus spécifique possible. La précision du diagnostic conditionne l'efficacité du traitement.

B. Prévalence et épidémiologie des céphalées et algies faciales

 Dans le monde, 50 à 75 % des adultes ont eu au moins une céphalée au cours des 12 mois précédents. Il s'agit dans la majorité des cas d'une crise de céphalée de tension ou d'une migraine.

1. Céphalée de tension

C'est la céphalée primaire la plus fréquente. Décrite comme une pression bilatérale sur le crâne sans signe associé, ses mécanismes combinent le stress et une sensibilité accrue des muscles crâniens et cervicaux. La céphalée de tension :

  • épisodique (< 15 jours par mois) affecte 50 à 70 % de la population selon les pays ;
  • chronique (≥ 15 jours par mois) affecte 1 à 2 % des adultes ;
  • débute souvent à l'adolescence et concerne 3 femmes pour 2 hommes ;
  • s'aggrave par une surconsommation d'antalgiques;
  • est bien moins invalidante que la migraine.

2. Migraine

Cette céphalée primaire évolue par crises longues (> 4 heures) avec nausées et photophobie. La migraine est une maladie génétique des structures de contrôle de la nociception crânienne qui entraîne une libération aberrante et paroxystique de neuropeptides algogènes et inflammatoires par le système trigémino-vasculaire. Avec une prévalence mondiale d'environ 15 %, la migraine concerne 1 milliard de personnes. La migraine :

  • épisodique (< 15 jours/mois) affecte environ 12 % des adultes, avec un pic entre 35 et 39 ans, 30 % des femmes et 15 % des hommes étant affectés dans cette tranche d'âge ;
  • chronique (≥ 15 jours/mois) affecte 1,7 % des adultes en France ;
  • débute souvent à la puberté, affecte 2 femmes pour 1 homme ;
  • a souvent un caractère familial et est responsable d'un handicap considérable.

3. Algie vasculaire de la face (AVF)

Cette céphalée primaire rare et très invalidante évolue par crises courtes (< 4 heures), très intenses, strictement unilatérales, avec des signes dysautonomiques. L'AVF est due à la mise en jeu du système trigémino-vasculaire et du réflexe trigémino-parasympathique. L'AVF :

  • concerne 1 personne sur 1000;
  • débute chez l'adulte jeune (vers 30 ans) et concerne 4 à 5 hommes pour 1 femme ;
  • comporte une forme épisodique et une forme chronique ;
  • doit être distinguée de la névralgie du trijumeau et des autres algies faciales rares.

4. Céphalée par abus médicamenteux

Une consommation excessive de traitements de crise dans le cadre d'une automédication ou d'une prise en charge inadaptée peut aggraver la céphalée primaire initiale et favoriser le passage en migraine chronique ou en céphalée de tension chronique. La céphalée par abus médicamenteux concerne 1 à 5 % des adultes selon les pays. Pour la prévenir, il est fortement recommandé de :

  • limiter à 8 jours par mois la prise des traitements de crise ;
  • ne pas prescrire d'antalgiques opiacés dans les céphalées et les algies faciales primaires, car ils exposent au double risque de céphalée par abus médicamenteux et d'addiction.

5. Impact individuel et sociétal des céphalées primaires

Les céphalées primaires ont un impact individuel et sociétal important en raison non seulement de la douleur, mais aussi du handicap induit, de la diminution de la qualité de vie et des coûts directs (liés aux soins) ou indirects (liés à l'absentéisme). Dans le monde, moins de la moitié des personnes atteintes de céphalées reçoit un diagnostic précis et un traitement adéquat.

II. Diagnostiquer une céphalée primaire

 La démarche diagnostique est détaillée dans le chapitre 9 (Item 100). En l'absence de marqueur biologique ou radiologique, le diagnostic est clinique, basé sur l'interrogatoire avec les critères diagnostiques de l'ICHD-3 (dernière version de l'IHCD, 2018) et la normalité de l'exa- men clinique.

A. Écarter une céphalée secondaire

L'interrogatoire repère toute céphalée «aiguë», récente et inhabituelle, qui doit être considérée comme secondaire et explorée rapidement. Elle recherche les drapeaux rouges qui font suspecter immédiatement une cause grave (tableau 10.1). Un diagnostic de céphalée primaire ne doit pas être posé lors d'un premier épisode. L'examen clinique est normal dans les céphalées primaires (hormis les signes dysautonomiques d'une crise d'AVF).

B. Préciser le type de la céphalée primaire

  • Une fois établi que le patient consulte pour des céphalées habituelles et anciennes (depuis au moins 3 mois, souvent bien plus longtemps), l'interrogatoire se déroule en cinq étapes (cf. tableau 9.2).
  • Les caractéristiques des céphalées permettent le diagnostic (cf. tableau 9.5 et figure 9.1). Le profil temporel est très important : durée des crises sans traitement ; nombre de jours de céphalée par mois ; durée des céphalées sans traitement :
    • céphalées <15 jours/mois : les principales causes sont la migraine épisodique et la céphalée de tension épisodique;
    • céphalée ≥ 15 jours/mois : céphalée chronique quotidienne (CCQ). On distingue les :
      • CQ de courte durée (crises < 4 heures) : algie vasculaire de la face et la névralgie du trijumeau,
      • CCQ de longue durée (> 4 heures) : migraine chronique ou plus rarement, céphalée de tension chronique, toutes deux avec ou sans abus médicamenteux. La douleur peut être permanente, du lever au coucher, et se poursuivre la nuit.

Tableau 10.1.  Drapeaux rouges lors de l'évaluation initiale d'une céphalée.

III. Migraine

A. Physiopathologie (indispensable pour conseiller les patients)

  •  Avec une prévalence de 14,4 %, la migraine est une pathologie neurovasculaire liée à des altérations subtiles neuronales et vasculaires. Elle est qualifiée de « bénigne » car elle ne cause pas de déficit neurologique persistant, mais elle entraîne un handicap très significatif qui est invisible.
  • La migraine comporte deux variétés :
    • la migraine sans aura (MSA) qui est la plus fréquente (6 à 10 % de la population) ;
    • la migraine avec aura dans laquelle la céphalée est précédée ou accompagnée de symptômes neurologiques transitoires (3 à 6 % de la population). La migraine avec aura est un facteur de risque indépendant d'infarctus cérébral. Le risque est multiplié par deux chez une personne atteinte de migraine avec aura et augmente en cas de cofacteurs (sexe féminin, âge inférieur à 45 ans, tabagisme et contraception œstroprogestative).
  • La maladie migraineuse est une pathologie neurovasculaire :
    • héréditaire : les gènes de susceptibilité (40-50 connus en 2021), exprimés dans les neurones et les vaisseaux, induisent une hyperexcitabilité cérébrale et une dysfonction des centres modulateurs de la nociception céphalique situés dans l'hypothalamus et le tronc cérébral. Plus l'âge de début des crises est précoce, plus la part des facteurs génétiques est importante. La migraine affecte environ 7 % des enfants prépubères, sans différences entre les sexes;

    • de l'adaptation aux changements : les crises peuvent être favorisées par des déclencheurs internes ou externes qui perturbent de l'homéostasie cérébrale : modification qualitative ou quantitative des repas ou du sommeil, effort physique inhabituel, changements climatiques, chute des œstrogènes en période cataméniale, ou encore émotion positive ou négative;

    • du sujet jeune : 90 % des crises débutent avant 40 ans, et les migraines culminent entre 30 et 50 ans. L'excitabilité cérébrale décroissant avec l'âge, la migraine est rare au-delà de 65 ans;

    • à prédominance féminine : la migraine est trois fois plus fréquente chez la femme que chez l'homme. Après la puberté, l'imprégnation en œstrogènes accroît l'excitabilité cérébrale, et les variations lors du cycle féminin exposent aux crises cataméniales. La migraine s'améliore typiquement lors de la grossesse et après la ménopause ;

    • paroxystique et cyclique avec cinq phases : prodromes, aura, céphalée, post-dromes et phase interictale.

  • La phase des prodromes comprend une hyperactivité hypothalamique et une dysfonction du système nerveux végétatives :

    • l'activation de l'hypothalamus est visible en imagerie fonctionnelle, peut durer jusqu'à 72 heures avant la céphalée et entraîne une levée de l'inhibition du tronc cérébral et du système trigémino-vasculaire;

    • les systèmes parasympathiques et sympathiques ont un noyau dans le tronc cérébral et des projections artérielles et méningées, au voisinage des afférences trigéminées. Ils régulent l'adaptation du débit sanguin cérébral à la demande énergétique.

  • L'aura migraineuse est sous-tendue par une vague de dépression corticale envahissante (DCE) qui se propage lentement (3 à 5 mm/min) d'arrière en avant et donne divers symptômes neurologiques selon les zones traversées :

    • la DCE, phénomène biphasique, comprend une courte phase d'hyperactivité neuronale et d'hyperperfusion, suivie d'une phase prolongée d'hypoactivité neuronale et d'hypoperfusion modérée n'atteignant pas le seuil ischémique ;

    • l'aura n'est pas obligatoire à la survenue d'une migraine, elle concerne des personnes ayant une susceptibilité génétique spécifique;

    • la DCE peut activer directement le système trigémino-vasculaire ou renforcer son activation.

  • La céphalée migraineuse est liée à l'activation du système trigémino-vasculaire, en réponse une rupture de l'homéostasie cérébrale :

    • la branche ophtalmique du trijumeau (V1) innerve les vaisseaux intracrâniens et les méninges (dure-mère et pie-mère). Le réflexe trigémino-vasculaire physiologique protège le cerveau du risque ischémique cérébral grâce à la libération de neuropeptides vasodilatateurs par les afférences trigéminées, dont le CGRP (calcitonine-gene related peptide) ;

    • le CGRP et les autres neuropeptides déclenchent une inflammation aseptique périvasculaire et méningée avec une vasodilatation modérée. Les migraineux ont une hypersensibilité au CGRP : son administration intraveineuse lors de tests de provocation déclenche une céphalée chez les migraineux mais pas les sujets sains ;
    • le message douloureux est acheminé par la branche V1 vers le noyau caudal du tri- jumeau dans le tronc cérébral, qui reçoit également des afférences de la racine C2. La convergence des afférences sensitives céphaliques (V1 pour la partie antérieure et C2 pour la partie postérieure) et faciales (branches V2 et V3) sur le complexe trigémino-cervical explique la topographie de la douleur migraineuse qui est typiquement une céphalée, mais peut aussi toucher la face et le cou ;
    • l'activation du premier neurone entraîne celle du deuxième neurone central, qui relie le complexe trigémino-cervical au thalamus. En cas de crises migraineuses prolongées et/ou fréquentes, la sensibilisation centrale entraîne l'apparition d'une allodynie cutanée (douleur en réponse à un stimulus normalement indolore).
  • Lors des post-dromes après la fin de la céphalée, l'homéostasie cérébrale est rétablie progressivement.
  • La période interictale a une durée variable selon l'efficacité des systèmes de contrôle du réflexe trigémino-vasculaire et des voies de la nociception. Elle peut s'accompagner dans la migraine sévère ou la migraine chronique d'une d'hypersensibilité sensorielle (photophobie, phonophobie, osmophobie) et d'une allodynie cutanée permanentes qui s'aggravent durant les prodromes et culminent lors de la céphalée.

B. Diagnostic de la migraine

1. Diagnostic du type des crises selon les critères ICHD-3

 La migraine peut se manifester par des crises sans aura ou avec aura. Un patient ayant les deux types de crises doit recevoir les deux diagnostics. Le type de crises et leurs caractéristiques peuvent changer au cours de la vie.

  • Une migraine sans aura est diagnostiquée chez les patients qui n'ont que des crises de migraine sans aura et jamais d'aura (les critères ICHD3 sont précisés dans le tableau 10.2) :
    • les crises comportent une céphalée invalidante avec une hypersensibilité à la lumière et/ou des nausées;
    • la céphalée dure 4 à 72 heures en l'absence de traitement. Elle concerne les régions frontales, orbitaires, temporales et occipitales;
    • les symptômes non douloureux comprennent : photophobie, phonophobie, osmophobie, troubles digestifs, allodynie cutanée, fatigue, bâillements, troubles de concentration, trouble de l'humeur (tristesse), raideur de la nuque, pâleur et sensations vertigineuses. Certains patients ont des signes dysautonomiques (larmoiement, congestion nasale, etc.), comme lors d'une AVF, mais moins importants ;
    • les troubles digestifs peuvent être majeurs, empêchant toute prise alimentaire et faisant autrefois parler à tort de «crise de foie» ou de «crise d'acétone»;
    • chez l'enfant, la crise s'accompagne de pâleur, dure souvent < 4 heures, se calme par le sommeil.

Tableau 10.2 Critères diagnostiques de la migraine sans aura (code 1.1 de l'ICHD-3).

Tableau 10.3 Critères diagnostiques de la migraine avec aura typique (code 1.2.1 de l'ICHD-3).

  • Une migraine avec aura est diagnostiquée dès qu'un patient a eu deux crises avec aura, quel que soit le nombre des migraines sans aura. Un tiers des migraineux a des auras, le plus souvent typiques (tableau 10.3).
  • La migraine avec aura typique, la plus fréquente, comporte des troubles visuels, sensitifs ou du langage d'installation progressive et successive :
    • les troubles visuels sont les plus fréquents et intéressent les deux yeux. Ils comportent des phénomènes positifs associés à une tache aveugle (scotome scintillant, phosphènes, zigzags) et parfois des signes déficitaires (vision floue, hémianopsie latérale homonyme) ;
    • les troubles sensitifs, moins fréquents, comportent des paresthésies unilatérales avec ou sans hypoesthésie démarrant au bout des doigts et remontant au fil des minutes selon une «marche migraineuse» caractéristique vers le coude puis l'hémiface;
    • les troubles du langage sont plus rares : manque du mot, dysarthrie, parfois aphasie totale ;
    • l'aura migraineuse est suivie ou accompagnée d'une céphalée qui peut avoir les mêmes caractéristiques que la céphalée des MSA, ou être moins intense et plus courte. Parfois, l'aura survient sans céphalée. Dans ce cas, on parle d'aura isolée sans céphalée.
  • Les migraines avec aura atypique comprennent des troubles «basilaires» (vertige, ataxie, diplopie), moteurs (migraine hémiplégique) ou visuels monoculaires (migraine rétinienne) et doivent donner lieu à des examens complémentaires systématiques et un avis neurologique.

2. Diagnostic d'une migraine chronique

Les patients ayant < 15 jours de céphalées par mois ont une migraine épisodique. La migraine chronique est définie par la survenue de 15 jours ou plus de céphalée par mois depuis plus de 3 mois, qui correspondent à une migraine sans aura ou avec aura au moins 8 jours par mois (cf. tableau 10.4).
Environ 3 % des personnes atteintes de migraine épisodique développent une migraine chronique chaque année, selon un processus appelé « transformation », « chronicisation » ou « progression ». La migraine chronique touche 1,7 % des adultes en France, avec une prédominance féminine. Elle a un impact majeur sur la santé physique, mentale, le fonctionnement social et familial, les capacités de travail (scolarité ou emploi). Elle altère profondément la qualité de vie, bien plus qu'une migraine épisodique.

Tableau 10.4 Critères diagnostiques de la migraine chronique (adaptés du code 1.3 de l'ICHD-3).

Tableau 10.5 Critères ICHD-3 de la céphalée par abus médicamenteux.

3. Diagnostic d'une céphalée par abus médicamenteux

La céphalée par abus médicamenteux (CAM) est une céphalée survenant au moins 15 jours/ mois dans le contexte d'une surconsommation de traitements de crise depuis plus de 3 mois (cf. tableau 10.5).

  • Les opiacés et les antalgiques combinés confèrent le plus haut risque de CAM.
  • La surconsommation d'antalgiques peut être une conséquence ou une cause de l'augmentation de la fréquence des céphalées, ou les deux.

Le rôle de la surconsommation d'antalgiques dans l'apparition d'une migraine chronique ne doit pas être surestimé car cette attitude peut conduire à la stigmatisation des patients comme étant responsables de leur maladie et à privilégier le sevrage comme unique traitement au détriment d'autres solutions thérapeutiques plus efficientes. Une migraine chronique peut être diagnostiquée avec un abus médicamenteux associé.

4. Examen clinique

Lors d'une crise, il peut montrer : pâleur, hypotension ou hypertension artérielle, raideur et sensibilité des muscles cervicaux, allodynie cutanée, et parfois, signes dysautonomiques crâniens.
L'examen clinique est typiquement normal dans la période interictale, mais peut montrer une allodynie cutanée et une sensibilité des muscles crâniens et cervicaux.

5. Diagnostic différentiel

  • Migraine sans aura épisodique et chronique : l'interrogatoire permet d'éliminer une céphalée secondaire (cf. tableau 10.1) et d'écarter une autre céphalée primaire épisodique ou chronique selon la durée et la description des crises. Le patient en migraine chronique peut avoir des céphalées tous les jours, dont certaines évoquent une céphalée de tension et d'autres ont des caractéristiques migraineuses. Le risque est de méconnaître une migraine et d'attribuer à tort la céphalée à des causes locales (yeux, dents, sinus, cervicales) ou à une cause «psychologique» («c'est le stress»).
  • Les auras migraineuses doivent se distinguer de deux autres dysfonctionnements cérébraux transitoires :
    • dans les accidents ischémiques transitoires, les déficits neurologiques sont brutaux, maximaux d'emblée et durent généralement < 30 minutes. Au moindre doute et surtout chez un sujet de plus de 50 ans ayant des facteurs de risque vasculaire, il est indiqué de pratiquer des explorations cérébrales et vasculaires complètes et d'introduire un traitement antiplaquettaire;
    • lors de crises d'épilepsie focales, les symptômes/signes neurologiques durent généralement quelques secondes ou minutes, bien moins que lors d'une aura migraineuse.
  • Enfin, certaines pathologies peuvent être la cause d'auras dites symptomatiques : malformation artério-veineuse, maladies des petites artères cérébrales, états hypercoagulables.

6. Place des examens complémentaires dans la migraine

  • Dans une migraine épisodique sans aura satisfaisant tous les critères ICHD-3, avec des crises depuis au moins un an et un examen physique normal, l'imagerie cérébrale n'est pas recommandée et ne joue aucun rôle diagnostique. Les examens locaux (yeux, sinus, dents et cou) n'ont aucun rôle dans le diagnostic étiologique en l'absence de point d'appel évident. La douleur migraineuse concerne souvent la face et le cou, ce qui entraîne des diagnostics erronés de céphalées de cause sinusienne, ophtalmologique ou cervicale (névralgie d'Arnold, arthrose cervicale) et un bon nombre d'investigations inutiles.
  • Une IRM cérébrale est nécessaire au moins une fois chez tous les patients ayant :
    • des crises de migraine débutant après 50 ans ;
    • une migraine avec aura;
    • une migraine chronique.
  • Une imagerie cérébrale urgente est nécessaire chez tout patient présentant une céphalée avec :
    • un début brutal ou en coup de tonnerre ;
    • un début récent et une aggravation progressive depuis < 7 jours ;
    • une fièvre associée (sans cause générale évidente) ;
    • des signes neurologiques associés;
    • des caractéristiques suggérant une intoxication (notamment au CO) ;
    • un contexte d'immunodépression.
  • L'IRM cérébrale peut montrer des hypersignaux non spécifiques de la substance blanche cérébrale chez les migraineux avec aura.

C. Évaluation du patient migraineux

1. Identifier les éventuels facteurs favorisants d'une migraine

  • Les facteurs déclenchant sont comme dénominateur commun un changement, intrinsèque ou extrinsèque.
    • Modification des repas et de l'hydratation (horaires, quantité et/ou qualité).
    • Modification du sommeil (qualité, durée, horaires de lever et de coucher).
    • Changements climatiques (pression atmosphérique, température, hygrométrie).
    • Changements hormonaux (période cataméniale, reprise des migraines en post-partum).
    • Effort physique intense et inhabituel.
    • Émotions négatives (colère, contrariété) ou positives (fête d'anniversaire, mariage).
    • Stress et périodes de décontraction (week-end, vacances).
    • Déclencheurs pharmacologiques (alcool, inhibiteurs de la phosphodiestérase).
  • Le rôle des facteurs favorisants est surestimé. La phase des prodromes comporte une dysfonction hypothalamique avec souvent une fringale (chocolat, gâteaux) et aussi une hypersensibilité sensorielle faisant que le patient peut attribuer la céphalée ultérieure à ces aliments ou à une lumière, un bruit ou une odeur.

2. Identifier les éventuels facteurs de risque de passage en migraine chronique

  •  Les comorbidités de la migraine sont des affections dont la prévalence est augmentée chez les migraineux comparativement aux sujets contrôles : anxiété, dépression, troubles du sommeil, asthme, douleurs chroniques non céphaliques, maladies cardiovasculaires et autres affections moins fréquentes (syndrome des jambes sans repos, épilepsie). Ces comorbidités et d'autres facteurs de risque (tableau 10.6) augmentent le risque de transformation d'une migraine épisodique en migraine chronique. Leur prise en charge peut contribuer à améliorer la migraine. Il faut donc les dépister et proposer une prévention et/ou un traitement.

Les facteurs de risque modifiables les plus importants de passage en migraine chronique sont :

  • la fréquence élevée des céphalées à la base : à surveiller par l'agenda des crises ;
  • la dépression : à dépister par l'échelle HAD (Hospital Anxiety and Depression) ;
  • la surconsommation de traitement de crise : à monitorer par l'agenda.

Tableau 10.6.  Facteurs de risque de la migraine chronique et prévention.

3. Évaluer le retentissement de la migraine

La migraine peut entraîner un absentéisme (professionnel, scolaire), une annulation d'activités sociales et des jours passés au lit. L'impact peut être évalué par l'échelle HIT-6 (Headache impact test) et l'agenda des céphalées.
Une migraine sévère est diagnostiquée chez tous les patients migraineux ayant :

  • 8 jours ou plus de migraine par mois ;
  • un score HIT-6 à 60 ou plus;
  • des céphalées nécessitant l'interruption complète des activités dans ≥ 50 % des cas.

La migraine sévère peut être difficile à traiter, il existe des migraines résistantes (échec d'au moins trois classes différentes de traitement de fond) et des migraines réfractaires (échec de tous les traitements de fond).

4. Évaluer l'efficacité et la tolérance du traitement de crise

 Le patient migraineux consulte volontiers lorsqu'il n'est plus soulagé par l'automédication et/ou lorsqu'il s'inquiète de sa consommation importante d'antalgiques. Lors de la première consultation et du suivi, il faut évaluer le type de traitement utilisé, le nombre mensuel de prises (agenda), la tolérance, la dose, la voie d'administration, le timing de la prise par rapport au début de la céphalée et le respect des contre-indications. L'efficacité et la tolérance peuvent être évaluées grâce à cinq questions (encadré 10.1).

D. Traitement de la migraine et suivi du patient

1. Informer et éduquer le patient

  • Explications : les crises sont le résultat d'une affection neurologique héréditaire et les examens complémentaires ne permettent pas de « voir la maladie » ou d'en identifier une cause.
  • Impact fonctionnel des crises : proposer la tenue d'un agenda et une évaluation par l'échelle HIT-6.

  • Facteurs déclenchant des crises : encourager une hygiène de vie régulière (sommeil suffisant, horaires de lever réguliers, repas équilibrés et réguliers, hydratation optimale, et pratique d'activités physiques) et décourager les comportements d'éviction (régime draconien...) qui contribuent à diminuer la qualité de vie.
  • Prévention du passage en migraine chronique : dépister et lutter contre les trois facteurs principaux :
    • fréquence élevée des céphalées : dépister par l'agenda et instaurer une prophylaxie ;
    • dépression : dépister (échelle HAD) et prendre en charge ;
    • surconsommation de traitement de crise : limiter les prises à 8 jours par mois.
  • Thérapeutique : le patient doit être activement impliqué dans le processus thérapeutique et avoir accepté des objectifs thérapeutiques réalistes. Deux types de traitements existent :
    • traitement de crise : à prendre lors de chaque crise pour obtenir un soulagement de la céphalée dans les 2 heures de la prise, sans récurrence dans les 24 heures. Il n'y a pas de traitement pour écourter les auras;
    • traitement de fond : pour diminuer la fréquence et la sévérité des crises chez les patients éligibles. Ces traitements ne vont pas faire disparaître les crises. Les objectifs sont de réduire le nombre de jours de céphalée par mois de 50 % dans la migraine épisodique et de 30 % dans la migraine chronique.

2. Traitement de la crise de migraine

a. Molécules d'efficacité démontrée

 On distingue les traitements non spécifiques (paracétamol, aspirine, anti-inflammatoires non stéroïdiens [AINS]) et les traitements spécifiques (triptans) (tableau 10.7).

  • Antalgiques : le paracétamol est souvent utilisé en automédication. Les antalgiques combinés à la caféine ne sont pas recommandés (risque d'abus médicamenteux). Il est recommandé d'éviter les opiacés de palier 2 et 3 (risque d'abus médicamenteux et/ou d'addiction). 
  • AINS : l'ibuprofène et le kétoprofène ont une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement de la crise de migraine. Le naproxène, le diclofénac, l'indométacine ont également une efficacité démontrée.
  • Triptans : ce sont les traitements de crise les plus efficaces. Ces agonistes des récepteurs sérotoninergiques 5HT1B/1D sont des vasoconstricteurs contre-indiqués en cas d'antécédent vasculaire. La posologie est d'une unité en début de crise, à renouveler en cas de récurrence (maximum 2 par jour). 25 à 30 % des migraineux ont une réponse insuffisante aux triptans.
  • Métoclopramide : cet antinauséeux soulage les troubles digestifs et peut améliorer l'absorption des autres traitements de crise.

b. Prescription et conseils
  • Conseiller une prise précoce dans l'heure qui suit le début de la céphalée légère à modérée, sans dépasser 8 jours de prise par mois (prévention de l'abus médicamenteux).
  • Prescrire un triptan et un AINS sur la même ordonnance, selon les molécules déjà essayées et les préférences du patient et expliquer la stratégie :
    • crise légère : prendre l'AINS puis le triplan si le soulagement est insuffisant à 1 heure ;
    • crise modérée : prendre le triptan puis l'AINS si le soulagement est insuffisant à 1 heure;
    • crise sévère : prendre l'AINS et le triptan en même temps ;
    • crise avec aura : prendre l'AINS dès le début de l'aura et le triptan dès le début de la céphalée.
  • Ne pas prescrire d'opiacés en raison du risque d'abus médicamenteux, d'addiction et de majoration des troubles digestifs.
  • Prescrire une association de paracétamol et métoclopramide aux patients ayant une contre-indication ou une intolérance aux AINS, à l'aspirine et aux triptans.
  • Prescrire du métoclopramide (oral, rectal ou injectable) en cas de troubles digestifs.
  • Prévoir une visite de suivi à 2 ou 3 mois.
c. Suivi et optimisation du traitement de crise
  • Utiliser les cinq questions (cf. encadré 10.2) et optimiser le traitement si le patient répond «non» à une ou plusieurs questions.
  • Stratégies pour améliorer l'efficacité et la tolérance du traitement de crise :
    • traiter le plus précocement possible lors de la crise ;
    • augmenter si possible la dose de l'AINS et/ou du triptan ;
    • changer pour une forme non orale (suppositoire d'AINS et de métoclopramide, sumariptan en spray nasal ou injectable);
    • changer d'AINS et/ou de triptan;
    • combiner un AINS, un triptan et du métoclopramide pour les crises sévères.
  • Une résistance au traitement de crise est diagnostiquée seulement après plusieurs essais :
    • AINS : inefficacité d'au moins deux AINS, à la bonne dose et par la bonne voie, sur au moins trois crises;
    • Triptans : inefficacité d'au moins deux triptans, à la bonne dose et par la bonne voie, sur au moins trois crises.

3. Traitement de fond de la migraine

a. Molécules efficaces (tableau 10.8)
  •  Traitements oraux classiques non spécifiques : plusieurs ont une efficacité démontrée dans la migraine épisodique, avec un haut niveau de preuve (amitriptyline, flunarizine, métoprolol, pizotifène, propranolol, topiramate et valproate de sodium) ou bien un niveau de preuve moindre (lisinopril, candésartan, atenolol, bisoprolol, timolol, oxétorone). Seul le topiramate a une efficacité prouvée dans la prévention de la migraine chronique.
  • Traitements spécifiques injectables : les anticorps ciblant la voie du CGRP sont des traitements d'efficacité démontrée dans la migraine épisodique, la migraine chronique et la migraine réfractaire aux traitements oraux classiques. Ces nouveaux traitements ciblant la voie du CGRP s'administrent par voie sous-cutanée (SC, erenumab, galcanezumab et fremanezumab) ou intraveineuse (eptinezumab). Les trois anticorps anti-CGRP en injection SC ont une AMM en France dans la prophylaxie de la migraine avec au moins 8 jours de migraine par mois et un échec à au moins deux traitements de fond préalables. Ils peuvent être prescrits seulement par un neurologue. En 2021, ces traitement coûteux n'étaient pas encore remboursés.
  • Toxine botulinique : efficacité démontrée dans la migraine chronique, mais pas dans la migraine épisodique. Elle sera indiquée après échec d'au moins deux traitements de fond classiques, en alternative aux anticorps anti-CGRP. Elle sera administrée en milieu hospitalier uniquement.

Tableau 10.8 Traitements de fond de la migraine de première ligne.

b. Indication du traitement de fond

Déterminée en fonction des préférences du patients, de l'agenda, des éventuels critères de migraine sévère et migraine chronique, de l'impact évalué par l'échelle HIT-6 et HAD. Il est recommandé d'initier un traitement de fond chez les patients :

  • utilisant des traitements de crises 8 jours ou plus par mois depuis > 3 mois ;
  • ayant une migraine sévère selon les critères de définition français ;
  • ayant une migraine chronique selon les critères ICHD-3 ;
  • ayant un score HIT-6 à 60 ou plus;
  • ayant des crises de migraine invalidantes malgré l'optimisation du traitement de crise.
c. Objectifs du traitement de fond à expliquer au patient
  • L'objectif est de réduire les jours mensuels de céphalée de 50 % dans la migraine épisodique et de 30 % dans la migraine chronique.
  • La prophylaxie vise aussi à réduire la consommation des traitements de crise, l'intensité et la durée des crises et à améliorer la qualité de vie.
  • L'efficacité est jugée lors du troisième mois de traitement.
  • L'échec d'un traitement de fond peut être dû à une inefficacité et/ou à une intolérance.
d. Prescription du premier traitement de fond
  • Débuter à faible dose, et augmenter progressivement pour atteindre la dose journalière optimale en tenant compte des effets indésirables.
  • Expliquer que l'observance est capitale et privilégier une prise quotidienne unique si possible.
  • Migraine épisodique : propranolol ou métoprolol en première intention et en cas de contre-indication ou d'intolérance aux bétabloquants, amitriptyline, candésartan, ou topiramate.
  • Migraine chronique : topiramate en première intention. En cas de contre-indication ou d'intolérance au topiramate, un avis spécialisé est conseillé.
  • Migraine chronique avec une céphalée par abus médicamenteux :
    • prescrire un traitement de fond de première ligne (amitriptyline, candésartan, métoprolol, propranolol, topiramate);
    • conseiller un sevrage ambulatoire du médicament surconsommé ;
    • prescrire un autre traitement de crise pour gérer la céphalée de rebond et les crises résiduelles, avec conseil de viser 8 jours de prise par mois.
e. Évaluation et suivi du traitement de fond
  • Agenda des crises et échelle HIT-6 pour apprécier l'efficacité du traitement de fond qui doit être pris régulièrement pendant 3 mois avant d'être évalué.
  • En cas d'efficacité, il est poursuivi 6 à 18 mois.
  • En cas d'échec, un nouveau traitement doit être essayé. Le choix de la molécule repose sur le terrain, la comorbidité et la sévérité de la migraine en considérant la balance bénéfice/ risque.
  • Après échec de deux traitements de fond, un avis spécialisé est recommandé, car seul un neurologue peut poser l'indication et prescrire un anticorps anti-CGRP. De même, la toxine botulinique a un usage réservé au milieu hospitalier.
f. Traitement de fond non médicamenteux
  • Neuromodulation non invasive : plusieurs techniques d'efficacité démontrée peuvent être proposées en alternative ou en complément d'un traitement de fond médicamenteux. Les appareillages ne sont pas remboursés.
  • Exercice physique : l'endurance a une efficacité démontrée dans la prévention des migraines. On peut suivre les recommandations de l'OMS avec 2 h 30 par semaine de marche rapide, vélo, course ou autre activité d'endurance.
  • Acupuncture : elle est efficace dans la prévention à court terme et peut être proposée en alternative ou en complément d'un traitement de fond médicamenteux.
  • Traitements psycho-comportementaux (relaxation, biofeedback, thérapie cognitive et comportementale de gestion du stress) : ils n'ont aucune preuve d'efficacité dans le traitement de fond de la migraine, mais peuvent être proposés pour la prise en charge des comorbidités psychiatriques (anxiété, dépression) fréquentes chez les patients migraineux.

4. Prise en charge de la migraine avant et pendant une grossesse

  •   Rassurer : la migraine n'est pas associée à une mauvaise évolution de la grossesse et, la grossesse entraîne souvent une rémission des crises.
  • Informer : les traitements proposés suivent les recommandations du Centre de référence des agents tératogènes (CRAT), accessible par tous sur https://lecrat.fr
  • Traitements de crise :
    • paracétamol en première intention;
    • triptans en cas d'échec du paracétamol, le sumatriptan peut être utilisé quel que soit le terme. En cas d'échec du sumatriptan, deux autres triptans sont autorisés (rizatriptan et zolmitriptan);
    • AINS : formellement contre-indiqués à partir de la 24e SA (risque de non-fermeture du canal artériel), ils peuvent être utilisés de façon très ponctuelle au cours des 2 premiers trimestres si besoin.
  • Traitements de fond :
    • traitement de fond non médicamenteux en première intention (cf. supra) ;
    • traitement de fond médicamenteux : il se discute au cas par cas, et reposera sur un bêtabloquant (propranolol, métoprolol) ou l'amitriptyline.

5. Prise en charge de la contraception chez la migraineuse

  • Migraine sans aura : la contraception orale œstroprogestative exerce une influence variable et peut selon les cas, augmenter ou diminuer la fréquence des crises. Une prise de la contraception en continue peut être proposée en cas de crises cataméniales, après avis gynécologique.
  • Migraine avec aura : elle est un facteur de risque indépendant d'infarctus cérébral dont elle double le risque comparé aux sujets contrôles. Ce risque est augmenté en présence de cofacteurs : tabagisme, contraception œstroprogestative et âge < 45 ans. Par conséquent, la contraception œstroprogestative est contre-indiquée chez la femme ayant une migraine avec aura. Une contraception purement progestative ou un autre moyen de contraception doivent être utilisés.

IV. Céphalée de tension

A. Épidémiologie et physiopathologie

  • La céphalée de tension épisodique (< 15 j/mois) a une prévalence plus élevée (30 à 80 %) que la migraine. Elle est souvent associée à la migraine. Elle n'a rien à voir avec l'hypertension artérielle.
  • Les céphalées de tension (CT) sont des douleurs dysfonctionnelles avec interaction de facteurs périphériques myogènes (crispation des muscles péricrâniens) et de facteurs neurologiques centraux avec dysfonction des systèmes de contrôle de la douleur :
    • dans la forme épisodique peu fréquente, les facteurs musculaires domineraient : la douleur serait due à une augmentation de la tension et de la sensibilité des muscles péricrâniens lors d'un stress physique (mauvaise posture de la tête et du cou lors d'un travail sur écran, par exemple) ou psychologique. Les patients atteints de formes épisodiques consultent peu, sauf lors de stress important ;
    • en cas de stress psychologique répété (contrariété, surmenage) surajouté à des contraintes physiques (sédentarité, mauvaise posture de travail), certains sujets développent une céphalée de tension épisodique fréquente, voire chronique (≥ 15 j/mois depuis > 3 mois).

B. Aspect clinique de la céphalée de tension

  •  Description : les crises sont plutôt des épisodes à limites floues et de durée variable (tableau 10.9). Les céphalées sont bilatérales, antérieure (en barre) ou postérieure (avec cervicalgies), de types variables (serrement, étau, pression, brûlure, fourmillement), d'intensité permettant la poursuite des activités et sans signe associé invalidant. La douleur peut être améliorée par l'activité physique.
  • Aspects psychologiques : bien que cet élément ne fasse pas partie des critères diagnostiques, ces céphalées surviennent souvent dans un contexte particulier. Il peut s'agir d'un trouble de la personnalité (personnalité anxieuse, etc.), d'un trouble de l'humeur (état dépressif, etc.) ou d'un événement de vie difficile agissant comme facteur déclenchant (licenciement, deuil, divorce, etc.). Il peut s'agir également d'un stress physique (mauvaise posture de travail, sédentarité). Typiquement, la céphalée de tension s'améliore lorsque le sujet est détendu ou occupé ou en mouvement.
  • Examen clinique : il peut montrer une crispation et une sensibilité à la pression des muscles faciaux ou cervicaux.

Tableau 10.9 Critères diagnostiques ICHD-3 de la céphalée de tension épisodique.

  • Fréquence des crises. On distingue :
    • la céphalée de tension épisodique (< 15 j/mois) ;
    • la céphalée de tension chronique qui fait partie des CCQ; céphalée au moins 15 j/mois depuis > 3 mois, sans ou avec abus médicamenteux.

C. Diagnostic d'une céphalée de tension

  • Le diagnostic positif repose sur l'interrogatoire (critères ICHD3), avec un examen clinique strictement normal. Le diagnostic est plus difficile que celui d'une migraine, et nécessite l'exclusion d'une céphalée secondaire, car les critères sont peu spécifiques.
  • La céphalée de tension chronique (> 15 j/mois) est rare, et son diagnostic ne doit pas être porté s'il existe des signes migraineux (photophobie, phonophobie, nausées, douleur pulsatile).
  • Si un patient a des céphalées > 15 j/mois, dont certaines sont des migraines et d'autres évoquent des céphalées de tension, le diagnostic est une migraine chronique. En cas de doute, un avis spécialisé doit être pris.
  • L'imagerie cérébrale n'est pas systématique. Cependant, une IRM avec injection de gadolinium (ou à défaut un scanner avec injection) doit être réalisée au moindre doute diagnostique, et au moins une fois chez tous les patients ayant une CT chronique. Selon le contexte clinique, des examens sanguins et une ponction lombaire avec prise de pression seront pratiqués.

V. Céphalée chronique quotidienne (CCQ)

A. Épidémiologie et physiopathologie des CCQ

 Près de 3 % des Français souffrent de CCQ (≥ 15 j/mois depuis > 3 mois). Les CCQ prédominent chez la femme entre 40 et 50 ans, altèrent profondément la qualité de vie et génèrent des coûts directs et indirects considérables. Les CCQ primaires sont dans la majorité des cas une complication de la migraine ou de la céphalée de tension, ce sont donc soit des migraines chroniques (1,7 % de la population), soit des céphalées de tension chronique, et elles sont fréquemment associées à un abus médicamenteux (80 %). Environ 3 % des personnes atteintes de migraine épisodique développent une migraine chronique chaque année. Les principaux facteurs de risque de migraine chronique sont la fréquence des crises élevée à la base, la dépression et l'abus de traitement de crise.
Les facteurs centraux sont prédominants dans les CCQ avec une sensibilisation centrale. La comorbidité psychiatrique est élevée avec l'anxiété et/ou la dépression qui réduisent l'efficacité des systèmes de contrôle de la douleur.

B. Aspects cliniques de la CCQ

 La CCQ survient le plus souvent sur un terrain de céphalée primaire ancien, soit une migraine, soit (moins souvent) une céphalée de tension épisodique. L'abus médicamenteux est la cause et/ou la conséquence de l'augmentation de la fréquence des céphalées. Il s'agit souvent d'un patient anxieux ou déprimé dont les crises de migraine augmentent. Le patient prend ses traitements de crises de plus en plus souvent, dès la moindre céphalée ou préventivement, puis quotidiennement. Cet abus est à l'origine d'une accoutumance : les traitements de crise deviennent de moins en moins efficaces et des céphalées permanentes apparaissent. Ces céphalées peuvent s'observer avec tous les traitements de crise, mais surtout avec les opiacés. Il arrive parfois que le migraineux reçoive des opiacés pour une autre indication que ses céphalées, souvent pour une pathologie rhumatologique. Si la prise est quotidienne et prolongée, certains migraineux voient leurs céphalées devenir chroniques.

C. Diagnostic de la CCQ

  • Devant une CCQ (≥ 15 jours par mois depuis > 3 mois), la première étape est d'exclure une céphalée secondaire, en faisant des examens complémentaires (cf. chapitre 9). Une IRM avec gadolinium (ou à défaut un scanner avec injection) doit être réalisée. Selon le contexte clinique, des examens sanguins et une ponction lombaire avec prise de pression seront pratiqués.
  • On écarte ensuite les CCQ « de courte durée » qui comportent principalement l'AVF et les névralgies essentielles de la face.
  • La majorité des patients en CCQ ont une migraine chronique (ou plus rarement, une céphalée de tension chronique), avec abus médicamenteux (80 %) ou sans abus médicamenteux (20 %). Les céphalées durent > 4 heures en l'absence de traitement et sont souvent présentes dès le réveil.
  • Dans la migraine chronique, le patient a au moins 15 j/mois de céphalée dont au moins 8 jours de céphalée migraineuse. Il peut y avoir des jours où sa céphalée est moins sévère, sans signes associés, où elle ressemble à une céphalée de tension.
  • Un abus médicamenteux doit être systématiquement recherché :
    • prise en excès de traitement de crise depuis plus de 3 mois ;
    • au moins 15 j/mois pour les antalgiques non opioïdes (paracetamol, AINS...) ;
    • au moins 10 j/mois pour tous les triptans et les opioïdes.

VI. Algie vasculaire de la face

A. Épidémiologie et physiopathologie

 L'AVF est le chef de file des céphalées trigémino-autonomiques (CTA) qui associent un caractère unilatéral strict de la douleur et la présence de signes dysautonomiques. Les autres CTA sont très rares (hémicrânie paroxystique, hémicrania continua, syndrome SUNCT).

  • L'AVF a une prévalence de 1/1 000 et prédomine chez l'homme jeune (âge moyen de début 30 ans). Il existe un lien avec le tabagisme (80 %).
  • Les mécanismes de l'AVF ne sont pas totalement élucidés. La céphalée et les signes végétatifs sont dus à l'activation du système trigémino-vasculaire et des efférences céphaliques du système nerveux autonome d'un seul côté. Ces effecteurs seraient gouvernés par un générateur hypothalamique, avec altération des rythmes circadiens.

B. Aspects cliniques de l'AVF

  •  Crises : l'AVF survient par crises unilatérales périorbitaires très intenses d'une durée inférieure à 3 heures (tableau 10.10). Aux symptômes trigémino-autonomiques s'ajoutent une agitation motrice et une irritabilité durant la crise. Les signes « migraineux », nausées, vomissements, photo et phonophobie sont souvent présents et ne doivent pas égarer le diagnostic. Les crises surviennent de 1 fois tous les 2 jours à 8 fois par jour.
  • AVF épisodique : chez 90 % des patients, les crises surviennent par périodes de quelques semaines à quelques mois. On observe parfois un cycle circadien (les crises se produisant à heure fixe, surtout la nuit) et circannuel (à la même saison), ainsi qu'un lien avec la prise d'alcool.
  • AVF chronique : dans 10 % des cas, les crises se répètent au long cours sans rémission de plus de 3 mois; il s'agit alors d'AVF chronique, maladie redoutable grevée d'une importante comorbidité psychiatrique : signes dépressifs (56 %), agoraphobie (33 %) et tendances suicidaires (25 %).

Tableau 10.10.  Critères diagnostiques ICHD-3 de l'algie vasculaire de la face.

C. Diagnostic de l'algie vasculaire de la face

  • Le diagnostic positif repose sur l'interrogatoire et le recueil des critères diagnostiques de l'ICHD-3 (cf. tableau 10.10), avec un examen clinique strictement normal. Malgré une symptomatologie caractéristique, le délai diagnostique moyen reste de plusieurs années.
  • Imagerie systématique :
    • devant toute première crise d'AVF, une cause secondaire doit être exclue, notamment une lésion hypothalomo-hypophysaire ou une dissection de la carotide homolatérale, par une IRM cérébrale avec ARM des TSA ou par un angioscanner ;
    • il est recommandé de réaliser systématiquement une IRM cérébrale chez tout patient atteint d'AVF, même depuis des années, pour exclure une forme secondaire (tumeurs hypophysaires).

D. Traitement de l'algie vasculaire de la face et suivi

1. Informer

  • Rassurer et expliquer: affection bénigne mais handicap très important possible. Examens ORL, dentaire, ophtalmologique inutiles pour des crises typiques.
  • Apprécier le retentissement socioprofessionnel et psychologique.
  • Thérapeutique : le patient doit être activement impliqué dans le processus thérapeutique. Deux types de traitements existent. Les traitements de crise sont à prendre lors de chaque crise pour obtenir un soulagement de la céphalée. Ils n'empêchent pas une nouvelle crise de survenir. Les traitements de fond sont utiles chez certains patients pour diminuer la fréquence et la sévérité des crises. Ces traitements ne vont pas faire disparaître définitivement les crises.
  • Mesures associées : la consommation d'alcool doit être évitée. Les horaires de sommeil doivent être réguliers, en évitant les siestes. Le sevrage tabagique est encouragé (mais il n'entraîne pas la guérison).

2. Traitement de crise de l'algie vasculaire de la face

Deux traitements de crise sont efficaces :

  • le sumatriptan injectable (sumatriptan Sun®, 6 mg/mL) par voie sous-cutanée fait dis- paraître la douleur en 3 à 15 minutes. La dose maximum est de 2 injections par jour. Le patient peut en prendre tous les jours. Le sumatriptan spray est parfois efficace ;
  • l'oxygénothérapie nasale (12 à 15 L/min pendant 15 à 20 minutes) au masque facial haut débit est efficace et remboursée. Elle ne peut être prescrite que par un neurologue, un ORL ou dans un centre d'algologie.

VII. Neuropathies crâniennes douloureuses

A. Classification, épidémiologie et physiopathologie

1. Définition

 Les neuropathies crâniennes douloureuses entraînent des douleurs strictement localisées au territoire sensitif d'un nerf innervant la face ou les muqueuses (trijumeau V, VII bis, glossopharyngien IX) ou le crâne (grand nerf occipital ou nerf d'Arnold).

2. Classification

Selon la nature de la douleur, on distingue :

  • les névralgies, qui comportent des douleurs brèves (secondes) en décharges électriques, déclenchées par un stimuli indolore d'une petite zone cutanée, la « zone gâchette ». Parmi elles, on distingue les névralgies :
    • classiques, par conflit vasculo-nerveux bien visible à l'IRM,
    • secondaires, par lésion inflammatoire (SEP) ou tumorale,
    • idiopathiques (sans cause identifiable);
  • les neuropathies crâniennes douloureuses, qui donnent des douleurs neuropathiques continues à type de brûlure. Il y a parfois quelques décharges électriques. On distingue les formes secondaires et idiopathiques. 
    La névralgie classique du trijumeau (V) est rare (incidence 5/100 000/an) et prédomine chez la femme de plus de 50 ans. La névralgie du glossopharyngien est exceptionnelle (1 cas pour 70 à 100 cas de névralgie du V) et doit toujours faire écarter une cause secondaire. La névralgie d'Arnold est très rare mais sur-diagnostiquée en cas de crises de migraine dont la douleur prédomine en postérieur, ou de céphalée de tension à prédominance unilatérale.

B. Aspects cliniques

1. Névralgie du trijumeau

  •  Douleur : très intense, fulgurante, à type d'éclair ou de décharge électrique, de durée très brève (quelques secondes). Elle se répète souvent en salves (maximum 2 minutes), suivies d'une période réfractaire et entrecoupées de périodes libres. La fréquence des salves varie de 5 à 10 par jour aux formes subintrantes. Le patient s'immobilise brièvement dans une attitude douloureuse.
  • Topographie : unilatérale et strictement localisée :
    • au territoire du trijumeau;
    • à une branche (maxillaire supérieur V2 : 40 % ; maxillaire inférieur V3 : 20 % ; branche ophtalmique V1 : 10 %) ; ou à deux branches.
  • Facteurs déclenchant : douleurs déclenchées de manière élective par l'excitation d'une zone cutanée précise du territoire douloureux, « la zone gâchette ». Un effleurement suffit. Les accès peuvent être déclenchés par la parole, la mimique, le rire, la mastication, si bien que le malade tente de garder un visage immobile et mange le moins possible.
  • Examen clinique :
    • normal dans la névralgie classique et idiopathique : sensibilité faciale et cornéenne (réflexe cornéen présent), force des muscles masticateurs (innervés par le V moteur) normale, absence de toute atteinte neurologique, peau normale ;
    • la constatation de la moindre anomalie (hypoesthésie, atteinte motrice branche V3) oriente vers une névralgie secondaire.

2. Neuropathie trigéminale douloureuse

  • Douleur : continue, à type de brûlure, serrement ou picotements. Des paroxysmes brefs (décharges) peuvent survenir, mais ne dominent pas le tableau.
  • Examen clinique :
    • hypoesthésie ou dysesthésie (thermique et mécanique) dans un ou plusieurs territoires du V;
    • allodynie mécanique et hyperalgésie au froid. Ces zones allodyniques sont beaucoup plus étendues que les zones gâchettes restreintes présentes dans la névralgie du trijumeau ;
    • examen cutané : recherche d'une éruption évocatrice de zona.

3. Névralgie et neuropathies douloureuses du glossopharyngien

  • Douleur : comparable à celle de la névralgie du V dans les névralgies, douleur continue dans les neuropathies douloureuses.
  • Topographie : territoire sensitif du IX : base de la langue, fond de la gorge, amygdale et conduit auditif externe.
  • Facteurs déclenchants des formes névralgiques : parole, déglutition, mouvements du cou.
  • Examen clinique normal.

4. Névralgie et neuropathies douloureuses d'Arnold ou du nerf grand occipital

  • Douleurs : décharge électrique ou élancement, souvent sur un fond douloureux permanent à type de paresthésies ou de brûlures.
  • Topographie : le nerf d'Arnold est formé par la branche postérieure de la deuxième racine cervicale (C2). Le nerf grand occipital innerve le cuir chevelu depuis l'occiput jusqu'au vertex et le nerf petit occipital, la région rétro-auriculaire. Les douleurs siègent dans la région occipitale d'un côté et irradient vers le vertex, parfois jusque dans la région orbitaire, du même côté.
  • Facteurs déclenchant : mouvements de la tête et du cou.
  • Examen : il est parfois possible de déclencher la douleur en appuyant sur la zone d'émergence du nerf, à la base du crâne, au niveau de la naissance des cheveux.
  • Une cause locale peut être retrouvée, comme par exemple une lésion cervicale haute.

C. Diagnostic des neuropathies crâniennes douloureuses

1. Diagnostic positif

Il est clinique, basé sur l'interrogatoire et l'examen.

2. Diagnostic étiologique

  • Toute neuropathie crânienne douloureuse (à type de névralgie ou de douleur neuropathique) peut révéler une lésion du nerf sur tout son trajet, du noyau dans le tronc cérébral jusqu'aux branches de division (SEP, méningo-radiculite, zona, tumeur, traumatisme). L'objectif devant une douleur localisée au territoire du V (bien moins souvent du IX) est d'écarter une névralgie secondaire (à une autre cause qu'un conflit vasculo-nerveux) ou une neuropathie douloureuse secondaire.
  • Drapeaux rouges : une cause secondaire doit être évoquée devant :
    • un âge de survenue jeune (SEP);
    • des décharges moins intenses (neuropathie douloureuse);
    • une prépondérance dans le territoire V1 (zona?);
    • un fond douloureux avec paresthésies et hypoesthésie (neuropathie douloureuse).
  • Examen clinique : recherche une hypoesthésie, une diminution du réflexe cornéen, par- fois associée à un V3 moteur (masséters, ptérygoïdiens) ou une atteinte d'autres nerfs crâniens du même côté.
  • Investigations : une IRM cérébrale avec coupes fines sur le tronc cérébral et le trijumeau sur tout son trajet (avec injection de gadolinium) est impérative avec un bilan biologique et parfois une ponction lombaire.
  • Les causes sont multiples (tableau 10.11). Une névralgie symptomatique chez un sujet jeune est le plus souvent liée à une sclérose en plaques. Une atteinte V1 chez un sujet plus âgé doit faire évoquer un zona (la douleur précède l'éruption cutanée). La névralgie post- zostérienne est en fait une douleur neuropathique sévère.

Tableau 10.11.  Principales causes de névralgies et de neuropathies trigéminales symptomatiques.

D. Traitement des névralgies faciales et crâniennes

1. Névralgie du trijumeau (décharges électriques)

a. Traitement médicamenteux
  • Il repose sur la carbamazépine (400 à 1600 mg/j). La posologie doit être augmentée progressivement, avec 2 ou 3 prises par jour, 30 minutes avant les repas pour essayer de permettre un repas sans salves douloureuses. Les effets secondaires sont fréquents chez le sujet âgé (somnolence, vertiges, ataxie).
  • En cas d'intolérance, l'oxcarbamazépine peut être utilisée. Le baclofène peut être utilisé, seul ou en association à la carbamazépine. D'autres médicaments sont parfois utilisés (lamotrigine, gabapentine).
  • Ce traitement médicamenteux est le même que la névralgie soit classique, secondaire (par exemple à une SEP) ou idiopathique.
b. Traitements chirurgicaux

Ils sont proposés en cas d'échec des traitements médicamenteux.

  • Destruction de la voie trigéminée par diverses techniques : radiochirurgie par gamma-knife sur l'émergence du trijumeau; thermocoagulation ou compression par ballonnet du ganglion de Gasser.
  • Chirurgie de décompression d'un conflit vasculo-nerveux : elle nécessite la démonstration d'un conflit vasculonerveux (critères IRM stricts). Elle est efficace mais invasive, donc réservée aux sujets jeunes et en bon état général.

2. Neuropathie trigéminale douloureuse (dont la douleur post-zostérienne)

Elle se traite comme les autres douleurs neuropathiques focales, en associant un traitement local et un traitement général. En cas d'échec des traitements de première ligne, un avis algologique est recommandé. Le traitement local repose en première intention sur les emplâtres de lidocaïne ou la stimulation électrique transcutanée (TENS, seulement prescrite en algologie). Le traitement général repose en première intention sur un antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNA, duloxétine à privilégier, ou venlafaxine), sur la gabapentine (1200 à 3600 mg/jour) ou sur un antidépresseur tricyclique par voie orale (amitriptyline, 10 à 150 mg/jour).

3. Autres névralgies

Le traitement de la névralgie du IX et du VII bis (nerf intermédiaire) est similaire à celui de la névralgie du trijumeau essentielle. En cas de névralgie rebelle, une décompression peut être proposée.

4. Névralgie d'Arnold ou douleur neuropathique du grand nerf occipital

Selon la typologie de la douleur, le traitement repose sur celui de la névralgie du V (si décharges électriques isolées) ou de la douleur neuropathique focale. Le problème est de ne pas méconnaître une migraine et d'éviter, dans ce cas, des gestes chirurgicaux potentiellement aggravants comme les thermocoagulations.

VIII. Démarche diagnostique devant une algie faciale

A. Classification

L'algie faciale ou oro-faciale est une douleur de la tête située au-dessous de la ligne orbito-méatale, en avant du pavillon de l'oreille et au-dessus du cou. Les algies faciales ou oro-faciales sont plus rares que les céphalées. Une séparation souvent artificielle de leur présentation conduit le patient à s'adresser à un spécialiste (neurologue, ORL, dentiste...) qui, selon sa formation, propose des investigations dans son domaine, conseille des traitements de sa spécialité sans nécessairement faire appel à un consensus. La classification ICHD-3 classe également les douleurs faciales. De manière simplifié, on peut proposer cinq groupes afin de faciliter le diagnostic (tableau 10.12).

B. Interrogatoire et examen clinique

Comme pour une céphalée, le diagnostic se base sur une anamnèse détaillée et sur l'examen clinique. Il faut laisser du temps au patient pour lui permettre de décrire les caractéristiques de la douleur, ses répercussions sur les activités quotidiennes, et rechercher un état anxiodépressif associé. L'anamnèse repose sur un interrogatoire en cinq étapes, exactement comme pour une céphalée (cf. chapitre 9) avec des questions additionnelles sur la présence de symptômes ORL, 
stomatologiques, dentaires et au niveau de l'articulation temporo-mandibulaire (craquement, limitation de l'ouverture buccale, etc.).L'examen clinique doit être détaillé, incluant selon les cas, non seulement un examen neuro- logique, mais également un examen local ORL, stomatologique et/ ou dentaire. Ensuite, les examens complémentaires sont décidés selon les causes suspectées.Une douleur faciale récente et sévère, brutale ou progressive, sans cause ORL ou dentaire évidente, doit être explorée comme une céphalée secondaire.

Tableau 10.12 Principales causes d'algies faciales ou oro-faciales.

C. Algies faciales symptomatiques d'une cause grave

Avant de conclure à une AVF, une migraine à expression faciale, une névralgie du trijumeau classique (conflit vasculo-nerveux) ou idiopathique, des causes graves doivent être recherchées et éliminées, notamment chez l'adulte de plus de 50 ans et en présence d'une altération de l'état général.

  • Pathologie tumorale ORL (tumeur des sinus, de la cavité nasopharyngée, parotidienne).
  • Artérite temporale : une claudication de la mâchoire, une douleur de la langue ou du nez peuvent être les symptômes principaux d'une maladie de Horton; les céphalées peuvent manquer ou se manifester par des paresthésies du cuir chevelu. L'urgence du diagnostic est liée au risque de neuropathie optique ischémique et de cécité irréversible. Un bilan inflammatoire doit être systématique.
  • Autre vascularite : les vascularites à ANCA (maladie de Wegener) peuvent donner des douleurs de la face sévère, d'horaire inflammatoire, par atteinte sinusienne.
  • Dissection carotidienne : une algie faciale unilatérale aiguë peut révéler une dissection de l'artère carotide interne cervicale qui se présente dans la majorité des cas par une douleur (céphalée unilatérale et/ou algie faciale unilatérale et/ou cervicalgie) accompagnées d'un syndrome de Claude Bernard Horner. Il faut l'évoquer même en l'absence de déficit neuro- logique controlatéral à la douleur. Il s'agit d'une cause fréquente d'AVC du sujet jeune.
  • Neuropathie du nerf mentonnier : devant des douleurs, des paresthésies et/ou une hypoesthésie de la «houppe du menton», les explorations révèlent souvent une tumeur maligne. Le nerf mentonnier est la branche terminale du nerf dentaire inférieur, branche du V3 qui innerve la moitié du menton, de la lèvre inférieure et des muqueuses buccales et gingivales.
  • Algie faciale et cancer pulmonaire : une algie faciale sévère peut faire découvrir une tumeur pulmonaire ipsilatérale. La douleur s'explique par l'invasion du nerf pneumogastrique (nerf X) ou sa compression intrathoracique. L'afférence viscérale du X aboutit au noyau solitaire bulbaire où des connexions avec le complexe trigéminocervical expliquent la douleur référée dans le territoire du nerf trijumeau.

D. Algies faciales idiopathiques

  • Algie faciale idiopathique persistante : douleur continue, indépendante d'un tra- jet d'un nerf, sans zone gâchette, sans décharge électrique, uni- ou bilatérale modérée (tiraillement, constriction, serrement, percement, brûlure, rarement atroce). Elle respecte le sommeil et peut être augmentée par la mastication et la phonation. Elle peut survenir après un traumatisme ou des interventions (chirurgie des sinus) qui, en général, aggravent la douleur. Avec le temps, la douleur diffuse (cervicalgies, lombalgies, céphalées). Les signes neurologiques sont pauvres (dysesthésies, paresthésies et allodynie).
  • Odontalgie idiopathique : douleur dentaire sans cause organique notable, localisée à une ou plusieurs dents, sans pathologie dentaire objectivable. La douleur est continue ou périodique mais sans paroxysmes, souvent avec allodynie. Les prémolaires et molaires sont le plus souvent concernées et le maxillaire plus que le mandibulaire. Le terme de dent fantôme indique qu'il peut s'agir d'une dent qui a été extraite sur demande du patient lui- même. Par avulsion et pulpectomie successives, on aggrave l'intensité et l'extension de la douleur.
  • Stomatodynie idiopathique ou «syndrome de bouche brûlante» : douleur de la muqueuse buccale sans cause organique, continue, chronique, souvent bilatérale, rare- ment accompagnée de dysesthésies de la muqueuse bucco-pharyngée (langue, palais, gencives, lèvres, pharynx) mais sans aucune lésion visible. Généralement spontanée, elle peut être aussi augmentée par les aliments épicés ou acides et diminuée par la prise de nourriture ou de boissons. Il faut éliminer une séquelle de radiothérapie, des mucites sur chimiothérapie ou une xérostomie de cause médicamenteuse ou systémique (syndrome de Sjögren, diabète, carence vitaminique B12).
  • Désordres temporo-mandibulaires idiopathiques : on exclut de cette catégorie les patients présentant une douleur rapidement résolutive ou chronique associée à une malocclusion dentaire, à des pathologies des articulations temporo-mandibulaires (dégénératives, liées à une polyarthrite rhumatoïde, à un cancer). Plus de 85 % des désordres temporo-mandibulaires se limitent à la présence d'une pure douleur des muscles masticateurs et/ou des articulations temporo-mandibulaires sans autre cause, comme lors d'une céphalée de tension. Il s'agit d'une douleur constante, sourde, non spécifique, que le mouvement articulaire peut exacerber. Elle est souvent unilatérale, au niveau des muscles masticateurs, la tempe, la zone prétragienne. L'irradiation de la douleur vers l'oreille, la mandibule, le front, la mastoïde et même la région latéro-cervicale est la règle. La douleur peut être déclenchée par un traumatisme direct. Elle est en général diurne avec un maximum le matin au réveil. Le sommeil peut être perturbé, mais la douleur ne survient pas au cours de la nuit. La palpation locale des muscles masticateurs est parfois sensible (allodynie). D'autres signes non spécifiques et inexpliqués comme des acouphènes, une sensation d'oreille bouchée et une perte subjective de l'audition sont souvent signalés.
  • Le traitement de ces douleurs dysfonctionnelles repose sur celui des douleurs neuropathiques chroniques et des céphalées de tension chroniques. Ces douleurs prédominent chez les femmes et surviennent volontiers chez des personnes ayant une comorbidité anxieuse et/ou dépressive, et/ou ayant subi différents événements de vie difficile. 

Pour aller plus loin

Donnet A, Demarquay G, Ducros A, Géraud G, Giraud P, Guégan-Massardier E, et al. Recommandations pour le diagnostic et le traitement de l'algie vasculaire de la face. Rev Neurol (Paris) 2014;170(11):653–70.
Donnet A, Simon E, Cuny E, Demarquay G, Ducros A, De Gaalon S, et al. Recommandations pour le diagnostic et la prise en charge de la névralgie trigéminale classique. Neurochirurgie 2018;64(4):285–302.
Lantéri-Minet M, Demarquay G, Alchaar H, Bonnin J, Cornet P, Douay X, et al. Démarche diagnostique

Sites internet

http://sfemc.fr : site internet de la SFEMC, Société française d'étude des migraines et céphalées (recommandations accessibles).
http://www.lecrat.fr : site internet du Centre de référence sur les agents tératogènes (traitement des céphalées en cas de grossesse).
générale devant une céphalée chronique quotidienne (CCQ) – Prise en charge d'une CCQ chez le migraineux : céphalée par abus médicamenteux et migraine chronique. Recommandations de la SFEMC, ANLLF et SFETD. Rev Neurol (Paris) 2014;170(3):162–76.
Lantéri-Minet M, Valade D, Géraud G, Lucas C, Donnet A. Société française d'étude des migraines et des céphalées. Prise en charge diagnostique et thérapeutique de la migraine chez l'adulte et chez l'enfant. Rev Neurol (Paris) 2013;169(1):14–29.
http://www.ihs-headache.org/ichd-guidelines : Inter- national Classification of Headache Disorders, ICHD-3.