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Chapitre 6 : Introduction à l'approche clinique en neurologie

Fabien Zagnoli

 

L'examen neurologique a la réputation parmi les étudiants et les médecins d'être difficile, d'associer des mots d'apparence mystérieuse (par exemple l'adiadococinésie) et des concepts quelquefois complexes (par exemple l'anesthésie douloureuse). Cet a priori, qui traduit la complexité du système nerveux, est également le fruit d'une histoire. L'objectif des premiers neurologues était de percer les mystères de son dysfonctionnement grâce à leur examen clinique dont la seule validation était souvent la confrontation anatomique. Même si désormais, les examens d'imagerie, de biologie moléculaire, d'électrophysiologie permettent d'accéder de façon bien plus rapide et précise au diagnostic, l'examen clinique neurologique reste soumis à une sémiologie rigoureuse préalable. : que vaut un génotype si le phénotype n'est pas précis, quel est l'apport d'une IRM (imagerie par résonance magnétique) cérébrale si la lésion est médullaire ?
L'examen neurologique doit être ciblé, complet et structuré (« neuro-logique ») :

  • ciblé, c'est-à-dire centré sur les symptômes, la plainte du patient : un déficit sensitif ou moteur d'une main nécessite un examen détaillé des différents groupes musculaires, des aires sensitives et de la fonction de la main incriminée ;
  • complet. Au-delà de la plainte du patient, il convient de rechercher les signes qui permettent d'orienter le diagnostic : face à un déficit sensitivomoteur d'une main, l'existence d'un affaissement homolatéral de la commissure des lèvres et d'un signe de Babinski oriente vers une lésion encéphalique et non une atteinte périphérique ;
  • structuré (« neuro-logique »), c'est-à-dire qu'il obéit à un ordre de réalisation donnant une cohérence à l'interprétation des signes recueillis.

Objectif de l'examen neurologique

L'objectif est d'établir, sur la base des signes et des symptômes, un diagnostic syndromique, puis topographique et enfin étiologique.

Diagnostic syndromique

C'est l'interrogatoire du patient et parfois de son entourage qui permet de préciser les symptômes, de mieux connaître leur ancienneté, leurs circonstances de survenue, leur mode d'installation, les facteurs aggravants et atténuants, leur évolutivité, leur intensité, leur retentissement sur la vie quotidienne. Le contexte d'installation et le recueil des antécédents personnels et familiaux, la notification des prises médicamenteuses ou des expositions à des toxiques conduisent le plus souvent à une première orientation étiologique. Parfois, seul l'interrogatoire permet un diagnostic car dans certaines situations, les symptômes sont transitoires et l'examen clinique est normal (épilepsie, migraine, accident ischémique transitoire, etc.).
Les signes recueillis, associés aux symptômes, permettent de définir l'existence d'un syndrome spécifique. Chaque syndrome traduit la désorganisation d'un système neurologique fonctionnel (pyramidal, cérébelleux, sensitif, extrapyramidal, etc.). Il est constitué d'un ensemble de signes et de symptômes « productifs » (augmentation du tonus, crampes, fasciculations, hypertrophie musculaire, paresthésies, dysesthésies, douleurs, vivacité des réflexes, vertiges, etc.) mais aussi « déficitaires » (parésie, amyotrophie, hypoesthésie, abolition des réflexes, perte de l'équilibre, etc.), ces éléments sémiologiques pouvant être associés entre eux.

Diagnostic topographique

L'étape suivante, essentielle, est celle du diagnostic topographique. Elle repose sur la connaissance de l'anatomie et le résultat de l'étape précédente. Elle permet d'établir le siège de la lésion ou du processus responsable de l'état clinique.
Parfois, le diagnostic topographique est explicite : syndrome occipital ou pariétal, syndrome extrapyramidal. Souvent, les associations syndromiques orientent vers une topographie : un syndrome pyramidal et des troubles sensitifs dissociés controlatéraux font évoquer un syndrome de Brown-Séquard et donc une atteinte médullaire. Au contraire, si l'hypoesthésie est homolatérale, non dissociée, touche la face, on évoque plutôt une lésion capsulothalamique ou corticale.
Outre le fait que cette étape du diagnostic topographique permet souvent d'évoquer un diagnostic étiologique (un syndrome pyramidal associé à un syndrome neurogène périphérique signe une maladie du motoneurone), elle permet de choisir et guider les examens complémentaires.

Diagnostic étiologique

Ce n'est qu'une fois les diagnostics syndromique (ex : syndrome pyramidal) et topographique (ex : lésion cervicale) posés que l'on peut aborder efficacement la démarche étiologique (encadré 6.1). Cette partie est développée dans l'enseignement du 2e cycle.

Encadré 6.1 Les neuf grandes catégories étiologiques retenues en neurologie

  1. Vasculaire : caractérisée par l'atteinte focale et la brutalité de l'installation.
  2. Inflammatoire : atteinte focale ou multifocale d'installation rapidement progressive en quelques heures
  3. Tumorale : atteinte, le plus souvent focale, étendue en tache d'huile, lentement, sur plusieurs jours ou plusieurs semaines.
  4. Toxique : atteinte neurologique souvent diffuse dans un contexte qui n'est pas toujours évident.
  5. Métabolique et carentielle : qu'il s'agisse d'un trouble ionique de la glycémie, d'un bilan hépatique perturbé, d'une perturbation hormonale ou de carence vitaminique, la symptomatologie peut être très variée avec parfois des tableaux spécifiques (paralysie périodique des hypo ou hyperkaliémies, sclérose combinée de la moelle par carence en vitamine B12).
  6. Infectieuse : peut être évoquée même en l'absence de fièvre.
  7. Dégénérative ou neuroévolutive : de nombreuses pathologies neurologiques telles que par exemple les maladies d'Alzheimer et de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique, etc. sont liées à une mort neuronale progressive (cf. chapitre 28). Le tableau clinique est souvent d'installation lente et s'enrichit avec l'évolution.
  8. Génétique : des pathologies neurologiques monogéniques peuvent être suspectées dès l'interrogatoire lorsque les antécédents familiaux sont évocateurs, comme dans la maladie d'Huntington, la myopathie de Duchenne ou la maladie de Charcot-Marie-Tooth, etc. Les progrès de la biologie moléculaire et de la connaissance des mécanismes protéiques mis en jeu font qu'un nombre non négligeable de pathologies dites neuroévolutives se voient attribuer un lien avec des « protéinopathies » (cf. chapitre 28).
  9. Idiopathique : cette catégorie permet de classer les pathologies pour lesquels nous n'avons pas encore de cause identifiée : certains syndromes épileptiques, des mouvements anormaux, etc.

Déroulement de l'examen

Chaque étape de l'examen doit permettre de répondre de plus en plus précisément et de façon logique à ces objectifs.

Interrogatoire

Il permet de recueillir l'ensemble des symptômes, le contexte et les antécédents du patient. Un antécédent familial de myopathie ou un contexte d'alcoolisme chronique sont des éléments d'orientation étiologique importants face à un déficit moteur ou un trouble de l'équilibre.

Inspection

Elle est à la fois globale et analytique : l'attitude générale, la statique, la marche, les mouvements spontanés des différents segments de membres sont à analyser dès la salle d'attente car le patient ne se sent pas encore observé. Une marche en fauchant associée une attitude en flexion du membre supérieur homolatéral traduit un syndrome pyramidal alors qu'une perte du ballant d'un bras, un raccourcissement du pas, un faciès un peu figé évoquent d'emblée un syndrome extrapyramidal.

Motricité

Il est habituel de débuter par l'examen de la motricité globale (la marche et l'attitude) et segmentaire. L'analyse segmentaire repose sur la recherche de troubles trophiques, le testing musculaire, la fatigabilité à travers les manœuvres de Barré et de Mingazzini, l'exploration du tonus. L'examen doit toujours être comparatif droite/gauche mais aussi proximal/distal. Cet examen permet de se poser la question : y a-t-il un syndrome moteur ? Le cas échéant, est-il uni ou bilatéral, proportionnel ou non, proximal ou distal, de quelle importance ? Correspond-il à une topographie anatomique spécifique ?

Sensibilité

Ce déficit moteur est-il isolé ou associé à un trouble sensitif ? Là encore, l'examen doit être comparatif droite/gauche, proximal/distal mais doit également explorer les différentes modalités de la sensibilité :

  • épicritique (regroupe la perception du tact fin et conscient permettant la discrimination et la localisation des informations et la proprioceptive consciente avec la pallesthésie et la kinesthésie) ;
  • protopathique (regroupe la perception du tact grossier, de la température et de la douleur) ;
  • proprioceptive profonde inconsciente (informe le cervelet pour sa fonction de contrôle du mouvement).

L'examen permet de définir l'existence d'anomalies homogènes (à tous les modes) ou dissociées. Cela permet de savoir si l'on se trouve devant un déficit moteur pur, sensitif pur ou sensitivomoteur et, dans ce dernier cas, si l'atteinte est cohérente sur le plan anatomique. La question qui se pose alors est de savoir si ce déficit moteur et/ou sensitif est central ou périphérique.
L'examen des réflexes ostéotendineux (ROT) et cutané permet d'y répondre.

Réflexes

Des réflexes ostéotendineux vifs, diffusés, polycinétiques associés à un réflexe cutané plantaire (RCP) en extension (signe de Babinski), une abolition des réflexes cutanés abdominaux ou crémastériens traduisent un syndrome pyramidal et donc une atteinte centrale. Inversement, une diminution ou une abolition des ROT oriente vers une atteinte neurogène périphérique alors que leur normalité avec disparition de réflexes idiomusculaires est plutôt en faveur d'un syndrome myogène.

Coordination

Son étude doit être effectuée à ce stade de l'examen clinique car la coordination ne peut s'analyser qu'en fonction de la motricité : une parésie proximale rend ininterprétable sur le plan de la coordination l'épreuve talon-genou ou doigt-nez. Cet examen de la coordination évalue la fonction cérébelleuse et l'implication du cervelet mais aussi de ses voies efférentes dans la symptomatologie.

Paires crâniennes

Un déficit moteur ou sensitif associé à une atteinte d'un ou plusieurs nerfs crâniens controlatéraux, signe une lésion focale du tronc cérébral. Si, en revanche, l'atteinte ne concerne que le facial inférieur et est homolatérale au déficit, il s'agit alors d'une atteinte encéphalique.

Fonctions supérieures

Les fonctions cognitives, si elles ne constituent pas la plainte initiale, sont évaluées de façon implicite tout au long de l'examen. Si, en revanche, elles sont le motif de consultation, il convient de débuter l'examen par leur évaluation car sinon cela conduirait à prendre pour un déficit moteur ou sensitif un trouble de la compréhension des ordres simples ou un trouble praxique.

Ainsi compris et structuré, l'examen neurologique suit une logique qui permet à son terme d'aboutir à un triple diagnostic : syndromique, topographique, étiologique. Il guide de façon précise les explorations complémentaires utiles. Malgré tout le soin apporté à chaque examen, il faut néanmoins garder à l'esprit qu'il existe une variabilité intra et interexaminateur, que l'examen clinique doit être répété car le processus pathologique est souvent évolutif, et que la confrontation anatomo/radio/biologique/clinique rend souvent humble.

  • L'examen neurologique procède d'une démarche rigoureuse, logique dont l'objectif est de poser, à partir des symptômes du patient et des signes recueillis, un diagnostic syndromique.
  • Ce diagnostic syndromique, en objectivant le dysfonctionnement de certaines structures du système nerveux, permet de poser un diagnostic topographique (ex : atteinte centrale ou périphérique).
  • Le diagnostic étiologique (processus vasculaire, inflammatoire, tumoral, toxique, métabolique, infectieux, dégénératif, génétique) est la dernière étape de cette démarche.

Voir QRM chapitre 32.