Les fonctions cognitives (intellectuelles, parfois encore dites « supérieures ») recouvrent :

  • la mémoire
  • les fonctions instrumentales
  • les fonctions exécutives et l'attention.

Les fonctions instrumentales regroupent :

  • le langage (communication : expression et compréhension)
  • les gestes et le schéma corporel
  • les capacités visuo-spatiales (espace, personnes, etc.)
  • le calcul

Les fonctions exécutives et l'attention exercent des fonctions de contrôle et permettent l'exécution

  • d'actions
  • de résolutions de problèmes
  • de planification
  • d'inhibition d'activités routinières
  • d'anticipation
  • de raisonnement
  • de prise de décision.

Ces fonctions sont sous-tendues par les structures corticales (néocortex associatif notamment), des structures sous-corticales (striatum, thalamus) et requièrent un transfert inter-hémisphérique efficient via le corps calleux.
Elles peuvent être altérées soit de façon sélective soit de façon globale au cours des syndromes confusionnels et démentiels (perturbations globales des fonctions cérébrales) qui sont traités dans un chapitre spécifique.
L'examen des fonctions cognitives nécessite plus que toute autre étape de l'examen neurologique, une bonne coopération du patient. Cela implique que la vigilance soit normale, qu'il n'y ait pas de confusion, que la compréhension orale ne soit pas trop perturbée et que le sujet soit rassuré quant au fait d'être « testé ».

Seront étudiées successivement :

  • Les troubles du langage : aphasies
  • Les troubles du geste (apraxies) et des identifications perceptives (agnosies)
  • Les troubles des fonctions exécutives et de l'attention
  • Les troubles de la mémoire

I - Aphasies

1. Définition

Les aphasies désignent des troubles du langage pouvant intéresser aussi bien son pôle expressif que son pôle réceptif, ses aspects parlés que ses aspects écrits, et en rapport avec une atteinte des aires cérébrales spécialisées dans les fonctions linguistiques.
Ainsi définies, les aphasies sont à distinguer :

  • des défauts d'acquisition du langage de l'enfant (retard de langage accompagnant les déficits mentaux, retard simple de langage, dysphasie et dyslexie développementales)
  • des perturbations du langage s'inscrivant dans une désorganisation globale du fonctionnement cérébral ( confusion mentale )
  • des dysphonies ou anomalies de la voix, résultant de lésions des organes phonatoires (laryngite, paralysie d'une corde vocale)
  • des dysarthries qui sont des perturbations de l'élocution liées à de lésions motrices du système nerveux central (dysarthrie paralytique, dysarthrie cérébelleuse, dysarthrie parkinsonienne, paralysie faciale)
  • des troubles du discours des psychotiques (schizophasie).

2. Anatomie fonctionnelle des zones du language

A. Les zones instrumentales du langage

  • Elle sont situées dans l'hémisphère gauche du droitier (hémisphère droit du gaucher).
  • Le pôle expressif, ou aire de Broca, est situé dans le pied de la troisième frontale (pied de F3). Elle est donc située immédiatement en avant du pied du gyrus précentral ou opercule rolandique, qui commande l'appareil phono-articulatoire.
  • Le pôle réceptif, ou aire de Wernicke, est situé dans la partie postérieure de la première circonvolution temporale (T1) et la partie adjacente du lobe pariétal (gyrus supramarginal et pli courbe). Elle est immédiatement en arrière et en bas du cortex auditif primaire.
 

semiologie-des-fonctions-cognitives-1

 

Face externe de l'hémisphère gauche : zones instrumentales du langage
1.Aire de Broca 2. Aire de Wernicke. Connexions 3. Opercule rolandique 4. Cortex auditif. 5. Cortex associatif pariétal (gyrus angulaire)

Sémiologie des fonctions cognitives 2

 

B. Les connexions

  • L'aire de Broca et l'aire de Wernicke sont connectées entre elles par le faisceau arqué
  • Elles sont connectées avec les récepteurs et effecteurs primaires (opercule et cortex auditif)
  • Elles sont connectées avec les zones associatives antérieures (lobe frontal) et postérieures (carrefour pariéto-occipital : gyrus angulaire, gyrus supra-marginal)
  • Elles sont également connectées avec le thalamus.

3. Examen d'un malade aphasique

L'examen d'un aphasique permet d'explorer les différents aspects du langage pathologique :

  • Troubles de l'expression et troubles de la compréhension, orales et écrites.
  • Troubles du langage oral et du langage écrit.

A. Expression orale

Le premier point de tout examen du langage consiste à noter si l'aphasie est fluente (débit conservé) ou non fluente (débit réduit).
L'expression orale est évaluée durant l' entretien , mais surtout lors des épreuves de dénomination d'objets usuels présentés visuellement. Il peut s'agir d'objets concrets (Ex: stylo, ciseaux, montre, crayon, lunette, etc.) ou d'images d'objets.
La dénomination recherche une anomie (manque du mot, constant dans toute aphasie), avec production ou non de paraphasies (phonémiques : château au lieu de chameau, sémantiques : cheval au lieu de chameau) ou de néologismes .
On peut également examiner :

  • le langage automatique (mois de l'année, jours de la semaine)
  • le langage répété (répétition de mots simples puis de phrases)
  • le langage élaboré : définition des mots, explication de proverbes, construction de phrases, ce qui permet de vérifier le stock sémantique et de repérer des trouble de la syntaxe.

B. Compréhension orale

Le trouble de la compréhension orale est suspecté chez un patient faisant répéter à plusieurs reprises, répondant de façon inadaptée ou exécutant de façon erronée les consignes en l'absence d'autre explication évidente comme la surdité. L'examen repose sur une désignation d'objets usuels (« montrez moi le stylo, la porte »...) et l' exécution d'ordres. On apprécie ainsi la désignation, sur ordre, de différents objets ou images, l'exécution d'ordres simples (fermez les yeux, ouvrez la bouche) ou complexes (mettez l'index de la main gauche sur l'oreille droite, par exemple)de complexité croissante (« levez les 2 mains, fermez les yeux, levez 2 fois la main droite puis une fois la main gauche »...).

C. Expression écrite

On étudie l'écriture spontanée, copiée, dictée, de mots réguliers, irréguliers et ambigus.

D. Compréhension écrite

Lecture à voix haute de syllabes, de mots, de phrases, et exécution d'ordres écrits.

4. Les formes cliniques de l'aphasie

Les classifications sont nombreuses, souvent confuses, parfois contradictoires, mais elles sont dans l'ensemble essentiellement cliniques et ne rendent pas toujours compte des données anatomiques ou linguistiques. Les formes transitionnelles sont extrêmement fréquentes. La classification la plus répandue et la plus opérationnelle en clinique se fonde sur la fluidité du discours : on distingue d'une part les aphasies à langage réduit , ou aphasies de Broca, et d'autre part les aphasies à langage fluide , ou aphasies de Wernicke .

A. L'aphasie à langage réduit : l'aphasie de BROCA

Aphasie de BROCA 

  • L'atteinte de l'expression orale est manifeste : le malade parle peu ou avec réticence, effort et hésitation. Le langage spontané est pauvre, le vocabulaire restreint et les phrases courtes. Le manque du mot est plus ou moins sévère et l'agrammatisme est souvent important. Des aspects automatiques du langage peuvent apparaître, avec des lambeaux de langage normal faits d'élocutions courantes ou de formules toutes faites. Il y a des stéréotypies, réduites à des formules de politesse ou à des jurons, parfois à des syllabes (tan-tan…). Les paraphasies phonémiques (mots déformés : « balavo » pour lavabo) sont évocatrices. Il existe fréquemment des. troubles de l'articulation du langage.
  • L'écriture est généralement très perturbée, avec des paragraphies
  • La compréhension, orale et écrite, est respectée ou du moins beaucoup moins touchée que l'expression.
  • Le malade est pleinement conscient de son trouble et manifeste souvent son irritation ou son découragement face à ses difficultés (réactions dites de catastrophe).
  • De par la nature des lésions habituellement en cause (hémorragies, infarctus, tumeurs), la lésion déborde très souvent la seule aire de Broca et l'aphasie des Broca est alors associée à une hémiplégie droite (ou une paralysie faciale centrale) de façon quasi constante.

B. L'aphasies à langage fluide : aphasie de WERNICKE

Aphasie de WERNICKE 

  • Le langage spontané est abondant, mais les paraphasies sémantiques (« couteau » pour fourchette), sont nombreuses. Il y a une dys-syntaxie. Au maximum, est réalisé un véritable jargon (jargonaphasie), totalement incompréhensible, fait de néologismes. Il n'y a aucun trouble articulatoire
  • La compréhension est totalement perturbée, ce qui peut faire évoquer à tort une confusion mentale.
  • L'écriture peut confiner à une jargonographie
  • Le malade n'a pas conscience de son trouble (anosognosie) et peut être agité.
  • Une hémianopsie latérale homonyme est souvent associée, difficile à mettre en évidence (absence de clignement à la menace).

C. Aphasies globales

Aphasie globale 

Les troubles de l'expression sont ceux des formes les plus sévères de l'aphasie de Broca, avec au début une suspension totale du langage. Les troubles de la compréhension, du langage parlé comme du langage écrit, sont ceux de l'aphasie de Wernicke dans sa forme la plus sévère. Les lésions sont très étendues, atteignant souvent la totalité du territoire de l'artère cérébrale moyenne gauche. Généralement une hémiplégie droite est associée, massive, avec hémianopsie latérale homonyme et hémianesthésie.

D. Les formes dissociées de l'aphasie

Il s'agit de syndromes rares, ou rarement observés isolément. Leur identification est difficile. Citons :

  • l'anarthrie pure, se résumant à des troubles de l'articulation et des troubles phonémiques
  • la surdité verbale pure
  • la cécité verbale ou alexie sans agraphie
  • les alexies avec agraphie
    Alexie-agraphie 
  • l'agraphie sans alexie.

E. Les aphasies sous-corticales

Le type en est l'aphasie thalamique, par lésions du thalamus gauche chez un droitier.
Les principales caractéristiques sont les suivantes :

  • réduction du débit et de l'intensité vocale (hypophonie)
  • paraphasies de type sémantique ou fantastiques.
  • troubles variables de l'élocution et de la compréhension
  • surtout, la répétition est remarquablement respectée.

 

II- Apraxies et agnosies

1. Apraxies

Définition : On entend par apraxie un ensemble de troubles de l'exécution intentionnelle d'un comportement moteur finalisé en l'absence de déficit moteur ou sensitif élémentaire .
Tout se passe comme si le malade « ne savait plus comment faire » (perte du schéma moteur) ou « comme un maladroit » (difficulté dans l'exécution).
La lésion siège le plussouvent dans les aires associatives du cortex pariétal.
Il est décrit des apraxies gestuelles, constructives et de l'habillage.

A. Apraxies gestuelles

a. Apraxie idéo-motrice

Apaxie gestuelle d'imitation 

Elle concerne des gestes significatifs : pantomimes (planter un clou), gestes symboliques (salut militaire), gestes expressifs (« V » de la victoire avec les doigts de la main) ou des gestes arbitraires : imiter certaines postures de l'examinateur (faire deux anneaux enserrés l'un dans l'autre avec le pouce et l'index de chaque main : apraxie réflexive).
Le malade ne sait plus faire ou ne fait qu'approximativement et très maladroitement les gestes demandés. L'apraxie peut être uni ou bilatérale.

b. Apraxie idéatoire

Le malade ne sait plus manipuler des objets : par exemple manipuler des ciseaux, plier une feuille et la mettre dans une enveloppe, cacheter l'enveloppe, etc…

B. Apraxie constructive

C'est un trouble de l'élaboration du dessin sur ordre ou sur copie. On demande au malade de dessiner une marguerite, une figure géométrique ou une bicyclette. La reproduction est très maladroite, faite de traits non cohérents, ou encore la perspective est perdue. Il arrive aussi que le malade essaie de recopier sur le modèle (phénomène du closing-in). On peut dans certains cas utiliser des figures complexes :

Sémiologie des fonctions cognitives 3     Sémiologie des fonctions cognitives 4

 

C. Apraxie de l'habillage

Apraxie de l'habillage 

Le malade ne sait plus s'habiller (enfiler les manches d'un vêtement). Il peut utiliser la veste comme un pantalon ou enfiler un pull par-dessus la veste, etc.

2. Agnosies

Définition : Trouble (perte ou déficit) de l' identification perceptive (visuelle, auditive, tactile, corporelle), ceci en l' absence de troubles visuels, auditifs ou sensitifs élémentaires (absence de cécité, de surdité, d'anesthésie).

Tout se passe comme si le malade « ne savait plus » ce qu'est tel ou tel objet ou tel son.

Le trouble est en rapport le plus souvent avec des lésions des aires associatives des cortex pariétal, occipital ou pariéto-occipital.

Par convention, on exclut l'anosognosie des agnosies, qui est l'absence de conscience d'un trouble (cognitif, comportemental ou moteur), liée à des lésions frontales ou de l'hémisphère mineur.

A. Agnosies visuelles

Agnosie visuelle

On distingue :

  • une agnosie des objets :
    • Dans l'agnosie aperceptive , le malade ne reconnaît plus les objets, les images ou les couleurs. Il est incapable de dénommer, de préciser les propriétés (fonction, mime d'usage) de l'objet qu'on lui présente, incapable aussi de l'apparier avec une photo du même objet.
    • Dans l'agnosie associative , le malade ne reconnaît pas l'objet mais peut le décrire ou le dessiner. Notons que l'aphasie perturbe évidemment la dénomination des objets (ou des couleurs) mais pas leur identification (ou leur appariement).
  • une agnosie des visages ( prosopagnosie )
  • une agnosie des couleurs
  • une agnosie du langage écrit ( alexie pure) : le malade ne comprend plus le langage écrit, alors qu'il reste capable de le produire. La lésion est habituellement occipitale.

Les agnosies visuelles témoignent de lésions siégeant dans les régions temporo-occipitales inférieures, de façon uni ou bilatérale.
On peut en rapprocher l' agnosie spatiale unilatérale (ou négligence visuo spatiale ), plus fréquente que les précédentes et généralement due à une lésion étendue de l'hémisphère mineur : le malade ne porte aucune attention à son hémi-espace gauche (la négligence intéresse une moitié de l'espace et non pas un hémi-champ visuel). Au maximum il s'en détourne, la tête étant tournée de l'autre côté. Dans les lésions moins massives, lors des reproductions de dessin, le malade néglige toute la partie gauche du dessin. Dans le test de barrage, lorsqu'on lui demande de cocher un certain nombre de traits, il néglige tous ceux situés à sa gauche. Le diagnostic avec une hémianopsie bilatérale homonyme gauche, parfois associée, est souvent difficile.

Sémiologie des fonctions cognitives 6

 

Test de barrage de lignes (Albert, 1973)

 

Seules les lignes sur la moitié droite ont été barrées par le patient : négligence visuo spatiale gauche.

B. Agnosies auditives

Elles sont rares et en tous cas rarement isolées. On décrit l'agnosie des sons verbaux (surdité verbale), des sons musicaux (agnosie musicale ou amusie), des bruits de l'environnement.
La lésion siège dans le cortex temporal latéral, de façon uni ou bilatérale.

C. Agnosies tactiles

Le malade est incapable de dénommer un objet (pièce de monnaie, crayon) qu'on lui permet de palper dans la main, sans le contrôle de la vue : astéréognosie , ce en l'absence d'un déficit sensitif élémentaire significatif.
La lésion siège dans le cortex pariétal postérieur au gyrus post-central.

D. Autotopoagnosie

Le patient est incapable de désigner sur commande verbale (« Montrez moi le … ») différentes parties de son corps controlatéral à la lésion (région temporo-pariétale de l'hémisphère mineur), comme le pouce, le coude, etc., alors qu'il peut le faire sur l'autre hémicorps (et parfois aussi sur le corps de l'examinateur).

E. Hémiasomatognosie

Le malade ne reconnaît pas un de ses hémicorps (généralement le gauche chez le droitier) comme lui appartenant.

 

III - Troubles des fonctions éxécutives : syndrome dyséxécutif (frontal)

Les lésions du lobe frontal et des structures qui lui sont connectées, sont à l'origine d'une séméiologie d'une diversité et d'une complexité extrêmes. Ceci est lié à l'importance considérable de l'expansion du lobe frontal chez l'homme.
Un syndrome frontal peut résulter de lésions du lobe frontal lui-même ou de ses connections. Ces dernières peuvent être réparties en deux grandes catégories :

  • d'une part des connections sous-corticales, avec certains noyaux gris centraux (thalamus, noyau caudé, noyau lenticulaire) et le lobe limbique. Les lésions de ces structures peuvent réaliser un syndrome frontal par déconnexion.
  • d'autre part, le lobe frontal est en connexion avec l'ensemble du reste du cortex cérébral.
  • Schématiquement, le lobe frontal est impliqué dans « l'exécution d'actions » en terme de planification, d'anticipation, de résolution de problèmes, d'inhibition de comportements ou de réflexes, de raisonnement, de prise de décision (on parle de fonctions exécutives), dans l'activation psychique (la motivation) et dans l'attention.

1. Troubles de l'organisation dynamique gestuelle

Les malades sont incapables d'organiser des gestes nécessitant une mise en séquence.
Plus particulièrement, ils sont incapables de se conformer à un programme d'exécution motrice, tendant à simplifier le programme, à persévérer dans les erreurs, à introduire des éléments étrangers au programme, et ceci en l'absence de toute critique.
Les tests le plus couramment utilisés sont les suivants :

  • Epreuve paume-tranche-poing (séquences motrices de Luria): l'examinateur montre au malade une séquence gestuelle consistant à plaquer la paume de la main sur la table, puis la tranche et enfin le poing. Le malade est incapable de reproduire cette séquence ou bien la simplifie progressivement, jusqu'à parfois la résumer à une stéréotypie motrice.
  • Dans un autre type d'épreuve, on demande au malade de reproduire des frises graphiques comme celle-ci :  … Le malade est incapable de la reproduire, ou la simplifie, ou encore persévère sur un motif.

2. Troubles de l'attention et de la mémoire

  • Les troubles de l' attention sont mis en évidence par certains tests neuropsychologiques, mettant en évidence la perte de l'attention sélective : le malade se laisser perturber par des interférences, il est incapable de flexibilité mentale, persévérant alors qu'on lui demande de changer de critères. De nombreux tests sont utilisés : le test de classement des cartes du Wisconsin est l'un des plus exemplaires. Il consiste à placer devant le sujet 4 cartes différentes par le nombre d'éléments (de 1 à 4), la couleur (rouge, vert, jaune, bleu) et la forme des éléments (triangle, étoile, croix, cercle) : le principe est de demander au sujet de classer les cartes en fonction d'un critère de son choix, puis de continuer selon le même critère. Au bout de six essais, on lui demande de changer de critère, ainsi de suite, six fois consécutivement. On calcule le nombre de catégories choisies, le nombre d'erreurs et surtout le nombre d'erreurs persévératives, c'est-à-dire correspondant à la réponse immédiatement antérieure bien qu'elle ait été signalée comme inexacte au sujet. Les temps de réaction sont un autre moyen d'évaluer l'attention, en particulier l'attention divisée (difficulté à exécuter simultanément deux taches).
  • Les troubles de la mémoire sont complexes et nombreux. Ils sont mis en évidence notamment lors de l'apprentissage d'une liste d'une quinzaine de mots (de Rey). Le déficit n'est pas tant celui de l'apprentissage que de la récupération, la courbe d'apprentissage se faisant en plateau. La reconnaissance est en général conservée.

3. Troubles du raisonnement

Ces troubles sont bien mis en évidence lors de la résolution de problèmes . Un des plus utilisés est la pyramide des âges. Le problème suivant est soumis au patient : dans une famille, le père a 24 ans, la mère a 3 ans de moins, le fils a 20 ans de moins que la mère et le grand-père a l'âge des trois réunis. On demande au malade quel est l'âge du grand-père. Le malade répondra par exemple « 24 + 3 + 20 = 47 », alors que la bonne réponse est 46. Par contre, le problème sera résolu s'il est décomposé dans ses séquences successives de raisonnement.
Ces troubles du raisonnement impliquent évidemment l'attention et la mémoire de travail. Ce genre de problème sollicite l'analyse des données, le choix d'une stratégie, l'exécution et l'évaluation du résultat.

4. Troubles du langage

Le langage est souvent réduit. On peut observer :

  • Une altération de la fluence lexicale (en particulier alphabétique) : on demande au malade de donner en 2 minutes le plus grand nombre possible de noms communs commençant par la lettre P (ou R)
  • Une aphasie adynamique ou aphasie kinétique, ou aspontanéité verbale. Le malade ne parle pas spontanément, mais lorsqu'il est vivement sollicité, il parvient à répondre correctement aux questions qui lui sont posées, mais le plus souvent de façon monosyllabique.

L'ensemble des fonctions exécutives peut être approché par un test simple : la « batterie rapide d'efficience frontale » (BREF) (Dubois et Pillon, 2000) :

1. Epreuve des similitudes

Demander en quoi se ressemblent :

  • une orange et une banane
  • une chaise et une table
  • une tulipe, une rose et une marguerite

 

Cotation :

 

  • 3 bonnes réponses

3

  • 2 bonnes réponses

2

  • 1 bonne réponse

1

  • aucune bonne réponse

 

0

2. Epreuve de fluence verbale

Demander de donner le maximum de mots commençant par la lettre S en une minute

 

Cotation

 

  • plus de 10 mots

3

  • entre 5 et 10 mots

2

  • entre 3 et 5 mots

1

  • moins de 3 mots

 

0

3. Comportement d'imitation

L'examinateur exécute des gestes (applaudir, croiser les bras) devant le

Patient afin de voir s'il va les imiter spontanément

 

Cotation :

 

  • le patient ne les imite pas ou est seulement perplexe

3

  • le patient hésite, demande ce qu'il doit faire ou imite 1 ou 2 gestes mais arrête immédiatement

2

  • le patient imite les gestes sans hésitation mais arrête si on le lui demande

1

  • le patient continue à imiter alors même que l'examinateur lui demande de cessre

 

0

4. Séquences motrices de Luria

Le patient doit reproduire la séquence « paume-tranche-poing » après que l'examinateur lui a montré seul 3 fois et après que le patient l'a réalisée 3 fois avec l'examinateur

 

Cotation :

 

  • le patient réussit seul 6 séquences consécutives

3

  • le patient réussit seul au moins 3 séquences consécutives

2

  • le patient ne peut y arriver seul mais réussit correctement avec l'examinateur

1

  • le patient n'est pas capable de réussir 3 séquences, même avec l'aide de l'examinateur

 

0

5. Epreuve des consignes conflictuelles

Demander au patient de taper 1 fois avec un crayon lorsque l'examinateur tape 2 fois et vice-versa (séquence proposée : 1-1-2-1-2-2-2-1-1-1-2)

 

Cotation :

 

  • aucune erreur

3

  • seulement 1 ou 2 erreurs

2

  • plus de 2 erreurs

1

  • le patient suit le rythme de l'examinateur

 

0

6. Epreuve de Go-No-Go

Le patient doit taper 1 fois quand l'examinateur tape 1 fois, et ne pas taper lorsque l'examinateur tape 2 fois (1-1-2-1-2-2-2-1-1-1-2)

 

Cotations :

 

  • aucune erreur

3

  • seulement 1 ou 2 erreurs

2

  • plus de 2 erreurs

1

  • le patient est perdu ou suit le rythme de l'examinateur

0

 

IV - Troubles de la mémoire

La mémoire permet l'acquisition d'informations, leur conservation et leur utilisation ultérieure sous forme de souvenirs, de savoirs, ou d'habiletés.

Il existe plusieurs types de mémoire. Très schématiquement :

  • mémoire sémantique : mémoire des connaissances, des concepts, et « sémantique » personnelle (noms des amis, etc.).
  • mémoire épisodique : mémoire d'épisodes, évènements vécus par le sujet, pour lesquels il peut rappeler le contexte spatio-temporel et émotionnel de survenue.
  • mémoire procédurale : mémoire des apprentissages d'habiletés visuo-motrices (faire du vélo) et cognitives (tables de multiplication) de procédures, notamment motrices.
  • mémoire de travail : mémoire permettant le maintien temporaire (90secondes) de l'information « à court terme » et sa manipulation.

Les troubles de la mémoire dans l'acception commune et médicale correspondent à l'atteinte prédominante de la mémoire épisodique de façon antérograde (avec un débord rétrograde plus ou moins important).

Schématiquement, la mémorisation repose sur :

  • L' encodage (ou enregistrement) des informations,
  • Leur stockage et leur consolidation
  • La récupération des informations.

Le stockage se fait dans des réseaux distribués dans le néocortex.

Le circuit de Papez (hippocampo-mamillo-thalamo-cingulaire, à la face interne du cerveau – voir Anatomie ) est nécessaire à l'encodage, la consolidation et la récupérationn.

1. L'examen de la mémoire

Les troubles mnésiques sont évoqués face à des oublis des faits et évènements rapportés par le patient ou son entourage.
Leur examen repose sur l'entretien avec le patient et son entourage proche , dont le témoignage est ici essentiel.
On examine successivement :

  • La mémoire en situation de vie quotidienne (celle dont se plaignent les malades et/ou leur entourage) : présence d'oublis dans les activités courantes (discussion, livre, film, prise du traitement, dépenses, rendez-vous, sortie, déplacement, lieu de rangement et pertes d'affaires). On fait préciser les modalités d'installation, la durée d'évolution, la progression éventuelle, le retentissement en terme d'autonomie (simple gêne, nécessité d'aide-mémoire, nécessité d'une supervision des activités par un tiers).
  • La mémoire autobiographique, tant les faits récents (« Qu'avez-vous fait le week-end dernier ? ») que les faits plus anciens (ex : « Où avez-vous passé vos dernières vacances » ?)
  • La mémoire sociale ou collective (actualité politique nationale et internationale, journal local)
  • La mémoire sémantique (capitale de l'Italie, connaissances professionnelles)

Cet entretien est utilement complété par l'étude des apprentissages :

  • Le test des 15 mots de Rey permet de dresser une courbe d'apprentissage et le rappel différé.
  • La figure de Rey (figure géométrique complexe) teste la mémoire visuelle (mais aussi, et c'est une limite, les capacités de planification).
  • Le test des 5 mots (cf infra), qui étudie l'apprentissage verbal de 5 mots (dont on a contrôlé l'encodage par un indice sémantique) en rappel libre puis pour chaque échec en rappel indicé ( « Quel était l'insecte ?… »)

La liste des 5 mots et leur catégorie sémantique :

En pratique :

Présentation de la liste

Contrôle de l'enregistrement par le rappel immédiat :

Compter le nombre de mots rappelés (spontanément et avec indiçage) : score/5. Si le score est de 5, passer à l'étape suivante. Si non, retourner la feuille et montrer du doigt le ou les mots non rappelé(s) en disant « le nom de …est… », puis demander au patient de redonner ce ou ces mots non rappelé(s) en réponse à leur indice.

Faire faire une épreuve intercurrente (entre 3 et 5 minutes, par exemple calcul mental et/ou test de l'horloge))

Etude de la mémorisation proprement dit par le rappel différé :

Le score est de nouveau sur 5.

Le score total est composé des 2 scores : il est au maximum de 10, et normalement supérieur à 9.

  • musée (bâtiment)
  • limonade (boisson)
  • sauterelle (insecte)
  • passoire (ustensile de cuisine)
  • camion (véhicule)
  • Montrer la liste des 5 mots au patient et lui demander de la lire à haute voix et de la mémoriser.
  • Une fois la liste lue et toujours présentée au patient, lui demander les mots en lui fournissant l'indice catégoriel.
  • Retourner la liste et demander immédiatement au patient de restituer les mots
  • Pour les mots non rappelés et seulement pour eux, demander « Quel était le nom de …(en fournissant l'indice sémantique) ? ».
  • Demander au patient de restituer les 5 mots
  • Pour les noms non rappelés et seulement pour eux, lui demander de donner la catégorie sémantique (« Quel est le nom du bâtiment ?... »)

2. Formes cliniques des amnésies

  • Le syndrome amnésique comprend une amnésie antérograde (de nature préférentiellement épisodique), concernant la mémoire à long terme, ayant une répercussion sévère, un débord rétrograde plus ou moins important, alors que les autres fonctions cognitives sont conservées. Il peut exister ou non des signes « positifs » ; fabulations, fausses reconnaissances. L'amnésie antérograde (liée à une lésion ou dysfonction du circuit de Papez), comporte un oubli des évènements survenus après la constitution de l'amnésie. L'amnésie rétrograde est faite de l'oubli des évènements survenus avant la constitution de l'amnésie.
  • L' amnésie hippocampique : amnésie antérograde (telle que décrite dans le syndrome amnésique), sans signes « positifs » et sans amélioration du rappel par l'indiçage.
  • Le syndrome de Korsakoff (amnésie diencéphalique) : à l'oubli à mesure s'associent une désorientation temporo-spatiale, des fabulations et des fausses reconnaissances.
  • L' ictus amnésique :
    Ictus amnésique 
    de mécanisme inconnu, il s'agit d'un épisode de survenue brutale, spontané ou non (stress, traumatisme crânien), au cours duquel le sujet oublie à mesure toute information. D'où, fait caractéristique, des questions itératives (malgré les réponses données par l'entourage) sur le jour, l'heure, les activités récentes. Le comportement est parfaitement adapté (l'activité professionnelle par exemple peut être poursuivie). L'épisode dure de 4 à 24h. Le sujet garde une amnésie lacunaire de l'épisode, qui ne se reproduit que rarement. Il existe un débord rétrograde plus ou moins marqué.
  • L'amnésie lacunaire : oubli des évènements survenus durant une période donnée, volontiers observée après une confusion, un ictus amnésique, ou une crise épileptique
  • Les amnésies psychogènes
    Amnésie psychogène 
    (d'origine psychique) : oubli d'un contenu ou d'une période plus ou moins longue dans un contexte de « tension psychique » (stress traumatique, conversion) que l'on peut avoir du mal à mettre en évidence. C'est une amnésie rétrograde isolée. On peut en rapprocher les amnésies dites dissociatives, réalisant une amnésie rétrograde massive (au maximum « voyageur sans bagages » avec perte de l'identité), portant surtout sur la mémoire épisodique.
  • Plainte mnésique névrotique ou anxieuse , avec ou sans dépression, très fréquente (crainte d'une maladie d'Alzheimer). Le sujet décrit un « doute cognitif ». Le rappel d'une liste de mots est facilité par l'indiçage
  • Il existe de rares phénomènes dits paramnésiques : ecmnésies (fait de revivre des tranches du passé comme présentes), paramnésies épileptiques (déjà vu ou déjà vécu, tranches de mémoire panoramique, dans les épilepsies temporales) et déplacement temporel dans l'ictus amnésique.