Ce chapitre reprend en les groupant certains éléments déjà exposés séparément dans les chapitres précédents.


I. Les ataxies

1. Définition

L'équilibre est la faculté qu'a l'être humain de se maintenir en station verticale. La coordination est l'harmonie des gestes qui permet la réalisation d'actes précis et adaptés à un but.

Une ataxie (étymologiquement absence d'ordre) est une perturbation de l'équilibre et de la coordination motrice.

Une ataxie doit être distinguée:

  • d'un déficit moteur, paralysie ou parésie : c'est ainsi, par exemple, qu'un patient ayant une hémiparésie droite aura des difficultés à exécuter les gestes volontaires avec son membre supérieur droit sans pour autant qu'il s'agisse d'une ataxie.
  • d'une apraxie, c'est-à-dire une perturbation du schéma moteur où s'inscrivent les gestes : les séquences gestuelles sont alors correctement coordonnées, mais elles ne peuvent s'associer vers le but choisi.
  • des perturbations du geste volontaire en rapport avec des mouvements anormaux (tremblements, mouvements choréiques, etc.).

On distingue :

  • l'ataxie statique : lorsque la station debout est altérée
  • l'ataxie locomotrice se traduit par un trouble de la marche
  • l'ataxie kinétique ou cinétique lors du geste volontaire (voir le chapitre Examen neurologique pour les modalités d'examen de la marche, de la station debout et de la coordination motrice).

2. Les principaux types d'ataxies

A. Les ataxies cérébelleuses :

elles s'observent dans les atteintes du cervelet et des voies cérébelleuses. Pour les autres signes cérébelleux, voir le chapitre Syndrome cérébelleux)

Ataxie statique

  • Augmentation du polygone de sustentation : le patient est incapable de tenir les pieds joints (et à plus forte raison sur une jambe) et il doit écarter les pieds
  • Oscillations autour de la position d'équilibre se traduisant à l'inspection des pieds par le phénomène de danse des tendons des muscles tibiaux (jambiers) antérieurs.
  • Pas d'aggravation sensible lors de la fermeture des yeux (pas de signe de Romberg)

Ataxie locomotrice :

démarche ébrieuse, c'est-à-dire ressemblant à celle d'un individu ivre ; la démarche est irrégulière, saccadée, s'écartant de part et d'autre de la ligne droite, avec augmentation du polygone de sustentation.
Marche cérébelleuse

Ataxie cinétique

  • hypermétrie (le geste dépasse son but), ou dysmétrie (le geste manque son but)
  • asynergie, dysgraphie et dysarthrie (voir le chapitre Syndrome cérébelleux)

B. Les ataxies labyrinthiques ou vestibulaires :

elles s'observent dans les atteintes des noyaux vestibulaires ou du nerf vestibulaire. Pour les autres signes vestibulaires, voir le chapitre Syndrome vestibulaire )

Ataxie statique

On observe une tendance à la chute le plus souvent latéralisée (vers la droite ou vers la gauche, ou en avant, ou en arrière). Cette tendance à la chute est très aggravée lors de la fermeture des yeux, ce qui constitue le signe de Romberg labyrinthique. Indépendamment de cette ataxie statique, lorsque l'on demande au patient de tendre les bras en avant les yeux fermés, on peut observer une déviation des index, lente et retardée le plus souvent, soit vers la droite, soit vers la gauche.

Ataxie locomotrice

Tendance à la déviation lors de la marche soit vers la droite, soit vers la gauche, que le patient peut corriger dans une certaine mesure, la démarche devenant alors festonnante. L'ataxie locomotrice est là encore très aggravée par la fermeture des yeux.

Il n'y a pas d'ataxie cinétique vestibulaire

C. Les ataxies sensitives :

par atteinte des voies proprioceptives conscientes. Pour les autres signes senstifs profonds (proprioceptifs) (voir le chapitre Syndromes sensitifs).

Ataxie statique

  • Mauvaise perception du sol
  • Peu d'oscillations autour de la position d'équilibre. Pas de danse des tendons
  • Chute brutale immédiate non latéralisée lors de la fermeture des yeux (signe de Romberg proprioceptif)

Ataxie locomotrice

  • Démarche talonnante : le malade lance brusquement la jambe et pose le pied par le talon (il « ne sait plus » où se situe son pied dans l'espace par rapport au sol)
    Marche proprioceptive 
  • Aggravation des troubles de la marche lors de l'occlusion des yeux et dans l'obscurité

Ataxie cinétique

  • Oscillations avec rattrapage lors du maintien des attitudes
  • Brusquerie du geste volontaire lors des épreuves doigt-nez, talon-genou ; mauvaise direction du geste compensée par des manoeuvres de rattrapage (sous contrôle de la vue)
  • Aggravation de la dysmétrie lors de la fermeture des yeux.
  • La « main instable ataxique » est pseudo athétosique : les doigts sont animés de mouvements reptatoires, aggravés par l'occlusion des yeux, mais disparaissant ou très atténués lorsque la main repose sur un plan (qui supprime la pesanteur)

D. Les ataxies frontales :

par atteinte des régions préfrontales, bilatérales, corticales ou sous-corticales. Pour les autres signes frontaux, voir le chapitre Sémiologie des fonctions cognitives et Syndromes hémisphériques).

Ataxie statique

Tendance à la chute en arrière (rétropulsion), habituellement aggravée par la fermeture des yeux, spontanée ou provoquée (pulsions antéro postérieures)
Cette rétropulsion peut se manifester dès la position assise.

Ataxie locomotrice :

  • La marche est hésitante, incoordonnée, se faisant les pieds collés au sol ou comme si le patient marchait dans un marécage ; ces troubles sont parfois appelés apraxie de la marche. La démarche est habituellement très améliorée par le simple accompagnement sans soutien du malade.
  • Au maximum, on peut observer une véritable astasie abasie, c'est-à-dire qu'en l'absence de tout déficit moteur, le patient est incapable de se tenir debout et de marcher.

Il n'y a pas d'ataxie cinétique frontale

II. Troubles de la marche

Ceux relevant d'une ataxie proprement dit viennent d'être étudiés, mais il en est d'autres. Les troubles de la marche et de l'équilibre constituent l'un des motifs de consultation ou d'hospitalisation les plus fréquents, notamment chez le sujet âgé.

Le diagnostic des troubles de la marche et de l'équilibre est souvent assez difficile : ils sont d'une extrême variété, en raison du fait que presque toutes les structures du système nerveux central ou périphérique sont impliquées dans la réalisation d'une marche normale. En effet, une marche normale implique l'intégrité du lobe frontal, des cortex sensorimoteurs primaires, des voies visuelles, des noyaux gris centraux, du cervelet, des structures vestibulaires, des grandes voies motrices et sensitives, des structures neuromusculaires.

En outre, une marche normale suppose l'intégrité de l'appareil locomoteur, en particulier les articulations de la hanche et du genou, du pied, et aussi de la peau.

Aussi, dans le diagnostic d'un trouble de la marche, l'entretien avec le patient et l'interrogatoire constitueront un temps précieux, irremplaçable, aussi important et parfois plus que l'examen de la marche lui-même. On recueillera plus particulièrement la qualité de la plainte, son contexte pathologique, les symptômes associés, l'allure évolutive, etc.

L'examen clinique ne saurait se limiter à l'examen neurologique : il doit également prendre en compte l'examen de l'appareil vasculaire et locomoteur. L'examen neurologique, sur un malade allongé, va, comme d'habitude, conforter l'hypothèse diagnostique formulée lors de l'examen de la marche, ou orienter vers une autre hypothèse.

1 – Démarche spastique

A. La démarche « en fauchant » de l'hémiplégique

Démarche spastique en fauchant 

Elle est caractéristique, le membre inférieur en extension décrivant à chaque pas un arc de cercle plus ou moins évident, mais dans tous les cas, la pointe du pied et son bord externe viennent racler le sol.

B. La démarche paraparétique

Marche spastique 

C'est une démarche en fauchant bilatérale. Elle est enraidie, lente, les membres inférieurs en extension et frottant le sol par leur pointe et leur bord externe.

2 – Démarches à petits pas

A. Démarche parkinsonienne

Marche parkinsionenne 

Dans les formes typiques, relativement évoluées, le diagnostic est évident : démarrage lent, parfois bégayant (« enrayage cinétique ») avec piétinements sur place. Une fois initiée, la marche s'effectue de façon soudée, à petits pas lents et traînants, le tronc antéfléchi, et le ballant automatique d'un ou des deux bras a disparu.
Dans les formes toutes débutantes, la marche peut être normale, à l'exception du ballant automatique d'un bras.

B. Démarche lacunaire

Marche lacunaire

Elle est peu différente de la précédente, mais s'en distingue par la conservation du ballant automatique des bras, et bien sûr par les signes neurologiques associés (syndrome pyramidal, psuedo-bulbaire).

C. Troubles de la marche d'origine frontale

Ils peuvent comporter également une marche à petits pas, mais de façon plus caractéristique, les pieds sont comme collés au sol, tout se passant comme si le patient ne savait plus marcher. On parle parfois d'apraxie de la marche. Le terme d'astasie-abasie trépidante est parfois utilisé, désignant l'impossibilité de mettre un pied devant l'autre, avec, très fréquemment dans ces atteintes frontales, des rétropulsions.
Ce trouble de la marche d'origine frontale peut s'observer dans de très nombreuses situations pathologiques, concernant soit le lobe frontal lui-même, soit les fibres qui en sont issues, à la profondeur du cerveau, notamment autour des cornes frontales dans la substance blanche.

D. Marche sénile

C'est également une marche à petits pas, précautionneuse, mais là aussi avec conservation du ballant automatique des bras. Il peut y avoir une tendance aux rétropulsions ou un mauvais contrôle postural lors des poussées antéro-postérieures qu'exerce l'examinateur sur le tronc du malade.
Chez le sujet âgé, les troubles de la marche sont souvent plurifactoriels : vieillissement du système nerveux central, mais aussi composante phobique (peur de tomber), déficit multi-sensoriel (cataracte en particulier) et lésions arthrosiques multiples (hanche, genou).

3 - Démarche en steppant

Marche en steppant 

Uni ou bilatérale, elle est caractéristique avec un genou levé trop haut à chaque pas pour éviter que la pointe du pied ne heurte le sol. Elle résulte d'un déficit des releveurs d'un ou des deux pieds. Bilatérale, elle est très caractéristique d'une polynévrite, mais peut par exemple résulter d'une atteinte des deux troncs du nerf fibulaire, et peut s'observer au cours de certaines myopathies.

4 – Démarche myopathique

Marche myopathique 

De façon caractéristique, elle est dite dandinante, « en canard », avec bascule du bassin d'un côté et de l'autre à chaque pas, par déficit des muscles moyens fessiers.

5 – Démarches ataxiques, ataxies locomotrices (voir supra)

  • A. Démarche cérébelleuse
  • B. Démarche vestibulaire
  • C. Démarche proprioceptive,
  • D. Marche frontale

6– La démarche peut être parasitée par de nombreux types de mouvements involontaires

Ainsi peut-on décrire une démarche dystonique, lorsque la dystonie touche un ou les deux membres inférieurs, une démarche choréique, les mouvements de contorsion de la chorée parasitant la marche et pouvant entraîner des chutes.

Marche choréique 

 Il en va de même des dyskinésies, des myoclonies, etc.

7 – Les démarches somatomorphes

(voir le chapitre Troubles somatomorphes)

Elles ne sont pas exceptionnelles, et échappent à toute description type.

Marche somatomorphe (hystérique) 

Elles prennent parfois un tour grotesque, s'accompagnent de rétropulsions très spectaculaires, théâtrales. En dehors de ce fait, et en dehors aussi du fait qu'elles ne ressemblent à aucune des démarches pathologiques « organiques » connues, leur diagnostic est largement aidé par le contexte psychologique ou biographique.

8 - Les démarches complexes

Il est impossible de décrire toutes les démarches neurologiques complexes qui empruntent à plusieurs syndromes. Citons par exemple la démarche cérébello-spastique ou encore cérébello-spastique et proprioceptive.
Il n'est pas rare en pratique courante de ne pas être capable, au seul examen de la marche, d'évoquer un diagnostic. C'est alors que l'examen neurologique prend tout son intérêt, sur le malade allongé. C'est alors aussi que l'hypothèse d'une affection non neurologique doit être évoquée, en particulier une cause rhumatologique : coxarthrose, gonarthrose, toute pathologie du pied qui peut être douloureuse et engendrer une marche avec esquive douloureuse au point d'appui.

III. Dysarthries

On appelle dysarthrie un trouble de l'articulation de la parole, qui doit être distingué de l'aphasie (trouble du langage).

Il existe trois grands types de dysarthrie : paralytique, parkinsonienne, cérébelleuse.

1. La dysarthrie paralytique

Elle est caractérisée par un nasonnement de la voix (traduisant la paralysie du voile du palais, qui ne joue plus son rôle d'occlusion des fosses nasales), qui est en outre lente et empâtée. Elle est habituellement associée à des troubles de la déglutition.

La paralysie peut être due à une atteinte

2. Dysarthrie parkinsonienne

L'élocution est monotone (sans prosodie), lente (bradyphémie), avec hypophonie.

Il existe parfois une palilalie (répétition d'items) ou une tachyphémie paradoxale.

3. Dysarthrie cérébelleuse

Elle est typiquement scandée et explosive, reflet de l'incoordination des muscles phonatoires.