Une patiente de 44 ans fut hospitalisée pour des crises convulsives tonico-cloniques généralisées sur la voie publique. L’examen clinique aux urgences objectivait un état cachectique, une confusion avec hémiparésie droite puis un déficit des 4 membres sans syndrome pyramidal. La marche n’était pas évaluable, il n’y a pas d’anomalie des nerfs crâniens, pas de nystagmus, ne de syndrome méningé. La patiente était apyrétique. Le bilan biologique révéla une anémie microcytaire sans syndrome inflammatoire et une élévation des gamma-GT. La recherche des toxiques était négative. Une pré-albumine effondrée et une carence en vitamines B1 et B6 étaient en faveur d’une dénutrition sévère. L’interrogatoire était impossible du fait du syndrome confusionnel. L’IRM cérébrale réalisée en urgences révéla les anomalies suivantes (Figure 1).

Figure 1
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  1. Quel est votre diagnostic ?
  2. Quel est le mécanisme physiopathologique ?

Proposé par Lucie Hopes (Service de Neurologie et pathologie du mouvement, CHRU de Lille).

  1. Le tableau clinique avec syndrome confusionnel, crises convulsives et tétraparésie associé à un hypersignal diffus du corps calleux et des hypersignaux corticaux en séquence T2 Flair (Figure 1) sont en faveur du diagnostic d’encéphalopathie de Marchiafava-Bignami.
  2. C’est une pathologie rare (250 cas recensé depuis 1903) dont la physiopathologie reste encore mal connue (pathologie démyelinisante et carentielle).

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L’encéphalopathie de Marchiafava-Bignami se traduit par un syndrome confusionnel avec troubles de la vigilance, une dysarthrie, une tétraparésie avec parfois un syndrome de dysconnexion calleuse. L’imagerie reflète le processus de démyelinisation et de nécrose du corps calleux 1 puis une évolution séquellaire cavitaire (Figure 2). On peut retrouver des hypersignaux corticaux avec une probable atteinte des fibres commissurales, extra-calleuses, et des fibres associatives cortico-corticales et cortico-sous-corticales avec en anatomopathologie une nécrose laminaire corticale 2. La présence de troubles de la vigilance, d’un hypersignal diffus du corps calleux et d’hypersignaux corticaux serait de moins bon pronostic 3. Les études en spectroscopie ont montré une augmentation de la choline en phase aiguë démyélinisante et des lipides à quelques semaines du début du fait d’un envahissement macrphagique. En imagerie fonctionnelle il existe une hypoperfusion et une diminution franche du métabolisme dans les lobes frontaux et pariétaux, du gyrus orbitaire et du thalamus 4. Le bilan biologique objective souvent une carence en vitamine B1, il est difficile de savoir s’il existe un lien direct entre cette carence et les lésions du corps calleux ou si ces patients ne présentent pas également une encéphalopathie de Gayet Wernicke à bas bruit (terrain de dénutrition et/ou d’alcoolisme chronique) 5. L’évolution est toutefois plus favorable en cas de supplémentation intra-veineuse prolongé de thiamine qui reste le seul traitement ayant montré une efficacité.


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IRM de contrôle (séquence T1 coupe sagittale) de notre patiente à 15 jours du début des troubles avec aspect atrophié et cavitaire du corps calleux.

 

Références :

 

1 Bhat A, Punia V, Lee HJ, Marks D. Corpus callosum fibre disruption in Marchiafava-Bignami dis ease. Pract Neurol. 2013.doi:10.1136/practneurol-2013-000657.

2 Johkura K, Naito M, Naka T. Cortical involvement in Marchiafava-Bignami disease. Am J Neuroradiol. 2005;26(3):670-3.

3 Heinrich A, Runge U, Khaw AV. Clinicoradiologic subtypes of Marchiafava-Bignami disease. J Neurol. 2004;251(9):1050-9.

4 Ishii K, Ikerjiri Y, Sasaki M, Kitagaki H, Mori E. Regional cerebral glucose metabolism and blood flow in a patient with Marchiafava-Bignami disease. Am J Neuroradiol. 1999;20(7):1249-51.

5 Hillbom M, Saloheimo P, Fujioka S, Wszolek ZK, Juvela S, Leone MA. Diagnosis and management of Marchiafava-Bignami disease: a review of CT/MRI confirmed cases. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2013 ;26.doi:10.1136/jnnp-2013-305979.