Objectifs pédagogiques

  • Diagnostiquer une tumeur intracrânienne.
  • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.

Hiérarchisation des connaissances

La prise en charge des patients atteints de tumeurs intracrâniennes implique un partenariat multidisciplinaire où neuro-oncologue, neurochirurgien, neuroradiologue, anatomopathologiste, radiothérapeute, médecin généraliste, médecin de soins palliatifs ont leur place.


I. Épidémiologie

A. Tumeurs intracrâniennes de l’enfant

  • Les tumeurs du système nerveux central sont les plus fréquentes des tumeurs solides de l'enfant.
  • Il s'agit du deuxième cancer (20 %) derrière les leucémies (30 %).
  • Les tumeurs les plus fréquentes sont :
    • à l'étage sous-tentoriel : les gliomes diffus du tronc cérébral, les astrocytomes pilocytiques et les médulloblastomes cérébelleux;
    • à l'étage sus-tentoriel : les gliomes et les craniopharyngiomes.

B. Tumeurs intracrâniennes de l'adulte

1. Tumeurs primitives

  • L'incidence des tumeurs intracrâniennes primitives de l'adulte est de 10 cas pour 100 000 habitants par an (6 000 nouveaux cas par an) en France.
  • Par ordre décroissant, il s'agit de méningiomes (40 % des tumeurs cérébrales primitives), de gliomes tous grades confondus (30 %) et d'adénomes hypophysaires (10 %).
  • Les tumeurs cérébrales malignes représentent un tiers d'entre elles, soit 1 % de l'ensemble des cancers.

2. Métastases

  • Les métastases cérébrales constituent plus de 50 % des tumeurs intracrâniennes, tous types confondus.
  • Leur incidence est sous-évaluée car ces tumeurs restent souvent asymptomatiques du vivant des patients.
  • Les études autopsiques suggèrent qu'elles compliquent l'évolution de 20 % des cancers.
  • En dehors des cancers du poumon, où les métastases cérébrales peuvent être révélatrices du cancer dans 20 % des cas, celles-ci surviennent tardivement dans l'histoire naturelle du cancer, et trois quarts des patients ont déjà des métastases dans d'autres localisations.

II. Neuropathologie

A. Tumeurs primitives

Le diagnostic de certitude repose sur l'analyse histologique d'un fragment tumoral obtenu par biopsie chirurgicale ou lors d'un geste d'exérèse.
La classification utilisée est celle de l'OMS qui distingue les tumeurs en fonction de leur cellule d'origine (astrocyte, oligodendrocyte...), de leur grade de malignité (nombre de cellules en mitoses, prolifération endothélocapillaire et foyers de nécrose) et la présence d'anomalies chromosomiques ou moléculaires dans les cellules tumorales (
tableau 25.1).

Tableau 25.1. Classification histopronostique de l'OMS (2016) des tumeurs cérébrales primitives.

B. Métastases

En pratique, le diagnostic de métastases cérébrales peut être retenu sur les caractéristiques de l'IRM cérébrale et ne nécessite pas obligatoirement de confirmation histologique si le cancer systémique est connu, en particulier s'il est évolutif et s'il existe d'autres localisations métastatiques. Dans le cas contraire, un examen histologique est nécessaire.
Les cancers du poumon et du sein sont à l'origine de plus de la moitié des métastases cérébrales, loin devant les cancers du rein, de l'appareil digestif et des mélanomes. Une IRM cérébrale doit systématiquement être réalisée au cours du bilan d'extension initial des cancers bronchiques à petites cellules et est recommandée chez tous les patients avec cancers bronchiques non à petites cellules.

III. Présentation clinique

A. Syndrome d'hypertension intracrânienne

Lié à la croissance du processus expansif intracrânien et de l'œdème péri-lésionnel ou consécutif à un blocage des voies d'écoulement du liquide cérébro-spinal (LCS) responsable d'une hydrocéphalie, le syndrome d'hypertension intracrânienne (HTIC) est caractérisé par l'association de :

  • céphalées typiquement matinales;
  • vomissements ;
  • œdème papillaire au fond d'œil;
  • une diplopie par atteinte du nerf abducens, qui peut parfois survenir, sans valeur localisatrice.

Chez le nourrisson, le syndrome d'HTIC comporte plusieurs signes spécifiques :

  • une macrocrânie : toujours présente dans les hydrocéphalies chroniques se révélant avant l'âge de 2 ans, elle est caractérisée par un périmètre crânien > 2 DS (déviations standards) au-dessus de la normale; souvent révélatrice, elle peut être remarquée à l'occasion d'une rupture de la courbe de croissance du périmètre crânien ;
  • la tension marquée de la fontanelle antérieure et la disjonction des sutures, perceptibles à l'examen ;
  • le regard «en coucher de soleil» correspondant à une déviation permanente vers le bas des globes oculaires ; la paupière supérieure est rétractée. Une baisse d'acuité visuelle pouvant conduire à la cécité par atrophie optique peut être une conséquence dramatique de l'hydrocéphalie méconnue.

B. Crises d'épilepsie

Une crise épileptique partielle ou généralisée est révélatrice de 20 à 40 % des tumeurs cérébrales.
L'épilepsie est plus fréquente pour les tumeurs corticales d'évolution lente (gliome de bas grade, méningiome).

C. Déficits focaux

  • Liés à la compression ou à l'infiltration du parenchyme cérébral par la tumeur.
  • Le déficit est aggravé en cas d'œdème vasogénique tumoral associé.
  • Son mode d'apparition est généralement rapidement progressif, s'étendant «en tache d'huile ». Son type dépend de la topographie tumorale.

D. Troubles cognitifs

Syndrome confusionnel ou démentiel progressif sur quelques semaines en cas de lésions multiples (métastases) ou étendues (gliome infiltrant ou lymphome cérébral).

E. Troubles de l'équilibre et atteinte des nerfs crâniens

  • Ataxie cérébelleuse : tumeur du cervelet.
  • Atteinte multiple des nerfs crâniens : tumeur du tronc cérébral.

IV. Complications évolutives constituant des urgences thérapeutiques

A. Hémorragie intratumorale

Elle est plus fréquente avec certains types de tumeurs (métastases de mélanome ou de cancer du rein) et peut être prise pour un hématome cérébral spontané quand la tumeur sous-jacente n'est pas connue. Elle se manifeste par une HTIC, un trouble de la conscience ou un déficit neurologique focal aigus. Il faut donc demander une IRM cérébrale à 4 à 6 semaines devant une hémorragie parenchymateuse spontanée pour rechercher une tumeur sous-jacente masquée par les signes aigus de l'hémorragie.

B. Hydrocéphalie

Elle peut résulter :

  • de l'obstruction des voies d'écoulement du LCS par le processus tumoral; l'hydrocéphalie est alors non communicante et toute ponction lombaire est contre-indiquée à cause du risque d'engagement occipital;
  • ou d'une dissémination tumorale leptoméningée entravant la résorption du LCS; l'hydrocéphalie est alors communicante et autorise une éventuelle ponction lombaire ;
  • d'une hypersécrétion du LCS, qui peut être observée dans les tumeurs du plexus choroïde.

Elle peut affecter :

  • une partie du système ventriculaire : par exemple, hydrocéphalie triventriculaire par obstruction de l'aqueduc de Sylvius (aqueduc du mésencéphale) ;
  • ou l'ensemble de celui-ci : hydrocéphalie tétraventriculaire, secondaire par exemple à une obstruction des trous de Magendie et de Luschka (ouvertures médiane et latérales) du quatrième ventricule, ou à un obstacle à la résorption du LCS lié à une méningite tumorale.

C. Engagement

L'engagement cérébral correspond au passage d'une partie du parenchyme cérébral à travers une structure rigide de l'encéphale (tente du cervelet, trou occipital, etc.).

1. Engagement temporal

Il correspond au passage des structures temporo-mésiales dans la fente de Bichat (fissure transverse du cerveau), entre le bord libre de la tente du cervelet et le tronc cérébral. Il doit être suspecté devant l'apparition d'une paralysie (souvent partielle) du nerf oculomoteur (III) homolatéral avec ptosis, mydriase aréactive, s'accompagnant d'une hémiparésie controlatérale à la tumeur.

2. Engagement des amygdales cérébelleuses dans le trou occipital

C'est une complication gravissime des processus sous-tentoriels. Un port guindé de la tête, un torticolis doivent faire craindre sa survenue. Son risque est la compression de la moelle allongée (bulbe) qui entraîne une déficience respiratoire majeure avec des mouvements de décérébration (enroulement des membres supérieurs et opisthotonos) ou une mort subite.

D. Méningite tumorale

Elle résulte de l'extension aux espaces sous-arachnoïdiens d'une tumeur cérébrale primitive ou de l'invasion par métastases d'un cancer systémique. Cliniquement, le diagnostic est suspecté devant une paralysie d'un ou plusieurs nerfs crâniens d'installation rapidement progressive, des douleurs rachidiennes souvent associées à des douleurs radiculaires et/ou une aréflexie, des troubles de l'équilibre, des céphalées, une atteinte des fonctions cognitives souvent fluctuante. C'est surtout la combinaison de ces signes qui est évocatrice, témoignant d'un processus multifocal. En revanche, la raideur méningée est plus rare. Le diagnostic repose sur l'IRM cérébrale et l'IRM médullaire, qui peuvent mettre en évidence des prises de contraste méningées ou périventriculaires anormales très évocatrices, mais aussi dans la région thoracolombaire et sur la ponction lombaire (en l'absence de contre-indication) à la recherche de cellules tumorales (qu'il faut analyser dans l'heure qui suit le prélèvement et savoir répéter au moins 3 fois).

V. Facteurs pronostiques

  • L'âge et l'état fonctionnel des patients au moment du diagnostic (mesuré par l'index de Karnofsky qui va de 0 à 100) constituent les facteurs pronostiques cliniques principaux dans les tumeurs cérébrales malignes.
  • Trois biomarqueurs tumoraux ont été associés à un pronostic favorable dans les gliomes diffus de l'adulte et contribuent à définir la prise en charge des patients :
    • la codélétion des chromosomes 1p et 19q (résultat d'une translocation chromosomique déséquilibrée) ;
    • la mutation du gène IDH (qui code l'enzyme isocitrate déshydrogénase intervenant dans le métabolisme énergétique de la cellule);
    • la méthylation du gène MGMT (méthyl-guanine-méthyl transférase), qui code une enzyme de réparation de l'ADN.

VI. Principes généraux des traitements

A. Chirurgie

La chirurgie des tumeurs cérébrales a fait des progrès considérables et la mortalité et morbidité post-opératoires sont devenues très faibles grâce au développement de techniques permettant le repérage des régions fonctionnelles à préserver (IRM fonctionnelle préopératoire, chirurgie en condition éveillée avec stimulation corticale et sous-corticale, neuronavigation, échographie peropératoire). L'exérèse chirurgicale, quand elle est possible, outre son intérêt diagnostique, permet de soulager immédiatement les symptômes d'hypertension intracrânienne, d'améliorer les déficits liés à une compression cérébrale et la tolérance des traitements post-opératoires éventuels comme la radiothérapie et la chimiothérapie. Elle est curative lorsqu'elle conduit à une exérèse complète des méningiomes de bas grade et des gliomes de grade I et améliore considérablement la durée de vie des patients souffrant de tumeurs primitives de haut grade quand l'exérèse peut être totale ou subtotale. La chirurgie permet aussi de lever des obstacles à l'écoulement du LCS liés à l'obstruction tumorale par la réalisation, entre autres, d'une dérivation ventriculaire ou d'une ventriculostomie. En revanche, dans certaines tumeurs très infiltrantes et radiochimiosensibles comme les lymphomes primitifs du système nerveux central, l'exérèse chirurgicale n'apporte pas de bénéfice au traite- ment médical.

B. Radiothérapie

La radiothérapie est le traitement médical de choix des tumeurs cérébrales de haut grade. Ses modalités varient selon la tumeur, son extension et le siège de rechute potentielle au sein du système nerveux. Elle doit prendre en compte le risque de neurotoxicité post-radique qui dépend de la dose totale, du fractionnement (dose par fraction optimale <1,8–2 Gy), du volume à irradier et des facteurs de risque liés au patient (âge, facteurs de risque cardiovasculaire), et la durée de survie attendue après le traitement. 

On distingue :

  • l'irradiation encéphalique totale : elle peut être discutée dans les métastases cérébrales multiples ou en consolidation dans les lymphomes cérébraux primitifs ;
  • la radiothérapie externe focale conventionnelle : indiquée dans les gliomes diffus ;
  • la radiothérapie conformationnelle : elle permet une collimation optimale de la lésion dans l'optique de limiter la dose des radiations délivrées aux structures cérébrales les plus fragiles (par exemple, le tronc cérébral ou les voies optiques) ;
  • la radiothérapie en condition stéréotaxique : elle repose sur l'administration en une séance d'une irradiation par de multiples faisceaux convergents (gamma knife – radiochirurgie – ou cyberknife) et s'adresse à de petites lésions circonscrites (diamètre <3 cm) comme les métastases cérébrales;
  • la radiothérapie crâniospinale : pour les tumeurs à haut risque de dissémination au sein du névraxe et dans les méninges comme les médulloblastomes.

C. Chimiothérapie

L'effet de la chimiothérapie dans le traitement des tumeurs cérébrales est limité par la barrière hémato-encéphalique (BHE), qui réduit son accès au parenchyme cérébral, et par la chimiorésistance intrinsèque de la majorité des tumeurs cérébrales primitives, en particulier les gliomes malins. Les agents les plus efficaces sont des molécules de petites tailles et liposo-lubles. Outre son action cytotoxique propre, la chimiothérapie peut contribuer, pour certaines tumeurs comme le glioblastome, à accroître la sensibilité des cellules tumorales à la radiothérapie quand ces deux traitements sont administrés de façon concomitante. Les tumeurs primitives malignes les plus chimiosensibles sont les lymphomes, les germinomes, les oligoden- drogliomes, les médulloblastomes.

D. Corticothérapie

Les corticoïdes oraux (méthylprednisolone, Médrol® ; prednisolone, Solupred® ; prednisone, Cortancyl®) ou parentéraux (méthylprednisolone hémisuccinate, Solumédrol®) sont fréquemment utilisés en neuro-oncologie. Outre une action antitumorale propre (lymphome cérébral primitif), les corticoïdes agissent essentiellement sur l'œdème péritumoral. Ils permettent ainsi une réduction de l'HTIC et une amélioration fonctionnelle rapide (réduction des déficits et des crises comitiales).
Le problème essentiel des corticoïdes réside dans leurs effets indésirables (aspect cushingoïde, ostéoporose, complications psychiatriques, myopathie – surtout myopathie cortisonique des ceintures, très péjorative pour la déambulation chez ces patients). La prescription de corticoïdes doit donc toujours être revue de manière à ce qu'un patient donné reçoive seulement la dose minimale efficace adaptée à sa situation.

E. Traitement antiépileptique

Un traitement antiépileptique est recommandé chez les patients ayant présenté une crise inaugurale ou continuant à souffrir de crises itératives. Sauf rares exceptions (métastases de mélanome), il n'est pas indiqué au long cours chez les patients dont l'histoire ne comporte aucune crise. Le choix du traitement utilisé ne présente pas de spécificité ; les médicaments les plus fréquemment utilisés en première intention sont des antiépileptiques non inducteurs enzymatiques et bien tolérés sur le plan cognitif, tels que le lévétiracétam (Keppra®), le lacosamide (Vimpat®), la lamotrigine (Lamictal®) en monothérapie. En cas de chimiothérapie envisagée, les agents non inducteurs enzymatiques sont privilégiés. Ils nécessitent une surveillance des effets indésirables.

F. Autres traitements symptomatiques

Divers traitements peuvent être nécessaires au cours de l'évolution d'une tumeur cérébrale de haut grade : antidépresseurs, anxiolytiques, anticoagulants, antalgiques, antiémétiques, protecteurs gastriques et autres.

G. Soins palliatifs

Malgré un traitement optimal comprenant une exérèse chirurgicale, une radiothérapie et plu- sieurs lignes de chimiothérapie, la tumeur peut récidiver ou poursuivre son évolution. Une décision collégiale d'arrêt des traitements oncologiques pour poursuivre un traitement de confort peut alors être prise.

VII. Particularités clinico-radiologiques et traitements spécifiques

A. Gliomes

1. Astrocytome pilocytique (astrocytome de grade I)

a. Particularités cliniques

Il s'agit d'une tumeur de l'enfant ou plus rarement de l'adulte jeune. Elle peut survenir isolément ou dans un contexte de maladie de von Recklinghausen ou neurofibromatose de type 1 (NF1). L'astrocytome pilocytique est localisé préférentiellement le long de la ligne médiane (voies optiques, noyaux gris, hémisphères cérébelleux).

b. Aspects radiologiques

Il s'agit de tumeurs bien circonscrites, hypodenses en TDM, hyperintenses en IRM T2, prenant le contraste dans 95 % des cas et comportant souvent une composante kystique.

c. Traitement

La guérison est la règle dès lors que les tumeurs sont résécables chirurgicalement. Dans les formes inopérables évolutives, une radiothérapie ou une chimiothérapie peuvent être proposées.

2. Gliome diffus de bas grade (astrocytome, oligodendrogliome et oligoastrocytome de grade II)

a. Particularités cliniques

Ils surviennent classiquement chez l'adulte jeune (30–40 ans) et se révèlent le plus souvent par une crise d'épilepsie. L'évolution naturelle est l'extension progressive de l'infiltrat tumoral de proche en proche et une transformation anaplasique en grade III ou IV, dont ils prennent alors le pronostic. Si la médiane de survie est de 5–10 ans, il existe une grande hétérogénéité évolutive en fonction du profil moléculaire de la tumeur, certains patients progressant rapidement vers la malignité et décédant en 2 ou 3 ans, d'autres ayant une tumeur relativement stable pendant de nombreuses années et compatible avec une vie longtemps normale. Du fait de l'évolution tumorale relativement lente qui induit d'importants phénomènes de plasticité cérébrale, les patients sont le plus souvent indemnes de déficit neurologique majeur, même en cas de tumeurs volumineuses. Toutefois, divers troubles cognitifs sont le plus souvent détectés après une évaluation neuropsychologique détaillée, recommandée chez ces patients dans le bilan préopératoire et le suivi.

b. Aspects radiologiques

Les gliomes de grade II (cf. infra figure 25.2) sont des tumeurs infiltrantes apparaissant en hyposignal T1, ne se rehaussant classiquement pas par le gadolinium, et en hypersignal T2 ou FLAIR. Au scanner, les tumeurs apparaissent hypodenses. Des calcifications intra-tumorales sont parfois visibles.

c. Traitement

Une exérèse chirurgicale la plus complète possible est recommandée en cas de tumeur opérable. Au vu de la localisation fréquente de ces tumeurs en zones ou à proximité de zones hautement fonctionnelles, cette exérèse est le plus souvent réalisée en condition éveillée. Cette technique permet la réalisation de cartographies fonctionnelles corticales et sous-corticales en temps réel et de détecter, et ainsi de préserver, les régions éloquentes. C'est le traitement recommandé en première intention pour les gliomes diffus de bas grade car il permet une exérèse tumorale maximale selon des limites fonctionnelles, tout en préservant la qualité de vie des patients. Si la tumeur est inopérable, une biopsie pourra être discutée.
Une radiothérapie cérébrale focale sera discutée en cas d'inopérabilité et de signes d'évolutivité clinique ou radiologique de la tumeur ou de la présence de facteurs de mauvais pronostic (clinique ou moléculaire). Une chimiothérapie adjuvante (agents alkylants comme le témozolomide et les nitroso-urées) est proposée en complément de la radiothérapie. Dans certaines tumeurs inopérables très étendues, pour lesquelles la radiothérapie nécessiterait des champs d'irradiation très larges exposant le patient à un risque accru de neurotoxicité, une chimiothérapie néoadjuvante est parfois proposée après discussion pluridisciplinaire.

3. Gliomes anaplasiques de grade III et glioblastome de grade IV

a. Particularités cliniques et radiologiques

Les gliomes dits de «haut grade» (III et IV) surviennent chez l'adulte plus âgé (âge moyen 50–60 ans). Ils peuvent survenir de novo ou provenir de la transformation maligne d'une tumeur de plus bas grade préexistante (gliomes malins secondaires ou « dégénérés »). À l'imagerie, les gliomes de haut grade sont d'aspect plus hétérogène, volontiers accompagnés d'un œdème et d'une prise de contraste.

b. Traitement
Gliomes anaplasiques (astrocytomes et oligodendrogliomes de grade III)

Le traitement des gliomes de grade III repose sur la chirurgie quand elle est possible et une radiothérapie focale sur le lit tumoral. Les tumeurs présentant une co-délétion chromosomique 1p et 19q et/ou une mutation du gène de l'enzyme isocitrate déshydrogénase (IDH) sont chimiosensibles et justifient l'adjonction d'une chimiothérapie à base d'alkylants (nitroso-urées ou témozolomide) qui peut être délivrée juste avant (condition néoadjuvante) ou juste après (condition adjuvante) la radiothérapie. Pour les gliomes de grade III sans co-délétion ni mutation du gène IDH, la séquence optimale de la chimiothérapie reste à déterminer.

Glioblastomes (astrocytome de grade IV)

Les glioblastomes sont les tumeurs gliales les plus agressives. Le traitement standard repose sur la chirurgie, suivie d'une radiothérapie focale combinée de façon concomitante à une chimiothérapie par témozolomide, qui sera ensuite poursuivie en condition adjuvante par plusieurs cycles supplémentaires. La récidive locale est malheureusement la règle et la médiane de survie est de 12 à 18 mois.

B. Méningiome

1. Particularités cliniques

Les méningiomes sont des tumeurs le plus souvent bénignes qui se développent dans l'espace sous-dural aux dépens des cellules arachnoïdiennes. Le pic d'incidence se situe autour de la sixième décennie. Il existe une prédominance féminine avec un sex-ratio de 2:1. La plupart des méningiomes sont sporadiques mais ils peuvent se développer dans le cadre d'une neuro-fibromatose de type 2 (méningiomes multiples, association à des neurinomes). Leur découverte est souvent fortuite car ils sont souvent asymptomatiques. S'ils sont cliniquement symptomatiques, le tableau dépend de la localisation de la tumeur. Ils peuvent se révéler par une crise d'épilepsie.

2. Aspects radiologiques

Le scanner sans et avec injection de produit de contraste a une excellente sensibilité pour détecter un méningiome. Les méningiomes sont fréquemment calcifiés. L'IRM est plus per- formante dans l'évaluation des rapports anatomiques de la tumeur, notamment vasculaires. L'aspect radiologique est typique : lésion homogène, très bien circonscrite, parfois polylobée, prenant le contraste de façon massive et homogène. Il existe une base d'implantation durale et, classiquement, un épaississement dural caractéristique en continuité avec le méningiome («signe de la queue de comète») est retrouvé.

3. Traitement

Le traitement repose sur la chirurgie. Les indications opératoires dépendent des caractéristiques du méningiome (taille, localisation) et de son retentissement clinique. Il peut être tout à fait licite de proposer une surveillance simple devant une lésion asymptomatique. Une radiothérapie focalisée est discutée dans les méningiomes inopérables et évolutifs, dans les cas très rares de signes de malignité à l'analyse neuropathologique ou lors de récidive non opérable. Le méningiome étant une tumeur potentiellement hormonosensible, les traitements œstroprogestatifs sont par précaution à éviter. Le risque encouru doit néanmoins toujours être confronté au bénéfice du patient.

C. Métastases cérébrales

1. Aspects radiologiques

Au scanner et à l'IRM, les métastases cérébrales apparaissent classiquement comme des lésions nodulaires prenant le contraste de façon variable (le plus souvent hétérogène mais parfois homogène ou annulaire). Elles sont le plus souvent accompagnées d'un œdème et d'un effet de masse important au regard de la taille des lésions. Elles sont volontiers hémorragiques dans le cas des mélanomes et, dans une moindre mesure, dans les cancers du rein. Elles siègent préférentiellement dans les zones de jonctions cortico-sous-corticales. L'IRM a une meilleure sensibilité que la TDM et permet de détecter des localisations passées inaperçues à la TDM. Les métastases cérébrales sont le plus souvent multiples mais peuvent être uniques dans 30 % des cas.

2. Traitement

Le traitement des métastases cérébrales repose sur la chirurgie pour les lésions uniques, la radiothérapie stéréotaxique (radiochirurgie ou par cyberknife) pour les lésions uniques ou multiples de taille < 3 cm, la radiothérapie de l'encéphale in toto dans les lésions multiples, et dans une moindre mesure la chimiothérapie (qui s'adresse aux métastases cérébrales de cancers chimio-sensibles, en particulier les cancers du poumon à petites cellules et les cancers du sein). Ces derniers traitements peuvent se combiner. Le choix du traitement optimal se fait en réunion multidisciplinaire. Le pronostic est sombre, avec une médiane de survie de 5–8 mois; cependant la majorité des patients traités décèdent des complications de leur maladie systémique, souvent avancée au moment où les métastases cérébrales sont découvertes. Le traitement des métastases cérébrales doit être ainsi considéré comme un traitement palliatif visant à améliorer ou prévenir les symptômes neurologiques. Pour certains cancers cependant, tels que le cancer du sein, certains cancers du poumon et le cancer du rein, des survies longues après traitement des métastases cérébrales sont observées.

D. Lymphomes cérébraux primitifs

1. Particularités cliniques

Le lymphome cérébral primitif est favorisé par l'existence d'une immunodépression (sida, transplantation d'organe nécessitant un traitement immunosuppresseur), mais il survient néanmoins, dans la grande majorité des cas, chez l'adulte immunocompétent avec un pic de fréquence autour de 60 ans. Dans 90 % des cas, le lymphome est de type B à grandes cellules.

2. Aspects radiologiques

Scanner et IRM montrent typiquement une ou des lésions volontiers périventriculaires se rehaussant de manière intense et homogène après injection de produit de contraste, prenant un aspect «cotonneux». Chez le patient immunodéprimé, les lésions sont plus souvent multiples et prennent volontiers le contraste de façon annulaire, soulevant dans ce contexte le diagnostic différentiel d'une toxoplasmose cérébrale.

3. Traitement

Les lymphomes cérébraux primitifs sont souvent corticosensibles. Pour cette raison, quand le diagnostic est suspecté devant une imagerie souvent évocatrice, la prescription de corticoïdes doit être évitée si possible avant la biopsie. Il s'agit d'une tumeur chimio et radiosensible et l'exérèse chirurgicale n'a pas de place dans le traitement. Celui-ci repose sur une chimiothéra pie à base de méthotrexate intraveineux à hautes doses qui permet à l'agent de passer la BHE. Le traitement peut être éventuellement consolidé chez les sujets jeunes par une radiothérapie de l'encéphale in toto ou une intensification de chimiothérapie avec greffe de cellules souches. Chez les patients âgés, la radiothérapie n'est pas recommandée en raison du risque important dans cette population de développer une démence iatrogénique (leucoencéphalopathie post-radique). Une rémission est obtenue dans la majorité des cas mais les rechutes sont fréquentes et on estime que 20 à 30 % de guérisons peuvent être obtenus.

E. Médulloblastome

1. Aspect clinique et radiologique

Il s'agit d'une tumeur de l'enfant et près de 70 % des cas surviennent avant 20 ans. Typiquement, ces tumeurs intéressent le cervelet et se manifestent par une ataxie cérébelleuse et une HTIC par hydrocéphalie secondaire. L'IRM montre typiquement une masse homogène en hypersignal T2 et isosignal T1, se rehaussant de façon relativement homogène. Le médulloblastome peut disséminer très précocement dans les méninges et beaucoup plus rare- ment hors du système nerveux central (métastases osseuses principalement). Le bilan d'extension doit ainsi comporter en post-opératoire une IRM craniospinale et une étude du LCS.

2. Traitement

Le traitement standard repose sur la chirurgie et l'association chirurgie-radiothérapie. L'irradiation doit être crâniospinale en raison du risque de dissémination méningée et de facteurs biologiques de mauvais pronostic. La place de la chimiothérapie est discutée en cas d'exérèse incomplète et/ou d'une dissémination méningée ou systémique. Dans les formes à faible risque de récidive d'après le profil moléculaire, des protocoles de chimiothérapie sont établis et la radiothérapie est parfois différée.

F. Tumeurs hypophysaires

(Cf. items d'endocrinologie.)

1. Adénomes hypophysaires

Les adénomes hypophysaires sont classés en adénomes non sécrétants (25 % des cas) et en adénomes sécrétants. Ces derniers sont également divisés selon l'hormone synthétisée : prolactine, hormone de croissance (adénome somatotrope), LH et FSH (gonadotrope), ACTH (corticotrope), TSH (thyréotrope).

a. Particularités cliniques

Les signes cliniques suivants, parfois associés, doivent faire rechercher une lésion hypophysaire :

  • le syndrome endocrinien d'hypersécrétion hormonale, par exemple aménorrhée-galactorrhée, ou d'hyposécrétion hormonale; dans quelques rares cas, cette dernière peut être aiguë et menacer le pronostic vital par la décompensation d'une insuffisance surrénalienne ;
  • le syndrome tumoral avec signes neurologiques (HTIC, baisse de l'acuité visuelle et déficit campimétrique par compression des voies optiques, atteinte des paires crâniennes par envahissement du sinus caverneux, etc.).
b. Diagnostic
Bilan hormonal

Le bilan hormonal cherchera, en fonction du tableau clinique et de la taille de l'adénome, une hypersécrétion hormonale et/ou une insuffisance antéhypophysaire.

Imagerie

Le diagnostic repose sur une IRM comportant des coupes millimétriques centrées sur la selle turcique dans les trois plans de l'espace avec injection de gadolinium. L'examen permet de visualiser la tumeur (généralement en isosignal T1, en hypersignal T2, se rehaussant après injection) et d'évaluer ses rapports avec les structures de voisinage, en particulier le chiasma optique, le sinus caverneux et les artères carotides. Ces informations sont capitales en vue d'un geste chirurgical. Un examen ophtalmologique avec champ visuel sera systématiquement demandé.

c. Traitement

Le traitement dépend du type de l'adénome. Globalement, il est chirurgical en première intention, sauf pour l'adénome à prolactine pour lequel un traitement médical par agoniste dopaminergique (bromocriptine' cabergoline) est d'abord proposé.
Les déficits endocriniens associés sont traités par hormonothérapie substitutive adaptée à chaque cas.

2. Craniopharyngiome

Dérivant de l'épithélium pharyngé de la poche de Rathke (vestige du tractus pharyngo-hypophysaire primitif), cette tumeur est essentiellement représentée chez l'enfant. À l'imagerie, elle est suspectée devant une lésion supra-sellaire généralement calcifiée.

Annexe

Annexe 25.1 – Données d'imagerie

Astrocytome pilocytique (grade I)

Figure 25.1.

Fig. 25.1. IRM cérébrale d'un patient de 22 ans présentant un tableau d'HTIC.
Séquence T1 avec injection de gadolinium, coupe sagittale : lésion du tronc cérébral constituée d'une partie nodulaire prenant le contraste et d'une portion kystique (hyposignal). Hydrocéphalie (dilatation ventriculaire).

(Source : CEN, 2019.)

Astrocytome diffus de bas grade (grade II de l'OMS) paralimbique gauche

Figure 25.2.

Fig. 25.2. IRM cérébrale chez un patient de 26 ans présentant des crises épileptiques partielles depuis plusieurs mois. Volumineuse lésion paralimbique gauche en hypersignal T2 (A), en hypersignal hétérogène FLAIR (B), en hyposignal T1 (C), sans rehaussement pathologique (D), sans signes de néoan- giogenèse : rCBV à 0,5 (E), avec un spectre tumoral : rapport choline/créatine (Cho/Cr) et choline/N-acétyl-aspartate (Cho/NAA) augmenté, présence de myo-inositol (mI) (F, G).
A.
T2, coupe coronale. B. FLAIR, coupe axiale. C. T1, coupe axiale. D. T1 avec injection de gadolinium, coupe axiale. E. Séquence de perfusion. F, G. Spectroscopie par résonance magnétique monovoxel à écho court 30 ms (F) et à écho long 135 ms (G).
(Source : CEN, 2019.)

Glioblastome bi-fronto-calleux (grade IV)

Figure 25.3.

Fig. 25.3. IRM cérébrale chez une patiente de 67 ans, présentant des céphalées et des troubles phasiques d'installation rapide. Lésion bi-fronto-calleuse en hypersignal hétérogène T2 (A), en signal hétérogène FLAIR et œdème péri-lésionnel important (B), en hyposignal T1 (C), avec rehaussement périphérique hétérogène et centre nécrotique (D), des signes francs de néoangiogenèse : rCBV à 3,6 (E), et un spectre tumoral : rapport choline/créatine (Cho/Cr) et choline/N-acétyl-aspartate (Cho/NAA) augmenté, présence de lipides et lactates (F, G)
A. T2, coupe coronale. B. FLAIR, coupe axiale. C. T1, coupe axiale. D. T1 avec injection de gadolinium, coupe axiale. E. Séquence de perfusion. F, G. Spectroscopie par résonance magnétique monovoxel à écho court 30 ms (F) et à écho long 135 ms (G).
(Source : CEN, 2019.)

Méningiome frontotemporal droit

Figure 25.4.

Fig. 25.4. IRM cérébrale chez une femme de 54 ans présentant des crises d'épilepsie partielle depuis un mois. Séquence axiale T1 après injection de gadolinium : lésion extra-cérébrale, refoulant le parenchyme cérébral, bien limitée, à base d'implantation large sur la convexité, prenant le contraste de manière intense et homogène (flèche en gras). Prise de contraste de la dure-mère adjacente (petite flèche) correspondant à la languette d'insertion dure-mérienne du méningiome (image en «queue de comète»). 
(Source : CEN, 2019.)

Micro-adénome (< 1 cm) hypophysaire

Figure 25.5.

Fig. 25.5. IRM, séquence T1 dans le plan coronal, avant et après injection de gadolinium chez une femme de 45 ans réalisée dans le cadre d'un bilan d'hyperprolactinémie.
Signes directs : lésion intrasellaire focale arrondie, infracentimétrique, développée dans l'aileron hypophysaire gauche, en hyposignal avant injection et restant en hyposignal après injection (rehaussement beaucoup moins rapide que l'hypophyse normale).
Signes indirects : surélévation modérée du diaphragme sellaire à gauche et déviation controlatérale de la tige pituitaire.
A. T1 frontal sans injection. B. T1 frontal après injection.
(Source : CEN, 2019.)

Macro-adénome (> 1 cm) hypophysaire

Exemple 1
Figure 25.6.

Fig. 25.6. IRM cérébrale chez une femme de 57 ans avec hémianopsie bitemporale. Séquence T1 après injection dans le plan coronal : lésion à développement intrasellaire et à extension suprasellaire, en forme de « bonhomme de neige » ou de « 8 » (forme liée à la constriction du diaphragme sellaire), prenant le contraste de manière homogène. La tige pituitaire n'est plus visible. Important refoulement du chiasma optique (flèche). Pas d'envahissement des loges caverneuses.
(Source : CEN, 2019.)

Exemple 2
Figure 25.7.

Fig. 25.7. IRM cérébrale chez un homme de 72 ans avec céphalées et hémianopsie bitemporale. Séquence frontale T1 après injection : macro-adénome invasif, à développement intra, supra et infra-sellaire. Envahissement de la loge caverneuse droite et du sinus sphénoïdal. Prise de contraste hétérogène, avec remaniements nécrotiques centraux (zones en hyposignal).
(Source : CEN, 2019.)

Métastases cérébrales

Figure 25.8.

Fig. 25.8. IRM cérébrale réalisée chez un patient de 67 ans traité pour un adénocarcinome bronchique avec une hémiparésie gauche récente. Présence de deux lésions intracérébrales hémisphériques droites, bien limitées et arrondies, développées respectivement dans la région frontale antérieure et au niveau du lobule paracentral (région centrale interne), en hyposignal T1 et en hypersignal T2, entourées d'un œdème important. Effet de masse sur le ventricule latéral droit avec effacement partiel des cornes frontale et occipitale. Après injection, important rehaussement des deux lésions permettant de les distinguer de l'œdème.
A. T1 sagittal. B. T1 axial. C. T1 axial après injection. D. T1 axial après injection. E. T1 sagittal après injection.
(Source : CEN, 2019.)

Lymphome cérébral primitif

Figure 25.9.

Fig. 25.9. Lésions intracérébrales généralement paraventriculaires ou près des espaces sous-arachnoïdiens, prenant fortement le contraste de manière homogène. Les lymphomes sont très sensibles à la corticothérapie et les images peuvent « disparaître » en délai bref (1 ou 2 semaines), rendant difficile le repérage stéréotaxique, mais aussi l'interprétation anatomopathologique.
A. Exemple 1. IRM cérébrale chez une patiente de 71 ans avec ralentissement idéomoteur depuis quelques mois ; séquence axiale T1 après injection. B. Exemple 2. IRM cérébrale chez un patient présentant une confusion récente ; séquence axiale T1 après injection.
(Source : CEN, 2019.)