Objectifs pédagogiques

  • Diagnostiquer une compression médullaire non traumatique et un syndrome de la queue de cheval.
  • Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.
  • Comprendre les principaux déficits et incapacités secondaires à une compression médullaire ou un syndrome de la queue de cheval.

Hiérarchisation des connaissances


I. Rappels anatomiques

 La moelle spinale chemine du trou occipital au bord supérieur de L2 dans un canal ostéoli-gamentaire inextensible. Elle est plus courte que le canal rachidien, ce qui explique un décalage entre le niveau vertébral et celui du métamère médullaire (par exemple, le métamère T12 est en regard de la vertèbre T9).
De la moelle spinale émergent les nerfs spinaux, qui sortent par les trous de conjugaison.
La moelle spinale se termine par le cône terminal au niveau des dernières vertèbres thoraciques et de L1 ; les dernières racines spinales (L2 à L5 et les racines sacrées) forment la queue de cheval.
La moelle spinale est entourée par la pie-mère qui y est adhérente, puis par l'arachnoïde sous laquelle circule le LCS et la dure-mère, épaisse et résistante, qui réalise un fourreau cylindrique épais. L'espace extradural est graisseux, rempli de vaisseaux, principalement veineux.
La moelle spinale est organisée transversalement en métamères et longitudinalement en fibres longues (figure 6.1). Elles comportent des fibres sensitives et des fibres motrices :

  • les fibres sensitives se répartissent principalement :
    • en voie spinothalamique (ou extralemniscale), qui véhicule la sensibilité thermoalgique et le tact protopathique : elles croisent à chaque niveau métamérique ; elles cheminent dans le cordon latéral de la moelle du côté opposé,
    • en voie lemniscale, qui véhicule le tact épicritique et la sensibilité profonde, située dans le cordon postérieur de la moelle spinal, homolatéral; elles croiseront plus haut à la partie inférieure de la moelle allongée (bulbe) ;
  • le faisceau pyramidal moteur, après avoir croisé dans la moelle allongée, descend dans le cordon latéral de la moelle spinale.

Fig. 6.1.  Moelle spinale.
A.
Coupe longitudinale. B. Coupe transversale
(Source : CEN, 2019.)

II. Clinique

Le diagnostic de compression médullaire non traumatique est posé sur l'existence d'un syn- drome lésionnel et d'un syndrome sous-lésionnel associé le plus souvent à des signes rachidiens.

A. Syndrome radiculaire lésionnel

Il comprend :

  • des douleurs radiculaires souvent isolées au début; de topographie constante, signalant le dermatome lésionnel (névralgies cervicobrachiales, algies thoraciques en ceinture). Elles surviennent en éclairs, par salves, impulsives à la toux. Elles peuvent s'estomper dans la journée avec l'activité physique et ne se manifester qu'au repos, surtout la nuit, à heures fixes, pouvant s'atténuer à la déambulation nocturne ;
  • un possible déficit radiculaire avec hypoesthésie en bande dans le territoire douloureux avec abolition, diminution ou inversion d'un réflexe, pouvant aboutir à un déficit moteur dans le même territoire radiculaire avec amyotrophie. Ces symptômes sont au début plus discrets à l'étage thoracique ou abdominal qu'au niveau cervical, où la névralgie cervicobrachiale est plus typique.

Il permet donc de déterminer le niveau lésionnel et d'orienter les explorations neuroradiologiques.

B. Syndrome sous-lésionnel

Le syndrome sous-lésionnel associe des troubles moteurs, sensitifs et sphinctériens.

1. Troubles moteurs

Syndrome pyramidal d'intensité variable :

  • simple fatigabilité à la marche, difficulté à la course, maladresse en terrain accidenté, cédant à l'arrêt;
  • gêne non douloureuse correspondant à la claudication intermittente de la moelle ;
  • progressivement, réduction du périmètre de marche pouvant aboutir à un confinement au fauteuil en raison d'une paraplégie ou d'une tétraplégie spastique.

Il faut noter la différence avec l'installation des signes cliniques dans un contexte de compression médullaire aiguë qui se fera initialement par un déficit moteur flasque, suivi de l'installation plus lente du syndrome pyramidal.

2. Troubles sensitifs

Ils sont retardés : picotements, fourmillements, sensations de striction, d'étau, de ruissellement d'eau glacée, de brûlures parfois exacerbées au contact. Un signe de Lhermitte est possible (décharge électrique le long du rachis et des membres à la flexion du cou).
Le patient a l'impression de marcher sur du coton ou du caoutchouc avec une gêne plus marquée lors de la fermeture des yeux (souffrance cordonale postérieure).
Le déficit sensitif n'est pas toujours complet, initialement cordonal postérieur (atteinte de la sensibilité discriminative, de la proprioception) ou spinothalamique (déficit thermoalgique).
Il existe un niveau sensitif correspondant au métamère inférieur de la compression.
Le syndrome de Brown-Séquard correspond à une souffrance d'une hémi-moelle, dissociation de sensibilité avec un syndrome cordonal postérieur (atteinte de la sensibilité épicritique et proprioceptive) et un syndrome pyramidal homolatéraux à la lésion, et déficit spinothalamique du côté opposé (atteinte de la sensibilité thermoalgique) (figure 6.2 et figure 7.2 au chapitre 7).

3. Troubles sphinctériens

  • Troubles urinaires (miction impérieuse, dysurie), sexuels ou anorectaux (constipation) sont très tardifs dans les compressions médullaires, sauf si la lésion est située dans le cône terminal.
  • Dans les compressions médullaires évoluées, ils sont quasi constants.

Fig. 6.2.  Syndrome de Brown-Séquard (atteinte de l'hémi-moelle).
(Source : CEN, 2019.)

C. Syndrome rachidien

  • Les douleurs, permanentes et fixes, localisées ou plus diffuses, à type de tiraillement, de pesanteur ou d'enraidissement rachidien, augmentent à l'effort mais elles existent aussi au repos et la nuit.
  • Elles sont peu ou pas sensibles aux antalgiques usuels.
  • Une raideur segmentaire du rachis, très précoce, est à rechercher systématiquement.
  • Une déformation segmentaire (cyphose, scoliose, torticolis) est possible, avec douleurs spontanées localisées accrues lors de la percussion des épineuses ou à la palpation appuyée de la musculature paravertébrale en regard de la zone lésionnelle.

III. Examens complémentaires

A. IRM

L'IRM est l'examen urgent de première intention (séquences T1, T2, sans puis avec injection de gadolinium) :

  •  étude du cordon médullaire dans les deux plans de l'espace (sagittal et axial) et observation des structures avoisinantes;
  • détermination du niveau médullaire concerné et de la topographie lésionnelle, épidurale, intradurale extra ou intramédullaire. En cas de processus compressif épidural, les anomalies squelettiques avoisinantes devront être recherchées;
  • tumeurs intradurales extramédullaires : masses arrondies ovoïdes jouxtant la moelle spinale ;
  • lésions intramédullaires : élargissement du cordon médullaire (lésion médullaire dont l'aspect dépend de l'étiologie).

L'IRM précise la cartographie du processus tumoral : hauteur, dimension, rapports avec les structures avoisinantes. La nature pleine ou kystique oriente l'étiologie. S'il y a rehaussement par injection de gadolinium, une origine tumorale, inflammatoire ou, plus rarement, infectieuse est évoquée.
Elle permet également de juger du degré de rétrécissement pour évaluer le risque potentiel de souffrance médullaire suraiguë redoutée dans des compressions médullaires lentes.

B. Autres examens (seulement et/ou en complément de l'IRM)

1. Scanner et myéloscanner

a. Scanner en complément de l'IRM

 Il recherche et précise des modifications osseuses : calcifications, érosion d'un pédicule, élargissement d'un trou de conjugaison, élargissement du diamètre transversal ou antéropostérieur du canal rachidien, aspect lytique ou condensant vertébral aboutissant à une vertèbre ivoire ou à un tassement.

b. Myéloscanner en cas de contre-indication à l'IRM

  Coupes de scanner rachidien après injection intradurale (par ponction au niveau lombaire ou sous-occipital, selon la topographie de l'atteinte) de produit de contraste permettant de visualiser les rapports de la moelle spinale avec les structures adjacentes dont le rachis.

2. Radiographies rachidiennes simples

 Elles ne sont plus réalisées,  car remplacées par le scanner ; elles sont utiles en dynamique parfois pour rechercher une instabilité (clichés en flexion et extension).

3. Potentiels évoqués somesthésiques et moteurs

 Ils apprécient l'état fonctionnel des voies lemniscales et pyramidales, mais  ne constituent pas un instrument diagnostique de première intention.

IV. Étiologie

A. Causes extradurales

1. Métastases néoplasiques vertébrales et épidurites métastatiques

  •  Les causes extradurales sont dominées par les métastases néoplasiques vertébrales pouvant être compliquées d'une épidurite métastatique (figure 6.3) :
    • cancers primitifs les plus fréquents retrouvés : poumon, sein, prostate, rein ;
    • envahissement néoplasique vertébro-épidural fréquemment rencontré au cours d'hémopathies malignes : lymphomes non hodgkiniens, leucémies aiguës, myélomes.
  • Les épidurites métastatiques peuvent également survenir indépendamment d'une atteinte osseuse.
  • Les tumeurs vertébrales bénignes (hémangiome, chondrome) ou primitivement malignes (sarcome) sont rares.

2. Myélopathie cervicarthrosique

  • Compression médullaire lente cervicale.
  • Patients de plus de 40 ans aux antécédents de névralgies cervicobrachiales, de torticolis, de traumatismes rachidiens cervicaux.
  • Syndrome sous-lésionnel : syndrome pyramidal spastique progressif avec troubles sensitifs subjectifs (signe de Lhermitte).

Fig. 6.3.  Métastase vertébrale avec épidurite.
Lésion osseuse développée au niveau du corps de T4, massivement étendue aux pédicules et à l'arc postérieur à gauche (coupe axiale), en hyposignal T1, en hypersignal T2, fortement rehaussée après injection de gadolinium. Extension intracanalaire épidurale avec compression et engainement médullaires. Les espaces liquidiens péri- médullaires sont totalement effacés en regard de la compression. À noter, le respect des disques intervertébraux sus et sous-jacents.
A. T1 sagittal après injection. B. T2 sagittal. C. T1 sagittal. D. T1 axial après injection.
(Source : CEN, 2019.)

  • Syndrome lésionnel : signes sensitifs et moteurs avec aréflexie, amyotrophie sur un ou les deux membres supérieurs.
  • L'IRM confirme la cervicarthrose avec étroitesse du canal cervical et arthrose préférentiellement sur la partie inférieure du rachis cervical (figure 6.4), hypersignal T2 intramédullaire fréquemment observé.

3. Hernie discale

Préférentiellement au niveau cervical.
Elle peut être une étiologie de compression médullaire extradurale
(figure 6.5).

4. Spondylodiscites et épidurites infectieuses

À l'origine d'une compression médullaire extradurale (si bacille de Koch, il s'agit du mal de Pott) (figure 6.6).

Fig. 6.4.  Myélopathie cervicarthrosique.
Sténose du canal cervical en C4-C4 et en C4-C5, d'origine dégénérative avec éperons osseux antérieur et posté- rieur en C3-C4 en hyposignal (grande flèche).
Les espaces liquidiens périmédullaires sont effacés sur deux étages et la moelle est laminée. Il existe un hypersignal intramédullaire en regard de l'interligne C3-C4 témoignant d'une souffrance ischémique liée à la compression chronique de la moelle (petite flèche).
A. T2 sagittal. B. T2 axial.
(Source : CEN, 2019.)

Fig. 6.5.  Compression médullaire due à une hernie discale exclue en C5-C6.
Les espaces liquidiens périmédullaires sont laminés. Compression médullaire avec hypersignal intramédullaire en regard témoignant d'une souffrance, en absence d'anomalie osseuse associée. A. Sagittal T1. B. Sagittal T2.
(Source : CEN, 2019.)

5. Hématome épidural

Lors d'un traitement avec anticoagulants ou après une ponction lombaire pouvant entraîner une compression médullaire.

B. Causes intradurales extramédullaires

Elles sont dominées par les tumeurs bénignes.

Fig. 6.6.  Compression de la queue de cheval liée à une spondylodiscite infectieuse (ici à staphylocoques).
Hyposignal T1/hypersignal T2 des plateaux vertébraux en L4 et L5, en miroir, prenant le contraste après injection, avec spondylodiscite du disque et collection centimétrique intradiscale, atteignant l'espace épidural antérieur (épidurite comprimant la queue de cheval en regard). Intégrité des autres corps vertébraux (angiome vertébral bénin en L2).
A. Sagittal T2. B. et C. Sagittal T1 sans puis avec injection de gadolinium FAT-SAT.
(Source : CEN, 2019.)

1. Méningiomes

  • Femmes de plus de 50 ans avec compression médullaire lente typique s'exprimant par des troubles de la marche progressifs associés à un modeste syndrome lésionnel radiculaire.
  • Localisation tumorale thoracique dans les deux tiers des cas.
  • L'IRM confirme la localisation intradurale extramédullaire habituellement postérieure avec une lésion à limite nette, de taille ovoïde, allongée selon le grand axe rachidien. L'implantation tumorale se fait sur la dure-mère (figure 6.7).

2. Neurinomes

  • Ils concernent autant les hommes que les femmes de tout âge, localisation cervicale (un cas sur deux ), thoracique (un cas sur quatre) et lombaire (un cas sur quatre).
  • Compression médullaire lente, mais avec un syndrome radiculaire marqué et des douleurs.
  • Radiographies rachidiennes : élargissement du trou de conjugaison.
  • IRM : tumeur située sur une racine spinale, le plus souvent dorsale. Le neurinome apparaît en hypersignal en T2 (aspect d'un sablier) (figure 6.8).
  • Ils peuvent survenir dans le cadre d'une neurofibromatose de von Recklinghausen, surtout s'il existe plusieurs neurinomes, des signes cutanés (taches café-au-lait), des antécédents familiaux (figure 6.9).

3. Arachnoïdites

  • Réaction inflammatoire des leptoméninges engainant la moelle spinale.
  • Suites de méningite, de traumatisme ou de maladies inflammatoires (sarcoïdose).

Fig. 6.7.  Méningiome de niveau thoracique T10-T11.
Formation nodulaire en regard de T10-T11, épidurale antérieure, responsable d'une compression médullaire, le cordon médullaire étant refoulé et comprimé en arrière.
A. En isosignal T1. B. Discret hypersignal STIR. C. Se rehaussant de façon intense et homogène avec épaississe- ment méningé adjacent, en queue-d'aronde. 
(Source : CEN, 2019.)

C. Causes intramédullaires

1. Tumeurs

Les causes intramédullaires sont dominées par les tumeurs qui, dans les deux tiers des cas, sont :

2. Malformations vasculaires (cavernome, angiome, fistule artérioveineuse durale périmédullaire)

  • Compression médullaire lente ou hyperpression veineuse (fistule) (figure 6.12), avec un risque hémorragique et ischémique potentiel.
  • L'IRM et, parfois, l'artériographie médullaire (fistule, angiome) visualisent la malformation vasculaire, en établissent le type précis et orientent ainsi la stratégie thérapeutique.

3. Syringomyélie

  • Il s'agit d'une cavité intramédullaire (figure 6.13).
  • Douleurs (névralgie cervicobrachiale, épaule et bras, à type d'étau ou de brûlures), syndrome suspendu – c'est-à-dire ne touchant qu'une fraction des métamères – au niveau des membres supérieurs le plus souvent avec déficit moteur, amyotrophie, aréflexie, hypoesthésie dissociée (purement thermoalgique, (figure 6.14) suspendue, scoliose dans un tiers des cas.

Fig. 6.8.  Neurinome « en sablier » thoracique T5-T6 gauche.
Lésion extramédullaire extradurale, bien limitée, en forme de sablier, développée dans le foramen intervertébral T5-T6 gauche et étendue en dehors dans les espaces paravertébraux et en dedans dans le canal rachidien avec léger effet de masse sur la moelle. Le foramen est très élargi, témoignant du développement lent de la lésion. La lésion est en hyposignal T1, en hypersignal T2 et est rehaussée de manière homogène après injection.
A. T1 axial. B. T1 axial après injection. C. T1 frontal après injection. D. T1 sagittal après injection.
(Source : CEN, 2019.)

  • L'IRM met en évidence la cavité centromédullaire pouvant remonter jusqu'à la moelle allongée (bulbe).
  • Il peut s'y associer une malformation d'Arnold-Chiari (les amygdales cérébelleuses s'engagent dans le trou occipital) ou un aspect d'arachnoïdite séquellaire d'infection ou d'hémorragie méningée.
  • Les cavités syringomyéliques peuvent survenir également dans les suites d'un traumatisme.

Fig. 6.9 Neurinomes multiples responsables d'une compression médullaire dans le cadre d'une neurofibromatose de type 1.
La NF1, ou maladie de von Recklinghausen, est une affection autosomique dominante, à pénétrance clinique complète mais d'expression variable, de manifestation neurocutanée cliniquement hétérogène caractérisée par des taches café-au-lait, des nodules de Lish, des lentigos sur les aisselles et sur la région inguinale, et de multiples neurofibromes, liée à l'anomalie du gène suppresseur de tumeur NF1 (cf. chapitre 25, item 299).
(Source : CEN, 2019.)

Fig. 6.10.  Épendymome cervical en regard de C4-C5.
Masse tissulaire intramédullaire centrée sur la moelle spinale cervicale en regard de C4-C5, avec une part charnue en hypersignal T2, associée à une formation kystique adjacente, avec prise de contraste.
(Source : CEN, 2019.)

Fig. 6.11.  Astrocytome de la moelle spinale.
Volumineux processus expansif du cône terminal étendu de T8 à L1, en hyposignal T1 et T2, avec quelques prises de contraste nodulaires au sein de la lésion après injection. Pas de prise de contraste radiculaire ; intégrité des corps vertébraux.
A. Sagittal T2. B. et C. Sagittal T1 sans puis après injection de gadolinium.
(Source : CEN, 2019.)

Fig. 6.12.  Fistule durale médullaire.
Patient présentant un déficit des membres inférieurs avec des troubles sphinctériens d'apparition progressive.
Coupe sagittale T2. Aspect de fistule durale avec un hypersignal T2 suspendu intramédullaire objectivant la souffrance médullaire chronique et le lacis vasculaire périlésionnel évoquant le drainage veineux périmédullaire.
(Source : CEN, 2019.)

Fig. 6.13.  Syringomyélie.
(Source : CEN, 2019.)

Fig. 6.14.  Syringomyélie.
Hypoesthésie « en cape » révélée par des blessures indolores à répétition. Cavitation filiforme intramédullaire, étendue de C6 à L1, dont le volume apparaît plus important en thoracique bas (avec quelques haustrations au niveau dorsal). La formation kystique apparaît centrée sur le canal épendymaire. Le cône médullaire est en place. Pas d'anomalie discovertébrale notable.
A. Sagittal T2. B. Axial T2.
(Source : CEN, 2019.)

V. Diagnostic différentiel

Tout tableau clinique compatible avec une souffrance médullaire nécessite une IRM pour détecter une compression médullaire lente curable dans un délai rapide, car le patient reste en permanence exposé à un risque d'accident médullaire aigu, même sur un processus d'évolution lente.

Des diagnostics trompeurs peuvent simuler la compression médullaire :

  • devant l'installation subaiguë d'une paraparésie ou une paralysie flasque avec aréflexie ostéotendineuse des membres associée à des troubles sensitifs mais sans trouble sphinctérien, une polyradiculonévrite aiguë peut être évoquée ;
  • l'apparition d'une paraparésie spastique progressive avec d'autres signes de souffrance médullaire associés peut être le premier signe d'une sclérose en plaques, surtout de forme chronique progressive d'emblée, qui nécessitera la réalisation, en plus de l'IRM médullaire, d'une IRM encéphalique et d'une ponction lombaire ;
  • la sclérose latérale amyotrophique peut simuler une compression médullaire, mais les signes sensitifs et sphinctériens sont absents. Il existe de plus des fasciculations et une amyotrophie ;
  • la sclérose combinée de la moelle spinale s'observe au cours de la maladie de Biermer. Le diagnostic est biologique : macrocytose et déficit en vitamine B12.

VI. Principes de la prise en charge

 La compression médullaire constitue toujours une urgence diagnostique (IRM) et thérapeutique car le tableau peut s'aggraver en quelques heures, aboutissant à une paraplégie/tétraplégie complète et définitive. Il peut s'agir d'une urgence neurochirurgicale. Selon l'étiologie, il peut être nécessaire de recourir à une décompression chirurgicale en urgence (laminectomie décompressive, chirurgie d'exérèse, tumorectomie, etc.), plus ou moins associée à une prise en charge complémentaire spécifique (corticothérapie, radiothérapie, antibiothérapie, etc.). Des mesures thérapeutiques associées sont souvent nécessaires (prévention des complications du décubitus, cathétérisme vésical, etc.).

 Les conséquences à long terme d'une compression médullaire peuvent nécessiter une prise en charge du déficit sensitivo-moteur et des séquelles spastiques (molécules antispastiques, rééducation fonctionnelle, cathétérisme vésical, etc.).

 

Syndrome de la queue de cheval

I. Rappels anatomiques

  •  Le syndrome de la queue de cheval correspond à la souffrance des racines de la queue de cheval en dessous du cône terminal de la moelle spinale, entre les corps vertébraux de L2 et le sacrum. Il constitue un syndrome neurogène périphérique pluriradiculaire s'exprimant par des signes au niveau des membres inférieurs et du périnée, dominé par l'importance des troubles sphinctériens.

II. Clinique

A. Troubles sensitifs 

Douleurs fréquentes à type de radiculalgie (cruralgie, sciatalgie) ou de douleurs pluriradiculaires d'un ou des deux membres inférieurs. Des douleurs sacrées périnéales et génitales sont souvent associées, favorisées par les efforts à glotte fermée (toux, défécation). Des paresthésies ou anesthésies dans les membres inférieurs sont fréquentes, de topographie radiculaire. Une hypoesthésie périnéale, des organes génitaux externes et de l'anus est retrouvée, constituant une anesthésie en selle.

B. Troubles moteurs

Ils sont de topographie monoradiculaire ou pluriradiculaire uni- ou bilatérale, le plus souvent asymétriques. Le déficit moteur peut se résumer à une impossibilité de marcher sur les pointes (atteinte de la racine S1) ou sur les talons (L5) ou à une impossibilité d'étendre la jambe sur la cuisse (L3, L4) ou de fléchir la cuisse sur le bassin (L1, L2). À l'extrême, l'atteinte motrice peut aboutir à une paraplégie flasque avec amyotrophie.

C. Réflexes 

L'abolition d'un ou plusieurs réflexes tendineux aux membres inférieurs est habituellement constatée ; les réflexes périnéaux, anaux, bulbocaverneux, clitorido-anaux sont abolis.

D. Troubles génitosphinctériens

Ils apparaissent précocement : retard à la miction ou nécessité de pousser pour uriner. Les mictions impérieuses sont fréquentes (incontinence possible). Habituellement, ces troubles sphinctériens sont accompagnés d'une insensibilité du passage urinaire. Sur le plan anal, la constipation est plus fréquente que l'incontinence fécale. Sur le plan génital, il existe une impuissance ou une anesthésie vaginale.

III. Examens complémentaires

L'IRM est l'examen de choix pour visualiser la compression de la queue de cheval. Le myélo-scanner peut jouer un rôle diagnostique en cas de contre-indication à l'IRM.
L'électromyogramme mettra en évidence des signes neurogènes dans le territoire de la queue de cheval.

IV. Étiologie

  •  Les hernies discales et les épendymomes représentent les causes les plus fréquentes d'un syndrome de la queue de cheval :
    • les hernies discales s'expriment habituellement par un début brutal douloureux, déclenché par un effort faisant suite à des épisodes lombosciatalgiques; l'IRM révèle une hernie exclue, latérale ou médiane, pouvant être associée à des lésions arthrosiques ;
    • les épendymomes du filum terminal sont d'évolution plus lente, mais peuvent s'accompagner d'hémorragies méningées brutales s'exprimant par une violente douleur lombaire.
  • Les neurinomes, les méningiomes, les métastases, les processus infectieux sont plus rares.
  • Le syndrome du canal lombaire étroit peut être congénital ou acquis avec des hernies discales étagées ou arthrose visualisée à l'IRM. Il s'exprime par une claudication radiculaire intermittente douloureuse, progressive à l'effort, cédant à l'arrêt de celui-ci. Il s'y associe des paresthésies et des troubles sphinctériens pouvant aboutir à un syndrome de la queue de cheval.

V. Diagnostic différentiel

  • Il est constitué par l'atteinte du cône terminal de la moelle spinale, qui aboutit à une sémiologie assez proche, mais complétée d'un signe de Babinski (souvent retardé), d'une abolition des réflexes abdominaux inférieurs et de troubles sensitifs remontant jusqu'à un niveau T12-L1. Les réflexes tendineux ne sont pas abolis (et peuvent devenir, hors contexte aigu, pyramidaux).
  • Les polyradiculonévrites aiguës ne présentent habituellement pas de troubles sphinctériens.
  • Les syndromes plexiques lombaires par envahissement néoplasique sont visualisés par l'imagerie pelvienne.

VI. Principes de la prise en charge

 Il s'agit d'une urgence neurochirurgicale et sa reconnaissance impose une IRM en urgence et une prise en charge neurochirurgicale immédiate. Le pronostic fonctionnel, et surtout celui des troubles sphinctériens, dépend étroitement de la durée et de l'intensité de la compression des racines lombosacrées.
Le traitement est chirurgical : son objectif est de décomprimer les racines lombosacrées par une laminectomie lombaire avec exérèse de la lésion compressive.
Des mesures thérapeutiques associées sont souvent nécessaires (prévention des complications du décubitus, cathétérisme vésical, etc.).