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Chapitre 13 : Sémiologie des céphalées

Elisabeth Ruppert et Nathalie Nasr

 

Les céphalées, ou douleurs crâniennes, représentent l'un des symptômes les plus fréquents en médecine. Ne sont envisagées ici que les plus fréquentes ou les plus graves. On distingue :

  • les céphalées chroniques, souvent présentes pendant plusieurs années ou mois, migraine et céphalée de tension ;
  • des céphalées aiguës ou subaiguës, installées en quelques heures ou jours, le syndrome méningé et l'hypertension intracrânienne (HTIC).

Céphalées chroniques

La migraine et les céphalées de tension sont des diagnostics d'interrogatoire. Cependant, il convient de réaliser un examen neurologique complet. Des points d'appel focaux peuvent orienter vers un diagnostic différentiel, notamment un processus expansif. Le diagnostic d'une première crise de migraine est délicat et nécessite d'avoir écarté au préalable les autres causes de céphalée aiguë.

Céphalée migraineuse

La migraine est la cause la plus fréquente de céphalées. Son étiologie est multifactorielle (composantes génétique, hormonale, alimentaire, psychique) et sa physiopathologie est complexe. Les céphalées évoluent par crises, entre lesquelles le malade ne souffre pas. On distingue la migraine sans aura et la migraine avec aura. Le diagnostic repose sur les critères diagnostiques internationaux de migraine. On recherche la présence d'au moins 5 crises céphalalgiques durant chacune de 4 à 72 heures avec au moins 2 des 4 caractéristiques suivantes :

  1. topographie unilatérale, le mot « migraine » vient de « hémicrânie » ;
  2. pulsatile, la douleur est battante comme le pouls ;
  3. intensité modérée à sévère, gênant ou empêchant les activités quotidiennes ;
  4. aggravation par la marche ou toute autre activité physique habituelle.

Durant la céphalée, on recherche la présence d'au moins un des deux symptômes suivants :

  • photophobie et phonophobie ;
  • nausées et/ou vomissements.

Dans les cas typiques, le malade raconte qu'il doit interrompre ses activités et s'allonger dans l'obscurité, à l'abri du bruit.
La migraine avec aura est moins fréquente. L'aura migraineuse est définie par un déficit neurologique focal traduisant une « dépression neuronale corticale » de physiopathologie complexe. Cette symptomatologie s'installe de façon progressive, en quelques minutes, et dure moins de 60 minutes. Plusieurs déficits peuvent se succéder. L'aura la plus fréquente est ophtalmique, réalisant un scotome (amputation du champ visuel), une hémianopsie latérale homonyme (ou quadranopsie), avec parfois des scintillements ou des flashs lumineux. Dans la migraine ophtalmique, les troubles peuvent être monoculaires. D'autres déficits tels que des paresthésies (brachiofaciales ou hémicorporelles) ou une aphasie peuvent également survenir ou succéder au trouble visuel. Des céphalées ayant les mêmes caractéristiques qu'une céphalée migraineuse sans aura suivent cette symptomatologie ou, plus rarement, surviennent de manière synchrone.

Céphalées de tension

Leur physiopathologie est mal connue et une composante psychologique est parfois identifiable. Les critères diagnostiques internationaux les opposent point par point aux migraines. On recherche la présence d'au moins 2 critères parmi les 4 suivants :

  1. douleur de type pression, pesanteur, non pulsatile ;
  2. intensité légère à modérée, gênant mais n'empêchant pas les activités ;
  3. topographie bilatérale, souvent postérieure en regard de la nuque, de l'occiput ;
  4. absence d'aggravation par la marche.

On recherche également l'absence de nausées ou de vomissements et de phono ou de photophobie. Ces céphalées peuvent être :

  • permanentes et quotidiennes, il s'agit alors de « céphalées chroniques quotidiennes » ;
  • épisodiques, durant de 30 minutes à 7 jours.

Céphalées aiguës ou subaiguës

Une céphalée inhabituelle, aiguë ou subaiguë, nécessite une prise en soins urgente. Elle peut témoigner d'un mécanisme physiopathologique vasculaire, infectieux ou inflammatoire sous-jacent pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Les examens complémentaires comportent une étude du liquide cérébrospinal (cf. chapitre 17) devant un syndrome méningé. L'imagerie cérébrale (scanner ou IRM) peut montrer la lésion causale et ses conséquences. En cas d'HTIC, on observe un effet de masse avec engagement sous la faux du cerveau, un déplacement de la ligne médiane, un effacement des sillons et des ventricules, un engagement temporal sur les coupes coronales. La ponction lombaire est contre-indiquée en cas de risque d'engagement cérébral.

Céphalée du syndrome méningé

Le syndrome méningé est fait de l'ensemble des symptômes et signes cliniques traduisant une souffrance des espaces méningés. Les récepteurs à la douleur situés dans les méninges réagissent :

  • à la présence de sang dans une hémorragie méningée ;
  • à un processus inflammatoire dans la méningite.

La céphalée est intense, diffuse « en casque » et parfois associée à des rachialgies et une hyperesthésie diffuse pouvant rendre le malade hostile à l'examen. Les autres symptômes sont les vomissements et la photophobie. On recherche des signes cliniques d'une raideur méningée. À l'observation, elle est évoquée devant une attitude « en chien de fusil » du malade. À l'examen physique, une raideur de la nuque est mise en évidence par la résistance à la flexion passive de la nuque. On recherche la présence d'un signe de Kernig avec une résistance douloureuse à l'action de plier les cuisses sur le bassin les jambes étendues ou d'un signe de Brudzinski avec une flexion involontaire des membres inférieurs lorsqu'on tente de fléchir la nuque. Il faut rechercher également des signes de gravité, notamment la présence

  • d'un trouble de la vigilance avec une tendance à la somnolence, voire une évolution vers un coma ;
  • de signe(s) de localisation de type déficit moteur, sensitif, aphasie ;
  • d'une crise d'épilepsie focale ou généralisée.

Céphalée du syndrome d'hypertension intracrânienne

Les hémisphères cérébraux et cérébelleux sont contenus par de solides structures méningées dure-mériennes, la faux du cerveau et la tente du cervelet, au sein d'une boîte crânienne inextensible. Toute expansion de volume du parenchyme cérébral exerce une pression sur les récepteurs à la douleur situés dans les méninges, entraînant des céphalées. L'hyperpression gêne le retour veineux du nerf optique entraînant des symptômes visuels. Un cône de pression s'exerce également vers les espaces où le parenchyme peut s'engager. L'engagement cérébral correspond à une hernie d'une partie du cerveau siégeant dans un compartiment intracrânien donné, hors de ce dernier à travers un orifice naturel de la dure-mère, à la suite d'une hyperpression dans le compartiment. On distingue deux types d'engagements :

  • temporal avec hernie de la partie médiale du lobe temporal vers la fosse postérieure et faisant suspecter une lésion focale sus-tentorielle ;
  • cérébelleux avec hernie des tonsilles cérébelleuses dans le foramen magnum et faisant suspecter une lésion focale sous-tentorielle.
    L'HTIC peut être due à :
  • un processus expansif intracrânien volumineux (tumeur, hémorragie, infarctus) ;
  • une dilatation ventriculaire aiguë ;
  • une thrombose veineuse cérébrale.

Le syndrome d'HTIC est une urgence vitale. Un engagement cérébral peut entraîner le décès à la suite d'une compression de structures cérébrales vitales au niveau du tronc cérébral ou des artères cérébrales. Les céphalées :

  • sont typiquement diffuses, « en casque », parfois localisées ;
  • sont souvent intenses, atroces de type broiement, éclatement, etc. ;
  • réveillent la nuit, notamment au petit matin ;
  • surviennent par crises de plusieurs heures ;
  • sont accrues par le moindre effort tel que la marche, la rotation de la tête, un effort de toux ;
  • sont peu sensibles aux antalgiques usuels.

Les autres symptômes sont :

  • les vomissements, typiquement « en jet », au paroxysme de la céphalée, mais qui sont inconstants avec parfois seulement des nausées ;
  • des troubles visuels avec une impression de flou ou de brouillard bilatéral, parfois des « éclipses visuelles » pendant lesquelles le malade se retrouve dans le noir quelques secondes, et une diplopie est possible par atteinte du nerf crânien VI, long et fragile.

L'examen clinique recherche d'autres signes cliniques d'HTIC.
L'œdème papillaire recherché à l'examen du fond d'œil est tardif, donc inconstant, et comporte :

  • des bords de la papille optique flous ;
  • une papille elle-même floue, avec des veines turgescentes ;
  • une papille qui fait saillie et comporte des microhémorragies ;
  • une évolution vers une atrophie de la papille optique, irréversible, qui survient en l'absence de traitement.

Les troubles de la vigilance vont d'un ralentissement de l'idéation, vers une somnolence puis évoluent vers un coma. D'autres signes cliniques sont recherchés en faveur d'un engagement temporal avec mydriase d'abord réactive, puis aréactive à la lumière et troubles de la vigilance. La présence de crises d'épilepsie ou de signes déficitaires de type hémiparésie, aphasie ou hémianopsie peut orienter vers une lésion causale.

  • Les céphalées les plus fréquentes sont les céphalées migraineuses et les céphalées de tension. Il s'agit de céphalées chroniques caractérisées à la fois par leur évolution dans le temps et les caractéristiques sémiologiques de chaque épisode céphalalgique.
  • Les céphalées aiguës peuvent être en lien avec un syndrome méningé ou une hypertension intracrânienne, par exemple avec une hémorragie méningée à la suite de rupture d'un anévrisme et constituent une urgence neurologique.

Voir QRM chapitre 32.