Guillaume Charbonnier et Thierry Moulin
La tomodensitométrie (TDM) connue communément sous le nom de « scanner » est une modalité d'imagerie médicale irradiante utilisant une source de rayons X et des détecteurs en rotation, permettant l'obtention rapide de coupes fines sur un volume d'exploration donné. Des logiciels de reconstruction permettent ensuite de visualiser des coupes dans tous les plans de l'espace. Les images obtenues utilisent les différentes propriétés d'absorption des rayons X des divers tissus de l'organisme. On parle ainsi d'hyperdensité ou d'hypodensité pour décrire un tissu ou une lésion apparaissant plus « blanche » ou plus « noire ». La définition et le contraste sont meilleurs pour les tissus les plus denses tels que l'os, et plus limités pour les tissus mous.
Les applications de la TDM dans les pathologies neurologiques sont multiples et permettent notamment de rechercher rapidement des saignements intracrâniens, des occlusions artérielles intracrâniennes, des fractures du rachis, etc. Son utilisation en pratique clinique est fréquente du fait de la disponibilité de l'examen, de son coût et de la rapidité de réalisation des images. C'est souvent la première imagerie d'urgence réalisée lors de la suspicion d'une atteinte lésionnelle du système nerveux.
La TDM présente cependant des limites pour la visualisation du parenchyme cérébral ou de la moelle spinale, qui peuvent nécessiter des compléments, voire d'emblée une IRM dans certaines situations cliniques.
Indications
La TDM est utile dans des situations très variées. Comme pour tout examen complémentaire, il est fondamental que le médecin responsable du soin du patient établisse une analyse sémiologique syndromique précise de la situation clinique afin de poser des hypothèses étiologiques pour adapter au mieux l'exploration d'imagerie.
Le tableau 20.1 présente une liste d'examens les plus répandus en situation d'urgence, avec les questions cliniques les plus fréquentes en rapport.
Tableau 20.1
Principales indications neurologiques de la tomodensitométrie.
Région explorée | Situation clinique | Anomalie recherchée |
---|---|---|
Exploration encéphalique | Déficit neurologique récent (SNC encéphalique) | Accident vasculaire cérébral |
Déficit neurologique progressif | Tumeur cérébrale | |
Céphalées inhabituelles | Hémorragie méningée ou parenchymateuse, anévrisme intracrânien, thrombose veineuse cérébrale, dissection des troncs supra aortiques, hydrocéphalie | |
Crise d'épilepsie | Lésion cérébrale, lésion traumatique post-critique | |
Traumatisme crânien | Hématome subdural, extradural, hématome parenchymateux, contusions cérébrales, fracture osseuse | |
Troubles cognitifs et comportementaux | Exclusion de toute lésion cérébrale précédente surtout en cas d'altération récente et rapide Recherche d'une atrophie corticale en cas de suspicion de maladie neurodégénérative | |
Exploration cervicoencéphalique | Déficit neurologique et cervicalgies | Dissection des troncs supra-aortiques |
Déficit neurologique et souffle carotidien | Athérome sténosant des troncs supra-aortiques | |
Exploration rachidienne | Traumatisme rachidien | Fracture vertébrale |
Déficit neurologique récent (SNC médullaire) | Hématome extradural, hernie compressive | |
Rachialgie avec signe lésionnel/sous-lésionnel |
SNC : système nerveux central.
À l'inverse, certaines situations cliniques sont peu adaptées à une exploration par TDM, car elles impliquent la recherche de lésions qui sont peu ou pas visibles sur cet examen. C'est le cas de la plupart des petites lésions médullaires car la moelle spinale est très mal visualisée, étant donné sa proximité avec le canal rachidien qui entraîne des artefacts osseux. Au niveau encéphalique, la TDM a une mauvaise sensibilité pour détecter des petites lésions ou des lésions situées près de la voûte ou de la base du crâne du fait des mêmes artefacts osseux. Une situation clinique fréquente est la recherche de lésion dans une suspicion d'AVC mais, même si la TDM a une bonne sensibilité pour détecter une hémorragie, elle est beaucoup moins performante que l'IRM pour détecter des signes d'ischémie, en particulier en phase précoce. Le degré d'urgence dans la réalisation d'une TDM est fonction de son impact thérapeutique. En particulier, l'apparition d'un déficit neurologique de moins de 24 heures doit entraîner la réalisation d'une imagerie de toute urgence, si possible dans les minutes suivant la prise en soins, car une partie des AVC ischémiques sont redevables d'un traitement de reperfusion en urgence, pour lequel les minutes perdues impactent la récupération.
Sémiologie
Des différences d'un individu à l'autre peuvent être observées sans signification pathologique, notamment en fonction de l'âge. Ceci souligne l'importance de tenir compte du tableau clinque au décours de l'interprétation des examens. D'autres anomalies peuvent orienter de manière spécifique vers la pathologie sous-jacente dont les principales sont présentées infra.
TDM encéphalique normale
Les différents tissus cérébraux ont différentes propriétés d'absorption des rayons X. Les images reconstruites à partir d'une TDM sont des coupes en niveau de gris. Les structures absorbant naturellement de manière intense les rayons X comme l'os (crâne, rachis, calcifications) apparaissent hyperdenses (en « blanc ») alors que les structures les absorbant peu (graisse, liquide cérébrospinal) apparaissent hypodenses (en « noir »).
Exemple
La substance grise (cortex, noyaux gris centraux) apparaît dans un gris plus clair que la substance blanche.
Le tissu cérébral est analysé en TDM en fonction du terrain. En effet, un patient âgé peut fréquemment présenter des sillons corticaux plus marqués, entourés de liquide cérébrospinal, ou un élargissement des ventricules (figure 20.1). Ces signes chez un patient plus jeune peuvent faire évoquer une atrophie corticale ou une hydrocéphalie. Il est donc fondamental de connaître la présentation clinique avant d'analyser une imagerie médicale.

Figure 20.1
Exemples de tomodensitométries encéphaliques normales à 20 ans (A) et 80 ans (B).
Dilatation ventriculaire et élargissement des sillons corticaux du patient âgé en comparaison au patient jeune.
La TDM sans injection (native) peut être complétée par des acquisitions après injection intraveineuse de produit de contraste iodé. Les principales contre-indications sont l'allergie aux produits de contraste iodés et l'insuffisance rénale. On peut réaliser l'acquisition à des temps différents suivant l'injection en fonction de la pathologie explorée.
- Le temps artériel permet d'identifier des pathologies vasculaires, notamment des artères intracérébrales du cercle artériel de la base du cerveau (polygone de Willis). Les plus fréquentes sont les occlusions, sténoses (rétrécissements), anévrismes (dilatation de la paroi artérielle à risque hémorragique). On peut également étudier les artères cervicales à destinée cérébrale (troncs supra-aortiques).
- Le temps veineux permet principalement de rechercher des pathologies du système veineux, principalement une thrombose veineuse cérébrale.
- Le temps tardif permet également de mettre en évidence des rehaussements lésionnels par rupture de la barrière hématoencéphalique, notamment en cas de lésions tumorales.
TDM encéphalique pathologique
Les principales anomalies recherchées à la TDM concernent les pathologies hémorragiques et ischémiques, les processus expansifs et la pathologie neurodégénérative.
Pathologie hémorragique
En pathologie, on peut facilement mettre en évidence une hémorragie récente, cette dernière apparaissant en hyperdensité. Avec le temps, une hémorragie cérébrale voit son hyperdensité diminuer progressivement pour disparaître complètement (figure 20.2).

Figure 20.2
Pathologie hémorragique en tomodensitométrie.
A. Anomalies de densité intracrânienne extracérébrale subdurale biconvexe bilatérale en rapport avec des hématomes subduraux bilatéraux. Dans ce cas, les hématomes subduraux droit et frontal gauche apparaissent hypodenses (chroniques) et l'hématome subdural pariétal gauche apparaît hyperdense (aigu). B. Hémorragie subarachnoïdienne avec hématome intraparenchymateux frontal, compliqué d'une inondation ventriculaire et hydrocéphalie. C. Hématome intraparenchymateux cérébelleux hyperdense en phase aiguë. D. Évolution de l'hématome intraparenchymateux cérébelleux à 14 jours.
Pathologie ischémique
Les lésions ischémiques cérébrales sont au contraire plus hypodenses que le tissu sain. En phase aiguë, ces lésions peuvent être très difficilement visibles car il faut souvent attendre 24 heures pour que l'hypodensité apparaisse (figure 20.3A). Dans ce cas, on doit prêter une attention particulière aux signes indirects d'ischémie qui sont souvent les seuls visibles à ce stade, on parle de « signes précoces d'ischémie ». Ces signes indirects sont en rapport avec un œdème localisé précoce. On retrouve ainsi une dédifférenciation substance grise – substance blanche à l'origine d'un effacement de structures anatomiques tels les noyaux gris centraux en cas de lésion profonde ou d'un effacement du ruban cortical (figure 20.3A). Il peut également exister un effet de masse focal, par exemple au niveau de la corne frontale du ventricule latéral. On peut aussi retrouver une hyperdensité spontanée (c'est-à-dire sans injection de produit de contraste) d'un segment d'une artère intracrânienne, qui atteste de la présence d'un thrombus (figure 20.3B).

Figure 20.3
Pathologie ischémique en tomodensitométrie.
A. Signes d'ischémie précoces du territoire de l'artère cérébrale moyenne (territoire sylvien) gauche avec effacement du noyau lenticulaire (astérisque), discret effet de masse sur le ventricule latéral, disparition du ruban cortical insulaire (flèche). B. Hyperdensité spontanée de l'artère cérébrale moyenne droite en rapport avec un thrombus (flèche). C. Signes d'ischémie semi-récente du territoire de l'artère cérébrale postérieure gauche : hypodensité marquée de la lésion et œdème avec effet de masse (astérisque).
Processus expansifs
Bien que les processus expansifs intracrâniens (tumeurs, abcès) soient difficilement caractérisables en TDM, on peut néanmoins repérer plusieurs signes radiologiques pour les identifier et rechercher des signes de complication. En premier lieu, on doit rechercher une compression ou un « effet de masse » localisé au niveau des structures anatomiques adjacentes. Si la lésion est proche du système ventriculaire, il faut s'assurer de l'absence d'hydrocéphalie.
La TDM sans injection ne met pas toujours en évidence des variations de densité importantes pour caractériser ces processus expansifs mais l'injection de produit de contraste iodé avec acquisition au temps « tardif » peut mettre en évidence des rehaussements pouvant aider à repérer la lésion et même à la caractériser.
Exemple
Une prise de contraste périphérique « en cocarde » peut évoquer une métastase cérébrale ou un abcès, alors qu'une prise de contraste homogène et un raccordement méningé évoquent plutôt un méningiome.
Pathologie dégénérative
La signification d'une atrophie corticale (visibilité accrue des sillons) et/ou sous-corticale (dilatation des cavités ventriculaires sans effacement des sillons) doit tenir compte de l'âge du sujet et être confrontée à sa symptomatologie neurologique. On peut quelquefois observer une atrophie corticale « focale » corrélée à des signes cliniques évocateurs de pathologie dégénérative cérébrale : par exemple une atrophie temporale interne chez un patient présentant des troubles mnésiques antérogrades ou une atrophie plus marquée sur l'hémisphère gauche chez un autre présentant des troubles du langage progressifs. Dans tous ces cas, la TDM ne peut suffire à établir un diagnostic qui requiert d'autres explorations paracliniques et un examen en milieu spécialisé.
- La TDM est un examen rapide, accessible, mais irradiant, capable d'explorer certaines pathologies neurologiques aux étages encéphalique, cervical et médullaire.
- La TDM a en particulier une bonne sensibilité pour visualiser les hémorragies cérébrales.
- L'ischémie cérébrale aiguë est difficile à explorer sur une TDM mais peut présenter certains signes subtils qui peuvent nécessiter une prise en soins urgente.
Voir QRM chapitre 32.