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Chapitre 19 : Électrophysiologie du système nerveux périphérique

Lytissia Mouhli-Gasmi et Jean-Philippe Camdessanché

 

L'électroneuromyogramme (ENMG) permet une exploration fonctionnelle du SNP de l'émergence de la moelle spinale jusqu'aux muscles. Il permet de confirmer, en complément de l'examen et de l'histoire clinique, la présence d'un syndrome neurogène périphérique, de la jonction neuromusculaire ou d'une atteinte myogène.
Cet examen est composé d'une première partie de « stimulodétection » puis d'une seconde partie de « détection » seule. L'examen de stimulodétection permet une étude des conductions nerveuses (motrices et sensitives) et de la jonction neuromusculaire. L'examen de détection permet quant à lui une évaluation de l'activité électrique des muscles au repos puis lors d'une contraction volontaire.
L'intérêt de cette exploration électrophysiologique est multiple :

  • confirmer ou infirmer une atteinte neuromusculaire ;
  • localiser et déterminer l'étendue des lésions ;
  • caractériser la nature d'une lésion nerveuse (axonale, myélinique) ;
  • évaluer la sévérité ;
  • établir un diagnostic étiologique ou un pronostic dans certains cas.

Examens de stimulodétection et de détection

Examen de stimulodétection

Il permet l'étude des conductions nerveuses (motrices ou sensitives) et de la transmission neuromusculaire (jonction neuromusculaire). Le principe de cette technique consiste à stimuler électriquement le nerf périphérique et à recueillir à distance l'activité électrique à l'aide de deux électrodes de surface sur un muscle (étude des nerfs moteurs ou de la jonction neuromusculaire) ou sur un nerf (étude des nerfs sensitifs) (figure 19.1).

 

 

Figure 19.1 
Examen de stimulodétection.

Flèche noire : stimulation électrique d'un nerf. Flèche rouge : enregistrement sur un muscle par des électrodes de surface.
© Pr Jean-Philippe Camdessanché.

Étude des conductions motrices

Elle consiste à stimuler électriquement un nerf moteur et à recueillir sur un muscle à distance la réponse électrique appelée potentiel global d'action moteur (PGAM). Pour pouvoir mesurer une vitesse de conduction motrice (VCM), il faut stimuler le nerf en deux points : distal et proximal (figure 19.2). Le calcul de cette VCM est réalisé en divisant la distance entre les deux points de simulation par la différence entre la latence proximale et la latence distale.

 

Figure 19.2 
Étude d'une conduction motrice.

Stim 1 : stimulation distale ; Stim 2 : stimulation proximale ; T1 : latence après stimulation distale ; T2 : latence après stimulation proximale. Vitesse de conduction motrice : VCM (m/s) = Distance (mm)/T2 – T1 (ms).
© Pr Jean-Philippe Camdessanché.

 

Lors de l'étude des conductions motrices, on s'intéresse à la latence d'apparition du PGAM, à son amplitude et à la vitesse de conduction. Une diminution d'amplitude du PGAM quel que soit le point de stimulation correspond à une atteinte axonale (perte des axones dans le cadre d'un processus neuropathique). Si l'amplitude est conservée après stimulation distale mais diminuée après stimulation proximale, il s'agit d'un bloc de conduction (certaines fibres démyélinisées mais dont l'axone est sain « bloquent » le passage du stimulus).
La stimulation d'un nerf moteur donne lieu à une conduction orthodromique (dans le sens de la physiologie vers le muscle) et une conduction antidromique (dans le sens inverse de la physiologie) qui va du nerf vers le plexus, puis la racine ventrale du nerf spinal et la corne ventrale de la moelle spinale. Ceci entraîne la dépolarisation d'un petit nombre de neurones moteurs, et donc une réponse musculaire tardive appelée onde F.

Étude des conductions sensitives

Elle consiste à stimuler électriquement un nerf sensitif et à recueillir à distance, par deux électrodes de surface, la réponse électrique appelée potentiel d'action sensitif (PAS). On s'intéresse alors à l'amplitude du PAS et à la vitesse de conduction sensitive (VCS).
Une diminution de la VCS peut traduire un ralentissement de conduction par une atteinte de la myéline du nerf. Une diminution d'amplitude du PAS traduit une dégénérescence axonale.

Attention

Seules les atteintes sensitives préganglionnaires (dans le sens de la physiologie, c'est-à-dire les plus distales) engendrent une atteinte des conductions sensitives à l'ENMG. Si l'atteinte sensitive est post-ganglionnaire (atteinte de la racine dorsale du nerf spinal après le ganglion spinal dorsal par exemple), l'ENMG est alors normal car la portion la plus périphérique du nerf ne dégénère pas.

Étude de la jonction neuromusculaire

Cet examen a pour but d'évaluer la transmission entre le nerf et le muscle. L'étude de la jonction neuromusculaire est possible en enregistrant la réponse électrique musculaire par une électrode de recueil sur un muscle après stimulation électrique répétitive d'un nerf moteur. Généralement, on effectue une dizaine de stimulations consécutives à fréquence fixe. On recherche alors une modification d'amplitude des potentiels d'action moteurs (réponse musculaire) au cours des stimulations. En situation non pathologique, aucune modification d'amplitude n'est constatée. Une diminution d'amplitude est appelée décrément et une augmentation est appelée incrément.
Les stimulations répétitives à basse fréquence (3 Hz) ont pour but de démasquer la présence d'un bloc de transmission post-synaptique, caractéristique de la myasthénie (figure 19.3). On visualise alors un décrément d'au moins 10 %.

 

 

Figure 19.3 
Bloc de transmission post-synaptique.
Décrément > 10 % lors des stimulations répétitives à basse fréquence.
© Pr Jean-Philippe Camdessanché.

 

La présence d'un incrément lors des stimulations répétitives à haute fréquence (20-30-50 Hz) traduira la présence d'un bloc de transmission présynaptique, présent dans le syndrome de Lambert-Eaton et le botulisme.

Examen de détection

Le principe de cette technique consiste à insérer une aiguille de recueil dans un muscle qui permet d'enregistrer les activités électriques spontanées d'un groupe de fibres musculaires au repos, puis lors d'une contraction volontaire.

Au repos

Lors de l'examen de détection au repos, aucune activité électrique en provenance du muscle n'est normalement détectable. Lors d'une atteinte neurogène surtout, des activités spontanées sont enregistrées. On retrouve alors la présence de potentiels de fibrillations, d'ondes lentes positives ou de potentiels de fasciculations. Ces anomalies correspondent à un découplage à quelque niveau que ce soit entre le muscle et son neurone moteur (neuronopathie motrice, radiculopathie, plexopathie, neuropathie, myopathie nécrosante). La présence d'activités de repos en cas d'atteinte neurogène signe une atteinte axonale.

À l'effort

Lors de l'enregistrement du muscle à l'effort, on s'intéresse au recrutement des unités motrices, à la richesse du tracé selon l'effort fourni et à la morphologie des potentiels d'unité motrice (PUM) enregistrés.
Lors d'une contraction volontaire à effort minimal, on peut observer un tracé simple composé de quelques PUM. Lors d'une contraction musculaire volontaire plus importante, on constate une accélération de ces PUM et un recrutement de nouvelles unités motrices. On aboutit alors à un tracé de plus en plus riche et rapide, appelé tracé interférentiel (figure 19.4), lors d'un effort maximal en condition normale.

  • Un tracé trop pauvre mais accéléré (figure 19.5) traduit un manque d'unités motrices fonctionnelles secondaire à une dégénérescence axonale ou à un bloc de conduction. Les unités motrices restantes déchargent à une fréquence élevée classiquement supérieure à 25 Hz. C'est ce que l'on appelle la somation temporelle. Ces anomalies sont visibles lors d'une atteinte neurogène. En cas d'atteinte neurogène chronique, on peut observer des potentiels géants (PUM de grande taille, > 5-10 mV) et polyphasiques, traduisant une réinnervation collatérale.
  • Un tracé est trop riche et microvolté (figure 19.6) traduit un manque de fibres musculaires fonctionnelles. Les unités motrices ayant perdu des fibres, les PUM sont alors brefs et peu amples. Pour un faible effort, le muscle doit engager plus d'unités motrices dans la contraction, expliquant le tracé rapidement trop riche. C'est ce que l'on appelle la somation spatiale. Ce type de tracé est retrouvé lors de syndrome myogène.

 

 

Figure 19.4 
Tracé électromyographique interférentiel normal.
© Pr Jean-Philippe Camdessanché.

 

 

 

Figure 19.6 
Tracé électromyographique myogène.
Potentiels d'unité motrice brefs et peu amples.
© Pr Jean-Philippe Camdessanché.

 

 

 

Figure 19.5 
Tracé électromyographique neurogène simple.
Un seul potentiel bat à une fréquence élevée > 25 Hz.
© Pr Jean-Philippe Camdessanché.

Atteintes axonale et démyélinisante

Atteinte axonale

Une atteinte axonale est caractérisée à l'ENMG par :

  • une réduction marquée des amplitudes des potentiels d'action (sensitifs ou moteurs) après stimulation distale ou proximale ;
  • l'absence d'allongement des latences distales (sauf en cas d'atteinte sévère) ;
  • l'absence de ralentissement des vitesses de conduction (sauf en cas d'atteinte sévère) ;
  • l'absence de bloc de conduction ;
  • la présence d'activité spontanée au repos en détection (fibrillations, ondes lentes positives, fasciculations) ;
  • la présence d'un tracé pauvre accéléré (> 25 Hz) en contraction volontaire lors de la détection (avec des potentiels de grandes amplitudes et polyphasiques en cas d'atteinte chronique).

Atteinte démyélinisante

Une atteinte démyélinisante est caractérisée à l'ENMG par :

  • une augmentation des latences distales motrices ;
  • une diminution des vitesses de conduction ;
  • un allongement de la latence des ondes F ;
  • la présence de blocs de conduction ;
  • l'absence de diminution d'amplitude des potentiels d'action ou un étalement de ces potentiels avec conservation de l'aire sous la courbe correspondant à une dispersion temporelle du PGAM.
  • L'ENMG permet l'exploration du système nerveux périphérique : neurone moteur périphérique, racines, plexus, troncs nerveux, jonction neuromusculaire et muscle.
  • La stimulodétection correspond à l'enregistrement des vitesses de conduction motrices ou sensitives ainsi qu'aux stimulations répétitives pour étudier la jonction neuromusculaire.
  • La détection correspond à l'étude du muscle au repos puis lors d'une contraction à la recherche d'un profil neurogène ou myogène.
  • En cas de neuropathie, l'ENMG permet de classer l'affection comme correspondant plutôt à une atteinte primitive de l'axone ou de la gaine de myéline.

Voir QRM chapitre 32.