En mai 2011, sans facteur déclenchant particulier, une femme de 59 ans présenta un tableau d’amnésie pour lequel elle fut adressée au service d’accueil et des urgences. A l’admission on observait une amnésie antérograde massive, avec oubli à mesure, qui s’estompa dans l’heure suivant l’arrivée de la patiente. Durant cet épisode d’amnésie la patiente n’était pas anxieuse, ne reposait pas de façon spontanée les mêmes questions. L’examen neurologique était par ailleurs normal.

La durée totale estimée de l’épisode d’amnésie était de 2 heures. La patiente dit se souvenir du début de celui-ci, d’une sensation de malaise initial, du contexte de survenue (le matin peu après le réveil). Elle garda une amnésie lacunaire complète du reste de l’épisode.
Elle n’avait aucun antécédent médico-chirurgical. Elle dit en particulier n’avoir jamais fait d’épisode similaire. Un EEG réalisé après résolution de l’amnésie fut parfaitement normal. Les fonctions cognitives évaluées à l’aide de la MoCA étaient intègres (score de 30/30). Une IRM cérébrale fut demandée mais réalisée seulement une semaine plus tard.


T1


T2 *


T1 + gadolinium

Quel-est votre diagnostic ?

Références

François Sellal (1), Benjamin Cretin (1), Hélène Oesterlé (2).

(1) CMRR de Strasbourg-Colmar.
(2) Service de Neuroradiologie diagnostique et interventionnelle, Hôpital Pasteur, Colmar.

 

Cet épisode d’amnésie antérograde de deux heures pouvait évoquer un ictus amnésique, puisqu’il réalise un tableau d’amnésie antérograde de moins de 24 heures, isolé et spontanément résolutif. La durée en était un peu brève, car la durée moyenne des ictus amnésiques s’est révélée être, sur une série de 788 cas, de 6,7 heures (Caplan, 1990) ; il n’y avait pas de facteur déclenchant tel qu’une émotion, une douleur, une exposition au chaud ou au froid, un traumatisme mineur, mais on sait que certains ictus amnésiques surviennent sans facteur déclenchant évident ; la patiente n’avait pas de terrain prédisposant, tel qu’une histoire d’anxiété, de migraine ou des facteurs de risque vasculaire, même si ce terrain peut être aussi absent dans les ictus amnésiques (Bartsch et Deuschl, 2010). Les deux éléments sémiologiques les plus atypiques étaient le mode de début, par un malaise, et le souvenir que la patiente gardait de celui-ci, puisque les ictus amnésiques s’accompagnent toujours d’un léger débord rétrograde (oubli de quelques heures à quelques jours). Il en découle que le début de l’ictus n’est jamais rappelé, alors que la fin de l’amnésie est souvent progressive (Guillery-Girard et al, 2004).

L’IRM cérébrale de haute résolution, quand elle est réalisée dans les 48 à 72 heures après un ictus amnésique, peut objectiver des lésions de 1 à 5 mm en séquences de diffusion ou en T2, interprétées comme la conséquence d’un œdème cytotoxique (Bartsch et Deuschl, 2010).

L’IRM réalisée dans notre cas dans un créneau horaire plus lâche, est venue plutôt appuyer l’hypothèse d’une amnésie transitoire symptomatique. En effet on mit en évidence une petite masse extra-axiale, oblongue, de l’échancrure tentorielle gauche, d’environ 8 mm de grand axe sagittal et de 3-4 mm dans le plan coronal. Cette masse était hypo-intense en T2 écho de gradient, en faveur d’une calcification de celle-ci et rehaussée de façon homogène et modérée par l’injection de gadolinium, Elle arrivait au contact de l’artère cérébrale postérieure gauche et était située en regard de la tête de l’hippocampe. Elle présentait toutes les caractéristiques d’un méningiome de la tente du cervelet, un peu protrusif vers la citerne ambiante, susceptible d’être épileptogène.

L’origine épileptique de l’amnésie apparaît bien plus probable. On ne peut cependant affirmer avec certitude le diagnostic d’amnésie épileptique transitoire que si une des 3 conditions suivantes est remplie : i) si les épisodes se renouvellent et disparaissent sous traitement anti-épileptique ; ii) si l’EEG montre des anomalies épileptiformes focales temporales ; iii) ou si l’amnésie est accompagnée de signes évocateurs d’une crise mésio-temporale (automatismes oro-alimentaires, hallucinations olfactives…). La sensation de malaise décrite par notre patiente au début de l’épisode, même si elle n’est pas d’une parfaite spécificité, correspondait sans doute aux premiers symptômes d’une crise mésio-temporale (Butler et al, 2007 ; Bartsch et Deuschl, 2010). L’horaire de survenue, le matin au réveil, est également plus suggestif d’une crise d’épilepsie.

Bien que la patiente pût être considérée comme souffrant d’épilepsie (prédisposition persistante à faire une crise – du fait du méningiome - et survenue d’une crise épileptique), en l’absence de récidive des épisodes amnésiques une abstention thérapeutique fut proposée.

Références :

  1. Caplan LR. Transient Global Amnesia : characteristic features and overview. In: HJ Markowitsch (ed). Transient Global Amnesia and related disorders. Toronto: Hogrefe et Huber, 1990; 15-27.
  2. Guillery-Girard B, Desgranges B, Urban C, Piolino C, de la Sayette V, Eustache F. The dynamic time-course of memory recovery in transient global amnesia. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2004; 75: 1532-40.
  3. Bartsch T, Deuschl G. Transient global amnesia: functional anatomy and clinical implications. Lancet Neurology 2010;9: 205-14.
  4. Butler CR, Graham KS, Hodges JR et al. The syndrome of transient epileptic amnesia. Ann Neurol 2007;61: 587-98.