Objectif pédagogique

  • Connaître les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.
  • Identifier les urgences.

Hiérarchisation des connaissances

 


 Une diplopie est la vision double d'un objet unique.
Une diplopie monoculaire persiste à l'occlusion de l'œil sain et disparaît à l'occlusion de l'œil atteint. Elle peut avoir une cause ophtalmologique retrouvée facilement à l'examen :  cornéenne (astigmatisme important, taie cornéenne, kératocône) ; irienne (traumatique) ; cristallinienne (cataracte nucléaire). Si l'examen ophtalmologique est normal, la principale étiologie est fonctionnelle.
 Ce chapitre traite des diplopies binoculaires, présentes les deux yeux ouverts et disparaissant à l'occlusion de l'un ou de l'autre œil. Elles correspondent à un trouble du parallélisme oculaire acquis et d'installation aiguë ou subaiguë, avec généralement une origine neurologique ou orbitaire requérant souvent une prise en charge urgente. Ce trouble du parallélisme oculaire est le plus souvent lié à une paralysie (ou parésie) oculomotrice.

I. Rappel anatomique et physiologique

 Six muscles extraoculaires assurent les mouvements de chaque globe oculaire dans un plan horizontal (droit latéral et droit médial), vertical (droit supérieur et droit inférieur) et en torsion (oblique supérieur et oblique inférieur)4. L'action principale de ces muscles est décrite dans la figure 12.1.

  • L'innervation des muscles oculomoteurs repose sur trois nerfs, dont les noms5, les fonctions et les trajets anatomiques (figure 12.2) sont les suivants :
    • le nerf oculomoteur (IIIe nerf crânien) innerve les muscles droit médial, droit supérieur, droit inférieur, oblique inférieur, releveur de la paupière et le sphincter irien (innervation parasympathique). Le noyau oculomoteur est localisé dans le mésencéphale; le nerf émerge à sa face antérieure et se dirige vers l'orbite ipsilatérale en passant dans le sinus caverneux où il côtoie les autres nerfs de la motricité oculaire. Il a la particularité de cheminer proche des vaisseaux, notamment au-dessous de la bifurcation entre la carotide interne supraclinoïdienne et la communicante postérieure;
    • le nerf trochléaire (IVe nerf crânien) innerve le muscle oblique supérieur. Le noyau trochléaire est localisé dans la partie postérieure du mésencéphale ; le nerf émerge à la face postérieure du tronc cérébral, croise la ligne médiane, contourne le tronc cérébral et se dirige vers l'orbite (controlatérale au noyau) en passant dans le sinus caverneux. Il a la particularité d'être particulièrement vulnérable aux traumatismes crâniens ;
    • le nerf abducens (VIe nerf crânien) innerve le muscle droit latéral. Le noyau abducens est localisé dans le pont (ou protubérance) ; le nerf émerge à la face antérieure du tronc cérébral et se dirige vers l'orbite en passant le long de la pointe du rocher et dans le sinus caverneux. Il est particulièrement vulnérable lors d'une fracture du rocher. Il est fixé lorsqu'il perfore la dure-mère, ce qui le rend vulnérable (par traction) au déplacement du tronc cérébral consécutif à une hypertension intracrânienne. Dans ce cas, il est dit qu'il n'a pas de valeur localisatrice.
  •  L'organisation centrale de la motricité oculaire doit tenir compte de la binocularité. Il est important d'assurer un contrôle oculomoteur pour que l'image se projette sur les parties correspondantes des deux rétines, tant en statique que lors des mouvements oculaires. Lorsque le regard se déplace dans un plan frontal (droite, gauche, haut et bas), les deux yeux sont coordonnés par des mouvements de version. En revanche, lorsque le regard se déplace dans un plan sagittal (en profondeur), les mouvements oculaires ont un sens opposé : ce sont les mouvements de vergence (convergence et divergence). Le noyau abducens constitue le centre assurant les mouvements de latéralité (version horizontale) (figure 12.3).
  • Lors d'une paralysie dans le territoire d'un muscle, les yeux ne seront plus correctement alignés, notamment dans le champ d'action de ce muscle. Les images se projettent sur des zones non correspondantes de la rétine et le cerveau perçoit deux images au lieu d'une seule. C'est l'origine principale de la diplopie binoculaire.

La nomenclature anatomique internationale doit remplacer l'ancienne dénomination de muscles droit externe, droit interne, grand oblique et petit oblique.

La nomenclature anatomique internationale doit remplacer l'ancienne dénomination de nerf moteur oculaire commun, nerf pathétique et nerf moteur oculaire externe.

Fig. 12.1.  Aspect et actions principales des muscles extraoculaires.
(Source : Vignal-Clermont C., Miléa D., Tilikete C. Neuro-ophtalmologie. 2e éd. Issy-les-Moulineaux,: Elsevier-Masson, 2016. Illustration de Carole Fumat.)

Fig.12.2.  Représentation schématique du trajet et de l'innervation des différents muscles oculomoteurs.
1. Artère communicante postérieure. 2. Artère ophtalmique. 3. Artère carotide interne. 4. Sinus caverneux.
(Source : Vignal-Clermont C., Miléa D., Tilikete C. Neuro-ophtalmologie. 2e éd. Issy-les-Moulineaux, Elsevier-Masson, 2016. Illustration de Carole Fumat.)

Fig. 12.3.  Représentation schématique des voies oculomotrices centrales de la latéralité du regard.
 Le noyau abducens constitue le centre assurant les mouvements de latéralité, permettant de commander en même temps l'abduction de l'œil ipsilatéral et l'adduction de l'œil controlatéral. Outre les neurones qui constituent le nerf abducens, il contient des interneurones qui cheminent après décussation dans le faisceau longitudinal médian (FLM) jusqu'au noyau oculomoteur controlatéral pour s'articuler avec les motoneurones du muscle droit médial. Une atteinte du FLM est responsable d'une ophtalmoplégie internucléaire. (Source : Vignal-Clermont C., Miléa D., Tilikete C. Neuro-ophtalmologie. 2e éd. Issy-les-Moulineaux, Elsevier-Masson, 2016. Illustration de Carole Fumat.)

  • Une paralysie oculomotrice peut être en lien avec une atteinte du muscle, de la jonction neuromusculaire, du nerf contrôlant la motricité oculaire ou de la commande du système nerveux central impliquant essentiellement le tronc cérébral.

II. Examen clinique

L'interrogatoire et l'examen clinique sont fondamentaux dans la conduite diagnostique. Ils permettent de reconnaître le mode d'installation et l'évolution de la diplopie, le contexte et les signes associés, l'ensemble de ces données étant fondamental pour étayer le diagnostic topographique et étiologique.

A. Interrogatoire

Le malade décrit une vision double, mais parfois une vision «floue». La disparition du symptôme à l'occlusion d'un œil a la même valeur qu'une diplopie. La diplopie peut être méconnue lorsqu'il existe un ptosis qui « occlut » l'œil paralysé et supprime ainsi l'une des deux images. L'interrogatoire précisera :

  • le terrain : âge ; antécédents oculaires et généraux ; diabète, hypertension artérielle, maladie métabolique ou endocrinienne notamment thyroïdienne;
  • les circonstances de survenue : traumatisme, survenue lors d'un effort physique, à la lecture ou à la fatigue;
  • le mode de survenue : brutal ou progressif ; constant ou fluctuant ; transitoire ou constant ;
  • les symptômes associés : douleurs, vertiges, céphalées, nausées ;
  • les caractères de la diplopie : horizontale, verticale, oblique, ainsi que la position du regard dans laquelle la diplopie est maximale.

B. Examen clinique

1. Examen oculomoteur

Il a pour objectif d'identifier le ou les territoires musculaires atteints. Il repose sur quatre étapes principales :

  • recherche d'une limitation de l'amplitude des mouvements oculaires (vidéo 12.1). Il peut s'agir :
    • d'une paralysie d'abduction, dans le champ d'action du muscle droit latéral,
    • d'une paralysie d'adduction, dans le champ d'action du muscle droit médial,
    • d'une paralysie d'élévation, dans le champ d'action du muscle droit supérieur ou oblique inférieur,
    • d'une paralysie d'abaissement, dans le champ d'action du muscle droit inférieur ou oblique supérieur;
  • recherche d'un ptosis et d'une paralysie de la motricité de la pupille, mydriase ou myosis.

 L'examen oculomoteur peut être complété par le test au verre rouge et/ou un test de Lancaster. Il s'agit de tests qui permettent d'évaluer plus précisément le trouble de l'alignement oculaire. Ils sont du domaine du spécialiste.

2. Examen ophtalmologique et neurologique

 Il recherchera notamment une exophtalmie, un chémosis, une dilatation des vaisseaux épiscléraux, un déficit dans le territoire du nerf trigéminal, un souffle à l'auscultation du crâne, un déficit sensitif ou moteur hémicorporel, un syndrome cérébelleux, des signes de myasthénie généralisée.

3. Diagnostic topographique

À l'issue de l'examen clinique, le raisonnement clinique doit déterminer si possible la topographie de l'atteinte : atteinte du muscle ou atteinte orbitaire, atteinte de la jonction neuromusculaire, atteinte du nerf ou atteinte centrale.
Les paralysies oculomotrices les plus fréquentes sont décrites dans l'encadré suivant.

III. Orientation diagnostique

L'orientation diagnostique repose sur les symptômes et signes éventuellement associés, les circonstances de survenue, le contexte pathologique, l'âge et le profil évolutif, et sur la détermination du ou des muscles atteints. 
Un algorithme de l'orientation diagnostique et un algorithme du bilan étiologique sont proposés (figures 12.4 et 12.5).

 

Fig. 12.4.  Orientation diagnostique d'une diplopie. 
(Source : CEN, 2019.)

 

 

Fig. 12.5.  Bilan d'une paralysie oculomotrice. 
(Source : CEN, 2019.)

A. La diplopie n'est qu'un signe parmi d'autres et/ou survient dans un contexte évocateur

1. Contexte de traumatisme

 Il peut s'agir :

  • d'un traumatisme orbitaire : les fractures du plancher de l'orbite avec incarcération du muscle droit inférieur dans le foyer de fracture sont les plus fréquentes (figure 12.6) ; dans ce cas, l'élévation du globe oculaire est douloureuse et limitée; il peut aussi s'agir d'un hématome compressif;
  • d'un traumatisme crânien sévère : atteinte uni ou bilatérale du nerf abducens, du nerf trochléaire ou du nerf oculomoteur (rare) ;
  • d'une hypertension intracrânienne associée un traumatisme crânien grave : atteinte bilatérale du nerf abducens;
  • d'un traumatisme crânien bénin, avec atteinte isolée du nerf trochléaire sans autre complication neurologique.

2. Signes neurologiques associés

  •  Une diplopie par paralysie du nerf abducens ou du nerf oculomoteur dans leur trajet fasciculaire (dans le tronc cérébral) associé dans le cadre d'un syndrome alterne à une atteinte des voies longues (déficit moteur et/ou sensitif hémicorporel, syndrome cérébelleux) traduit une atteinte du tronc cérébral (cf. chapitre 4, item 91, pour l'orientation du diagnostic). Les causes les plus fréquentes sont vasculaires, tumorales ou inflammatoires (sclérose en plaques). Dans le cas d'une installation aiguë suggestive d'une étiologie vasculaire, une prise en charge de type accident vasculaire constiué doit être organisée, notamment une mutation en unité neurovasculaire si les délais de la thrombolyse/thrombectomie sont respectés (cf. chapitre 28, item 341).  Dans tous les cas, une IRM urgente est indispensable car plus performante que le scanner cérébral pour mettre en évidence une lésion au niveau du tronc cérébral.
  • Une diplopie en lien avec une paralysie des nerfs abducens, associée à des céphalées, des nausées et un œdème papillaire évoque une hypertension intracrânienne (cf. chapitre 9, item 100). Une IRM encéphalique urgente est indispensable pour éliminer notamment une tumeur cérébrale ou une thrombophlébite cérébrale.
  •  Une diplopie associée à un tableau de céphalées violentes et syndrome méningé non fébrile doit évoquer une hémorragie méningée (cf. chapitre 29, item 337) par rupture anévrismale ou une apoplexie pituitaire (cf. item 244 – Adénome hypophysaire). L'imagerie faite en extrême urgence permet le diagnostic en montrant soit le saignement dans les espaces sous-arachnoïdiens (scanner),  soit un adénome en voie de nécrose ou d'hémorragie (mieux visible sur une IRM T1 en coupe sagittale ou coronale).
  • Une diplopie par atteinte oculomotrice multiple bilatérale, non systématisée associée à une ataxie sensorielle avec abolition des réflexes tendineux évoque un syndrome de Miller-Fisher (forme de polyradiculonévrite aiguë avec ophtalmoplégie).
  • Une diplopie par atteinte du ou des nerfs abducens et une ataxie cérébelleuse évoque une encéphalopathie de Gayet-Wernicke (cf. chapitre 1, item 76). La supplémentation vitaminique (B1) est urgente.
  •  Une diplopie fluctuante non systématisée associée à un déficit proximal des membres et/ ou à des signes bulbaires évoque une myasthénie généralisée (cf. chapitre 8, item 98).

 

Fig. 12.6.  Fracture du plancher de l'orbite.
Le scanner cérébral montre une fracture du plancher de l'orbite droite, avec incarcération du muscle droit inférieur.
(Source : CEN, 2019.)

3. Syndrome orbitaire

 Un syndrome orbitaire est marqué par une exophtalmie et un chémosis. Quand la diplopie est associée à un syndrome orbitaire, elle doit faire évoquer :

  • une orbitopathie de Basedow ou dysthyroïdienne (figure 12.7) (cf. item 242 – Hyperthyroïdie). Le tableau est souvent bilatéral et s'accompagne le plus souvent d'une rétraction palpébrale. Le scanner ou l'IRM montre une augmentation de volume des muscles orbitaires. Le diagnostic repose sur le bilan thyroïdien et surtout la présence d'autoanticorps anti-récepteurs à la TSH;
  • une fistule carotido-caverneuse (figure 12.8). Elle correspond à une communication anormale entre le système artériel et veineux au niveau du sinus caverneux. Elle se manifeste par une exophtalmie unilatérale pulsatile douloureuse, s'accompagnant d'un souffle perçu par le malade et retrouvé à l'auscultation de l'orbite et du crâne, une vasodilatation conjonctivale particulière, «en tête de méduse». Le diagnostic repose sur le scanner ou l'IRM cérébraux démontrant une dilatation de la veine sus-orbitaire. Il doit être confirmé par une artériographie cérébrale;
  • une tumeur de l'orbite. Elle se manifeste par une diplopie d'installation progressive et sera visualisée par l'imagerie (scanner ou IRM) centrée sur les orbites.

Fig. 12.7.  Orbitopathie dysthyroïdienne.
La patiente présente une exophtalmie bilatérale avec rétraction des paupières supérieures. Le scanner en coupe coronale montre un épaississement des muscles extraoculaires, notamment des droits inférieurs.
(Source : CEN, 2019.)

Fig. 12.8.  Fistule carotidocaverneuse.
A. Photographies de deux patients présentant un chémosis, une exophtalmie et une vasodilatation conjonctivale en « tête de méduse » de l'œil gauche (patient 1) ou droit (patient 2). B. Aspect de l'angio-IRM démontrant une dilatation de la veine sus-orbitaire, ici de l'orbite gauche (patient 1). C. Aspect artériographique démontrant la veine sus-orbitaire au temps artériel (patient 1).
(Source : CEN, 2019.)

4. Éruption cutanée

Une éruption cutanée dans le territoire du trijumeau ipsilatéral à l'atteinte d'un nerf oculomoteur doit faire évoquer une complication locale d'un zona ophtalmique.
Un placard érythémateux sur le corps et/ou la notion de morsure de tique dans les jours ou semaines précédant une atteinte d'un nerf oculomoteur doit faire évoquer une méningoradiculite de Lyme.

B. Paralysie du nerf oculomoteur (III)

1. Examen clinique

 La paralysie du nerf oculomoteur (III) (vidéo 12.3) peut provoquer du côté pathologique :

  • une atteinte extrinsèque marquée par un ptosis, une divergence avec une paralysie de l'adduction, de l'élévation et de l'abaissement de l'œil ;
  • une atteinte intrinsèque avec une mydriase aréactive à la lumière.

Il est indispensable de spécifier cliniquement si la paralysie du nerf oculomoteur est totale, intrinsèque et extrinsèque (vidéo 12.3), ou purement extrinsèque.

2. Étiologie

  • Devant une paralysie intrinsèque et extrinsèque douloureuse, un anévrisme intracrânien, notamment de la communicante postérieure ou supraclinoïdien, doit être évoqué en extrême urgence. La paralysie est annonciatrice d'une fissuration de l'anévrisme avec un risque d'hémorragie sous-arachnoïdienne imminent (cf. chapitre 28, item 341).
  • Le patient doit être adressé en extrême urgence en service de neurochirurgie, sans attendre la réalisation d'un angioscanner ou d'une angio-IRM confirmant la présence de cet anévrisme.
  •  Une artériographie est réalisée (figure 12.9) et le traitement endovasculaire doit être réalisé au plus tôt, dans les heures qui suivent le diagnostic.
  • Devant une paralysie extrinsèque avec préservation de la pupille, douloureuse ou non, les étiologies à évoquer dépendent de l'âge.
a. Au-delà de 50 ans

L'étiologie vasculaire ischémique du tronc nerveux prévaut. Il peut s'agir d'une atteinte microangiopathique chez un patient diabétique et/ou hypertendu ou une maladie de Horton.
La maladie de Horton est évoquée devant l'association à des céphalées fronto-orbitaires, une altération de l'état général, une induration de l'artère temporale avec disparition du pouls, des signes généraux de maladie de Horton. Il s'agit dans les deux cas d'une urgence diagnostique, nécessitant l'obtention immédiate d'une NFS-plaquettes, d'une glycémie, d'une hémoglobine glyquée, d'une VS-CRP. Une maladie de Horton doit être traitée immédiatement par corticoïdes, dans l'attente de la réalisation de la biopsie d'artère temporale. Une IRM semi-urgente sera le plus souvent nécessaire pour éliminer les diagnostics différentiels.

Fig. 12.9.  Anévrisme supraclinoïdien responsable d'une paralysie aiguë douloureuse intrinsèque et extrinsèque du III gauche (vidéo 12.3).
(Source : CEN, 2019.)

C. Paralysie oculomotrice isolée, non systématisée, intermittente ou fluctuante : myasthénie

 Une diplopie avec ou sans ptosis, apparaissant à l'effort et disparaissant au repos, sans douleurs ni mydriase, de systématisation difficile, doit faire évoquer une myasthénie oculaire pure (cf. chapitre 8, item 98).

D. Diplopie aiguë inaugurale et transitoire

C'est la situation clinique la plus difficile.

Elle peut correspondre à une myasthénie ou à une décompensation d'un strabisme ancien. Cependant, toute diplopie aiguë transitoire inaugurale même isolée doit d'abord faire évoquer un accident ischémique transitoire (AIT) du territoire vertébrobasilaire, même si la diplopie n'est pas classée dans les symptômes typiques des AIT (cf. chapitre 27, item 340).  Les diplopies vasculaires sont de survenue brutale, durent quelques minutes, au maximum 1 heure, et sont généralement associées à d'autres symptômes neurologiques de souffrance du territoire vertébrobasilaire comme une hémianopsie, des paresthésies, une ataxie, une dysarthrie, un vertige, un déficit moteur hémicorporel. Dans de rares cas, la diplopie peut être le seul symptôme. L'examen clinique est généralement normal. Dans ce cas, en l'absence de pathologie évidente, la suspicion d'un AIT justifie une prise en charge en urgence en raison du risque d'infarctus vertébrobasilaire : IRM encéphalique à la recherche d'un infarctus, explorations des troncs supra-aortiques et du polygone de Willis pour éliminer une sténose ou une occlusion de l'artère vertébrale ou du tronc basilaire et ECG pour dépister une fibrillation auriculaire, bilan à la recherche d'une maladie de Horton...

E. Paralysie oculomotrice totalement isolée

 Il n'y a ni circonstances de survenue particulières, ni signes neurologiques associés, ni douleur, ni fluctuation. Le champ des hypothèses diagnostiques est très large, les examens complémentaires nécessairement assez nombreux, et, dans certains cas, il n'est pas possible de poser un diagnostic, malgré une enquête approfondie.
Les causes les plus fréquentes sont :

  • devant une ophtalmoplégie internucléaire (cf. encadré «Paralysies oculomotrices les plus fréquentes») :
    • un infarctus cérébral (lacune) du tronc cérébral, en présence de facteurs de risque vasculaire et au-delà de 50 ans,
    • une sclérose en plaques avant 40 ans (cf. chapitre 14, item 104) ;
  •  devant toute autre présentation :
    • une tumeur, à tout âge,
    • une myasthénie, toujours à évoquer de principe, même en l'absence de fluctuations,
    • un diabète, où la composante douloureuse peut être absente ; il peut être responsable d'une paralysie du III, du IV ou du VI ;
  • parfois il n'y a pas de cause trouvée.

Compléments en ligne

Des compléments numériques sont associés à cet ouvrage. Ils sont indiqués dans la marge par un pictogramme qui renvoient vers les vidéos ou enregistrements sonores.
Pour accéder à ces compléments, connectez-vous sur www.em-consulte.com/complement/ 477437 et suivez les instructions pour activer votre accès.

Vidéo 12.1. Examen des amplitudes oculomotrices. Patient présentant une diplopie horizontale.
L'examen de la motilité oculaire met en évidence une franche limitation d'abduction de l'œil droit et un ptosis droit.

Vidéo 12.2. Examen sous écran. Patient présentant une diplopie horizontale. 
L'examen de la motilité oculaire ne met pas en évidence de limitation oculaire. L'examen sous écran montre une déviation de l'œil droit en dedans se manifestant par une reprise de fixation en dehors, témoignant d'un déficit discret d'abduction de l'œil droit.

Vidéo 12.3. Paralysie complète intrinsèque et extrinsèque du III gauche.
La patiente présente un ptosis, un strabisme externe, une paralysie d'adduction, d'élévation et d'abaissement ainsi qu'une mydriase non réactive à la lumière. Cette patiente présentait un anévrisme supraclinoïden gauche (fig. 12.9).

Vidéo 12.4. Ophtalmoplégie internucléaire gauche.
Le patient présente une paralysie d'adduction de l'œil gauche dans le regard à droite, avec un nystagmus de 'œil droit (abducteur). L'adduction de l'œil gauche est cependant préservée en convergence, témoignant de l'atteinte centrale internucléaire.