Objectif pédagogique

  • Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les examens complémentaires pertinents.
  • Connaître les grands principes de prise en charge.

Hiérarchisation des connaissances

 

I. Anatomie, fonctions et examen clinique du nerf facial

 Le nerf facial, ou VIIe paire crânienne, est formé de deux racines :

  • la principale, le VII proprement dit, est motrice ;
  • l'accessoire est sensitive, sensorielle et sécrétoire. Il s'agit du VII bis ou nerf intermédiaire de Wrisberg.

L'anatomie fonctionnelle du nerf facial est présentée ici de manière schématique (figure 11.1).

 Le nerf facial présente tout à la fois des fonctions motrice, végétative, sensitive, et sensorielle :

  • sa principale fonction est d'assurer l'innervation motrice de tous les muscles peauciers de la face et du cou. Il innerve également le muscle stapédien de l'oreille moyenne ;
  • la fonction végétative est sécrétoire (glandes lacrymales et salivaires) et passe par le nerf grand pétreux et la corde du tympan ;
  • la fonction sensitive est limitée à la peau de la conque de l'oreille, et s'exerce via le nerf intermédiaire ;
  • la fonction sensorielle est gustative : toujours via le nerf intermédiaire, le nerf facial assure la sensation du goût des deux tiers antérieurs de la langue.

L'examen clinique consiste essentiellement à rechercher une asymétrie de la face au repos et lors de la mimique spontanée, puis à la réalisation de certains gestes sur ordre :

  • facial supérieur : hausser et froncer les sourcils (plissement du front), fermer les yeux contre résistance ;
  • facial inférieur : découvrir les dents, gonfler les joues.

 Il faut noter qu'une asymétrie du visage est fréquente indépendamment de tout déficit moteur, que l'asymétrie soit constitutionnelle ou acquise (par exemple, secondaire au port d'un dentier chez une personne âgée). La comparaison avec une photo préalable peut s'avérer utile. L'examen du nerf intermédiaire amène à tester :

  • la symétrie des sécrétions lacrymales et salivaires ;
  • le goût des deux tiers antérieurs de la langue par l'application de solutions sucrées, salées, acides, amères;
  • la sensibilité de la zone de Ramsay-Hunt.

Figure 11.1.  Anatomie fonctionnelle du nerf facial
Source : Illustration de Cyrille Martinet et figure b issue de : Hitier M., Edy E., Salame E., Moreau S. «Anatomie du nerf facial ». Oto-rhino-laryngologie. EMC. 2006 : 1–16 [Article 20-258-A-10]. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

II. Diagnostic d'une paralysie faciale

A. Paralysie faciale centrale

  • Elle prédomine nettement sur la partie inférieure du visage, en raison de la projection bilatérale du premier neurone (operculaire) sur les noyaux du facial supérieur situés dans le pont (ou protubérance). Ainsi, on observe :
    • un effacement du pli nasogénien avec chute de la commissure labiale ;
    • une impossibilité de siffler ou de gonfler les joues ;
    • une attraction de la bouche du côté sain lors du sourire ;
    • une discrète atteinte de la partie supérieure du visage est possible.
  • Elle est le plus souvent associée à un déficit moteur de l'hémicorps homolatéral (participation à une hémiparésie/hémiplégie, qui peut être ou non à prédominance brachiofaciale).
  • Elle comporte typiquement une dissociation automatico-volontaire : l'asymétrie est plus marquée lors des mouvements volontaires exécutés sur consigne que lors des mouvements automatiques (mimiques spontanées, rires). Dans les paralysies discrètes, ce signe revêt une importance particulière (vidéo 11.1). Parfois, cette dissociation est inversée.

B. Paralysie faciale périphérique

(Vidéo 11.2)

À la différence du déficit facial central :

  • la paralysie faciale périphérique touche de façon équivalente les parties supérieure et inférieure du visage : les signes décrits ci-dessus s'associent à une fermeture incomplète de l'œil, découvrant la bascule du globe oculaire vers le haut (signe de Charles Bell) et à un effacement des rides du front. La sévérité de l'atteinte motrice peut être évaluée en utilisant l'échelle de House et Brackmann (grade I à grade VI) ;
  • il n'y a pas de dissociation automatico-volontaire.

D'autres symptômes et signes sont observés :

  • élocution labiale gênée et mastication imparfaite;
  • dans les formes frustes, cils plus apparents et plus longs du côté paralysé que du côté sain à l'occlusion forcée des yeux (signe des cils de Souques) ;
  • réflexe cornéen aboli (atteinte du muscle orbiculaire innervé par le VII), bien que la sensibilité de la cornée soit préservée (nerf trijumeau intact) ;
  • abolition du réflexe naso-palpébral et du clignement à la menace ;
  • hypoesthésie cutanée dans la zone de Ramsay-Hunt (conque de l'oreille, conduit auditif externe) ;
  • hyperacousie douloureuse par atteinte du muscle stapédien ;
  • agueusie des deux tiers antérieurs de l'hémilangue ;
  • tarissement des sécrétions lacrymales (test de Schirmer).

L'examen des muscles faciaux innervés par d'autres nerfs crâniens est normal :

  • masticateurs (masséter, temporal, ptérygoïdien) innervés par le trijumeau (V) ;
  • muscles du pharynx et du voile du palais, qui dépendent des nerfs glossopharyngien (IX) et vague (X);
  • motricité linguale, qui dépend du nerf grand hypoglosse (XII).

En cas de paralysie faciale bilatérale (diplégie faciale) :

  • le visage est atone, inexpressif;
  • le signe de Charles Bell est bilatéral ;
  • les troubles de l'élocution et de la mastication sont importants.

III. Principales causes de paralysie faciale périphérique

A. Paralysie faciale a frigore

  • Il s'agit, de très loin, du diagnostic le plus fréquent. Il s'agit cependant d'un diagnostic d'élimination, qu'on retiendra seulement après un bilan étiologique minimal. En effet, environ 10 % des paralysies faciales périphériques d'allure idiopathique sont en fait d'origine tumorale.
  • Le tableau clinique typique associe :
    • un mode d'installation caractéristique : souvent le matin au réveil ou après une exposition au froid (voyage), d'emblée maximale ou progressant sur quelques heures ;
    • les symptômes associés lors de l'installation : douleurs rétroauriculaires fréquentes dans les heures précédentes, parfois hyperacousie. Dans environ un tiers des cas, le malade signale une sensation d'engourdissement de la face ;
    • le caractère massif et isolé de l'atteinte faciale : l'examen clinique des autres nerfs crâniens, en particulier, est strictement normal.
  •  Elle serait liée à une neuropathie œdémateuse (nerf comprimé au niveau de sa troisième portion intrapétreuse), en lien avec un processus inflammatoire ou viral.

B. Autres causes

Elles sont nettement moins fréquentes. Certaines sont évidentes en raison des signes associés ou du contexte de survenue.

1. Traumatisme crânien

  • La paralysie faciale est immédiate (section-compression ou embrochage du nerf) ou différée (compression par œdème post-traumatique).
  • Examens systématiques :
    • scanner des rochers : recherche d'un trait de fracture, trans-labyrinthique ou extralabyrinthique ;
    • otoscopie : recherche d'une rupture du tympan ou du conduit, d'une fuite de LCR ou d'une otorragie;
    • audiométrie tonale et vocale : recherche d'une surdité de perception, de transmission, ou d'une surdité mixte associée
  • Le traitement est le plus souvent chirurgical pour les paralysies faciales immédiates, en tenant compte de la valeur fonctionnelle de l'oreille interne (voie translabyrinthique si elle est détruite, voie transmastoïdienne et éventuellement sus-pétreuse si elle est conservée). Les corticoïdes sont proposés pour les paralysies d'apparition secondaire.

2. Diabète

  • Il s'agit de la cause métabolique de paralysie faciale la plus fréquente, laquelle révèle parfois le diabète.
  • L'atteinte du nerf facial est néanmoins plus rare que celle des nerfs oculomoteurs (VI, III).

3. Causes infectieuses

Elles sont diverses et de contexte varié :

  • éruption vésiculeuse dans la zone de Ramsay-Hunt : elle doit être recherchée systématique- ment (figure 11.2) car elle permet d'évoquer le diagnostic de zona du ganglion géniculé. La paralysie faciale est en règle massive, très douloureuse, avec une atteinte auditive et vestibulaire dans un quart des cas (syndrome de Sicard). Un traitement par antiviral par acyclovir est indiqué;
  • écoulement auriculaire ou hypertrophie de la parotide orientent vers une pathologie ORL (otite chronique cholestéatomateuse, mastoïdite, parotidite, tumeur parotidienne) ;
  • contexte fébrile et, a fortiori, syndrome méningé orientent vers une méningoradiculite, laquelle impose une étude du LCR à la recherche d'une origine bactérienne ou virale (cox- sackie, herpès, oreillons);
  • placard érythémateux sur le corps et/ou notion de morsure de tique dans les jours ou semaines précédents : l'étude du LCR s'impose également car la paralysie faciale peut être révélatrice d'une méningoradiculite de Lyme, confirmée par les sérologies ;
  • au cours de l'infection par le VIH, la paralysie faciale peut apparaître à tous les stades, en particulier lors de la séroconversion; le LCR est souvent anormal avec, en particulier, la présence de bandes oligoclonales.

4. AVC du tronc cérébral

  • L'atteinte du nerf facial est intra-axiale (c'est-à-dire au cours de son trajet dans le tronc cérébral).
  • La paralysie faciale est associée à une hémiplégie controlatérale respectant la face : syndrome alterne par atteinte du pont.

Figure 11.2.  Éruption vésiculaire du pavillon de l'oreille
Vésicules (flèches creuses) et croûte de grattage (flèche pleine). Cette éruption dans le cadre d'une paralysie faciale périphérique fait évoquer un zona du ganglion géniculé. Source : courtoisie du Dr E. Sauvaget, ORL.

5. Sclérose en plaques

  • L'atteinte du nerf facial est là encore intra-axiale.
  • La paralysie faciale est rarement inaugurale (histoire clinique d'atteinte multifocale du système nerveux central évoquant des poussées).
  • Une régression trop rapide d'une paralysie faciale considérée comme a frigore et l'apparition de myokimies faciales doivent attirer l'attention.

6. Polyradiculonévrite aiguë (syndrome de Guillain-Barré)

  • La paralysie faciale est en général au second plan du tableau clinique (dominé par les troubles sensitivo-moteurs des membres et l'aréflexie ostéotendineuse).
  • Une présentation plus sévère avec diplégie faciale plus ou moins asymétrique est possible, voire une paralysie associée du carrefour pharyngo-laryngé, laquelle impose une surveillance rapprochée.
  • Le diagnostic repose, outre la clinique, sur les résultats de la ponction lombaire (dissociation albumino-cytologique) et de l'électroneuromyogramme (atteinte démyélinisante), en sachant que les anomalies peuvent n'apparaître qu'après plusieurs jours.

7. Maladies inflammatoires générales

a. Sarcoïdose
  • La paralysie faciale est l'atteinte d'un nerf crânien la plus fréquente.
  • Elle peut inaugurer la maladie.
  • L'association à une parotidite et à une iridocyclite constitue le syndrome d'Heerfordt.
b. Syndrome de Melkerson-Rosenthal
  • Paralysie faciale récidivante.
  • Association à une infiltration cutanéomuqueuse de la face (lèvres), une langue plicaturée dite «scrotale» et des antécédents familiaux identiques.

8. Tumeurs

  • Paralysie faciale non douloureuse d'installation progressive.
  • Importance de l'atteinte associée d'un ou plusieurs nerfs crâniens ipsilatéraux (hypoesthésie cornéenne, hypoacousie) : tumeur de l'angle pontocérébelleux (neurinome de l'acoustique), gliome du tronc cérébral, métastase de la base du crâne, méningoradiculite carcinomateuse.
  • En cas de tuméfaction parotidienne, la survenue d'une paralysie faciale fait craindre la nature cancéreuse de l'atteinte glandulaire.

IV. Examens d'imagerie devant une paralysie faciale

A. En cas de paralysie faciale centrale

  • Une imagerie cérébrale s'impose dans tous les cas, que la paralysie faciale s'inscrive ou non dans un déficit hémicorporel.
  • L'IRM cérébrale, plus sensible que le scanner, est l'examen de choix. Hors contexte neuro- vasculaire aigu ou contre-indication, elle est réalisée sans et avec injection de gadolinium.

B. En cas de paralysie faciale périphérique

  • L'indication d'un examen d'imagerie dépend directement de la cause suspectée.
  • IRM cérébrale :
    • pour la confirmation d'une atteinte intra-axiale du nerf facial : sclérose en plaques, AVC du tronc cérébral;
    •  en cas d'atteinte d'autres nerfs crâniens associés : gliome du tronc, tumeur de l'angle ponto-cérébelleux, métastase de la base du crâne.
  • Scanner des rochers :
    • en contexte traumatique : fenêtres osseuses pour rechercher une fracture du rocher ;
    • en cas d'écoulement auriculaire purulent : recherche de cholestéatome ou de mastoïdite ;
    • pour préciser l'envahissement osseux dans le cadre d'une métastase de la base du crâne (injection d'iode).
  • Autre : scanner/IRM cervicaux avec injection, en cas de tuméfaction homolatérale à la paralysie faciale, à la recherche d'une parotidite ou d'une tumeur parotidienne (figure 11.3).
  • Dans un contexte de paralysie faciale supposée idiopathique, il est recommandé de réaliser une IRM avec injection de gadolinium, étudiant tout le trajet du nerf facial sans oublier la portion parotidienne, si possible au cours du premier mois. Cette IRM apporte des arguments en faveur du diagnostic positif et élimine une pathologie tumorale.

Figure 11.3.  IRM cervicale, séquence T1 avec injection de gadolinium
Tumeur parotidienne droite (flèche) compliquée d'une paralysie faciale périphérique. Source : courtoisie du Dr E. Sauvaget, ORL.

V. Principes de prise en charge et évolution d'une paralysie faciale a frigore

  • Le traitement repose sur la prescription en urgence d'une corticothérapie orale (1 mg/kg/j), pour une durée de 7 à 10 jours. Plus son instauration est précoce (72 premières heures), meilleures sont les chances de récupération complète.
  • Sous ce traitement, l'évolution est favorable dans la grande majorité des cas, surtout si la paralysie était initialement incomplète. La récupération débute 8 à 15 jours après le début, la guérison survient généralement en moins de 2 mois.
  • Le traitement comporte systématiquement la prévention des complications oculaires :
    • une kératite est prévenue par la prescription de larmes artificielles et, lorsque l'œil reste trop largement ouvert, d'un pansement occlusif la nuit ;
    • dans les formes les plus sévères, une tarsorraphie provisoire est parfois proposée.
  •   Dans 5 à 10 % des cas, la récupération est incomplète et peut laisser diverses séquelles :
    • mouvements syncinétiques résiduels (le gonflement des joues entraîne la fermeture de l'œil) ;
    • hémispasme facial post-paralytique (vidéo 11.3) :
      • plus ou moins intense, il touche à la fois le facial supérieur et inférieur, entraînant une brève contracture des paupières et de la joue,
      • son traitement repose sur des injections locales de toxine botulique ;
    • beaucoup plus rarement, un syndrome des «larmes de crocodile» peut être observé (larmoiements lors du repas), secondaire à une réinnervation aberrante au sein du nerf.
  • La persistance d'un déficit sévère au-delà de quelques semaines peut justifier la réalisation d'un électroneuromyogramme, qui permet d'apprécier l'intensité de la dénervation et de suivre l'éventuelle réinnervation. En cas de déformation persistante du visage, une intervention de chirurgie esthétique est parfois proposée (prévention de graves conséquences psychologiques et sociales).

Compléments en ligne

Des compléments numériques sont associés à cet ouvrage. Ils sont indiqués dans la marge par un pictogramme qui renvoient vers les vidéos ou enregistrements sonores.
Pour accéder à ces compléments, connectez-vous sur www.em-consulte.com/complement/477437 et suivez les instructions pour activer votre accès. 

Vidéo 11.1. Paralysie faciale centrale gauche.

Paralysie faciale gauche modérée, dans le cadre une hémiparésie d'origine vasculaire. L'atteinte concerne aussi le facial supérieur, à un moindre degré que l'inférieur). Noter la dissociation automatico-volontaire à la mobilisation de la bouche. Source :

Vidéo 11.2. Paralysie faciale périphérique droite.

L'atteinte du facial supérieur est responsable d'une plus grande ouverture de l'œil droit comparé au gauche et d'une atténuation des rides du front à droite. Source :

Vidéo 11.3. Hémispasme facial gauche.

Noter, en plus des spasmes intermittents, la moindre contraction aux mouvements de l'hémiface gauche, séquelle d'une paralysie faciale périphérique. (Source : vidéothèque du Collège des Enseignants de Neurologie, www.cen-neurologie.fr)