Guillaume Charbonnier et Thierry Moulin
L'IRM est une modalité d'imagerie non irradiante, utilisant le principe physique de la résonance magnétique nucléaire. Le patient est allongé dans un électroaimant créant un champ magnétique qui permet d'aligner les atomes d'hydrogène : le spin du proton s'aligne sur le vecteur imposé par le champ magnétique. Les différents champs magnétiques utilisés permettent d'imposer des changements de spins aux protons, appelés mouvements de précession qui varient en fonction des tissus explorés : c'est la résonance magnétique nucléaire. Contrairement à la TDM, les images obtenues présentent des contrastes différents en fonction du choix de séquence utilisée. Pour obtenir les séquences dites « T1 ou T2 », on mesure différents temps de relaxation des protons. Par convention, les tissus sont décrits en hypersignal (plus « blancs ») ou en hyposignal (plus « noirs »).
Indications
Comme pour la TDM, les applications de l'IRM sont multiples dans la pathologie neurologique et nécessitent une évaluation clinique précise afin de déterminer une question clinique. Ceci est d'autant plus important que le choix adéquat des séquences IRM à utiliser est indispensable dans la plupart des indications. Dans ce chapitre, nous nous concentrons sur les situations cliniques devant faire préférer une IRM à une TDM (les indications TDM sont développées dans le chapitre 20) (tableau 21.1).
Tableau 21.1
Principales indications neurologiques d'une IRM.
Région explorée | Pathologie recherchée | Arguments en faveur d'une IRM |
---|---|---|
Exploration encéphalique | Accident vasculaire cérébral | Signes d'ischémie même en phase précoce (séquence dite de diffusion) Datation de l'ischémie possible même sans imagerie de perfusion (séquence dite FLAIR) |
Dissection des troncs supra-aortiques | Visualisation directe de l'hématome de paroi | |
Traumatisme crânien | Meilleure sensibilité pour les lésions encéphaliques parenchymateuses comme les lésions axonales diffuses (notamment sur la séquence de susceptibilité magnétique) | |
Déficit neurologique et souffle carotidien | Athérome sténosant des troncs supra-aortiques (séquence d'angiographie par IRM obtenue après injection de produit de contraste) et signes éventuels d'infarctus cérébral (séquences encéphaliques) | |
Déficit focal progressif ou rapidement progressif | Visualisation d'une lésion inflammatoire (caractère inflammatoire actif si prise de contraste), tumorale (caractéristiques précises de la tumeur) | |
Altération cognitive progressive | Signes d'atrophie cérébrale avec caractérisation des régions corticales atteintes (notamment lobes temporaux en coupes coronales) | |
Exploration rachidienne | Fracture vertébrale | Datation d'une fracture (ancienne ou récente grâce à la séquence dite STIR) Recherche d'une contusion médullaire associée |
Lésion médullaire | Meilleure sensibilité pour la détection d'un hématome extradural, d'une hernie discale Seul examen permettant de visualiser les lésions démyélinisantes |
FLAIR : fluid attenuation inversion recovery ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; STIR : short T1 inversion recovery ; TDM : tomodensitométrie.
L'utilisation de l'IRM est facilitée par son caractère non irradiant, elle est en revanche souvent moins disponible que la TDM, du fait du nombre moindre de machines implantées en France. Son utilisation est contre-indiquée principalement en cas d'éclat métallique oculaire, de certains clips chirurgicaux ou de pacemaker anciens. Pour savoir si un matériel étranger « passe » à l'IRM, que ce soit une valve cardiaque, un pacemaker ou un autre type de matériel, il est important de pouvoir disposer à chaque fois de la référence du matériel implanté.
Une IRM cérébrale doit être réalisée en urgence (si elle est disponible), principalement dans deux situations :
- accident vasculaire cérébral : la confirmation d'un infarctus cérébral peut nécessiter la réalisation d'une thrombolyse intraveineuse (injection d'un traitement thrombolytique) ou la réalisation d'une thrombectomie (retrait mécanique du caillot obstruant la lumière d'un segment artériel proximal par voie endovasculaire) ;
- compression médullaire : le diagnostic d'un hématome extradural, d'une fracture vertébrale avec recul du mur postérieur ou d'une hernie compressive peut aboutir à l'indication en urgence d'une chirurgie de décompression.
Sémiologie
Une fois la question clinique formulée, le radiologue doit faire le choix de la séquence permettant de rechercher certains types de lésions. La sémiologie radiologique des tissus neurologiques normaux et des lésions dépend de ces séquences. Après quelques éléments d'ordre général, nous aborderons les différentes séquences en fonction des situations cliniques les plus courantes.
Éléments d'ordre général
La réalisation des différentes séquences IRM repose sur le principe physique de la résonance magnétique nucléaire décrit plus haut. Néanmoins, différents paramètres physiques peuvent être étudiés afin de mettre en évidence des structures anatomiques ou des lésions spécifiques (tableau 21.2).
Tableau 21.2
Principales séquences d'IRM utilisées en neurologie.
Séquence | Principe physique | Anomalie recherchée |
---|---|---|
T1 | Résonance magnétique nucléaire classique | Anomalies du cortex : atrophie, dysplasie corticale, anomalies du développement |
T2 | Résonance magnétique nucléaire classique | Cavité liquidienne : kyste, anomalie des ventricules |
T2 FLAIR (fluid-attenuated inversion recovery) | T2 avec atténuation de l'eau circulante (le liquide cérébrospinal) | Œdème en hypersignal (tumoral, ischémique), sang en hypersignal (hémorragie subarachnoïdienne, hématome parenchymateux) |
T2* dit « T2 étoile » (ou T2 écho de gradient) | Séquence sensible aux inhomogénéités du champ magnétique créées par les éléments paramagnétiques comme le fer | Artefacts en hyposignal liés au fer de l'hémoglobine (hémorragie, thrombus). L'imagerie de susceptibilité utilise le même principe physique avec une meilleure sensibilité |
Imagerie de susceptibilité magnétique | ||
Diffusion et cartographie du coefficient apparent de diffusion (ADC) | Diffusibilité (mouvements libres) du proton | Lésion ischémique aiguë en hypersignal diffusion, avec une diminution de l'ADC |
ToF (time of flight ou temps de vol) | Mesure de vitesse des spins des protons, sans injection de produit de contraste | Imagerie vasculaire : mise en évidence d'une occlusion/sténose artérielle |
STIR (short T1 inversion recovery) | T1 avec suppression du signal de la graisse | Imagerie médullaire et rachidienne : datation de fracture et lésions inflammatoires |
À titre d'exemple, parmi les séquences les plus répandues, on retrouve les séquences T1 et T2 (figure 21.1). Les différences principales sont que la séquence T1 fait apparaître le liquide cérébrospinal en hyposignal (noir) et contraste la substance grise en hyposignal comparativement à la substance blanche. La graisse, en revanche, apparaît en franc hypersignal T1. La séquence T2 fait apparaître le LCS en hypersignal (blanc) alors que la substance grise tend à être en hypersignal comparativement à la substance blanche qui se marque plutôt en hyposignal.

Figure 21.1
Coupes axiales encéphaliques T1 (A) T2 (B), FLAIR (C).
FLAIR : fluid-attenuated inversion recovery.
IRM pathologique
Pathologie ischémique
À la phase aiguë d'un infarctus cérébral, on recherche en priorité des lésions ischémiques et une éventuelle occlusion intracrânienne associée. Une lésion ischémique voit son signal varier en fonction du temps. Dans les premières heures, elle apparaît en hypersignal sur la séquence de diffusion et n'est pas visible sur les autres séquences. La séquence de diffusion permet également de créer une cartographie du coefficient d'absorption de diffusion (ADC). À ce stade, l'ADC est diminué. Après quelques heures, la lésion est progressivement visible en hypersignal FLAIR (fluid-attenuated inversion recovery). Après 7-10 jours, l'ADC augmente. Au stade séquellaire (après 1 mois), la lésion n'est plus visible en hypersignal sur la séquence de diffusion et reste en hypersignal sur la séquence FLAIR (figure 21.2).

Figure 21.2
Lésion ischémique aiguë du territoire de l'artère cérébrale moyenne (territoire sylvien) superficiel gauche.
Hypersignal sur la séquence de diffusion (A) avec une diminution de l'ADC (B) non visible, en T2 FLAIR mais présentant des hypersignaux vasculaires de type « flux lents » (C, flèches), artefact lié au thrombus au niveau de l'artère cérébrale moyenne gauche en T2* (D), interruption de flux de l'artère cérébrale moyenne gauche en ToF (E), évolution à 1 mois de la lésion ischémique en hypersignal FLAIR (F). ADC : apparent diffusion coefficient ; FLAIR : fluid-attenuated inversion recovery ; ToF : time of flight.
Concernant l'occlusion artérielle, l'IRM peut détecter une occlusion proximale d'un gros tronc intracrânien du cercle artériel de la base du cerveau (polygone de Willis), grâce à la séquence en temps de vol (ToF). Cette séquence permet de visualiser les artères en hypersignal en mesurant la vitesse des protons, et met en évidence une interruption du flux en cas d'occlusion. La séquence T2* (en écho de gradient) peut également mettre en évidence la présence d'un thrombus au niveau de l'artère occluse, il apparaît dans ce cas en hyposignal du fait d'un artefact de susceptibilité magnétique lié à la présence de globules rouges chargés en fer dans le thrombus. Enfin, on peut observer sur la séquence FLAIR des hypersignaux vasculaires dans le territoire occlus. De plus en plus, une séquence complémentaire de perfusion cérébrale est réalisée et permet de sélectionner certains cas pour une thrombolyse ou une thrombectomie, notamment en cas d'arrivée tardive du patient, et en mettant en évidence un volume cérébral en hypoperfusion significatif qui témoigne de la réversibilité potentielle d'une zone ischémique que l'on décrit sous le nom de pénombre ischémique.
Dans le cas particulier de la thrombose veineuse cérébrale, il est recherché en priorité une interruption de signal d'un sinus veineux sur les séquences veineuses spécifiques, injectées à l'aide d'un produit de contraste à base de gadolinium. Les conséquences de la thrombose peuvent également être visualisées comme un infarctus parenchymateux veineux, une hémorragie cérébrale, ou un infarctus veineux secondairement hémorragique.
Pathologie hémorragique
Le signal du sang en IRM varie également en fonction du temps et en fonction de la séquence. En phase aiguë, la séquence FLAIR met en évidence une lésion ayant un signal hétérogène produisant un effet de masse en cas d'hématome parenchymateux, ou bien un hypersignal suivant les espaces subarachnoïdien (sous-arachnoïdien), subdural (sous-dural) ou extradural en fonction de la localisation de l'hémorragie (figure 21.3). En phase chronique, la séquelle d'hématome apparaît en hyposignal T2* (figure 21.4).

Figure 21.3
Pathologie hémorragique en imagerie par résonance magnétique.
A. Hémorragie subarachnoïdienne de la fosse latérale du cerveau (vallée sylvienne) gauche en hypersignal T2 FLAIR. B. Hématome subdural hémisphérique gauche en hypersignal T2 FLAIR avec une déviation de la ligne médiane signant un effet de masse sur l'hémisphère homolatéral. FLAIR : fluid-attenuated inversion recovery.

Figure 21.4
Hématome intraparenchymateux temporal gauche à la phase aiguë (A-C) et subaiguë (D-F).
À la phase aiguë, la lésion apparaît hétérogène en hypersignal FLAIR, hyposignal T2* et iso-hypersignal T1. En phase subaiguë, elle apparaît en isosignal FLAIR, hyposignal T2* et isosignal T1. FLAIR : fluid-attenuated inversion recovery.
Pathologie inflammatoire
L'IRM a aujourd'hui une place prépondérante dans l'évaluation de la pathologie inflammatoire du système nerveux central pour le diagnostic et le suivi. Les lésions inflammatoires encéphaliques ou médullaires apparaissent en hypersignal T2, hyposignal T1, et présentent un rehaussement après injection de produit de contraste lorsqu'elles sont récentes (figure 21.5). Au niveau de l'encéphale, ces lésions sont le plus souvent ovalaires et périventriculaires.

Figure 21.5
Patient présentant une sclérose en plaques.
Lésions ovalaires périventriculaires en coupes axiales T2 FLAIR (A) rehaussée après injection (B). Lésion temporale droite en hyposignal T1 (C). Par ailleurs, lésion médullaire postérieure T11-T12 rehaussée après injection sur la séquence sagittale T1 (D) et en hypersignal T2 (E). La lésion temporale droite (C) est également visible en hypersignal en T2 FLAIR (F). FLAIR : fluid-attenuated inversion recovery.
Pathologie dégénérative
Une altération progressive des facultés cognitives peut se traduire par des anomalies IRM. On peut tout d'abord éliminer les diagnostics différentiels de type lésion cérébrale (tumorale notamment) pouvant être à l'origine de ces troubles. On retrouve également des altérations spécifiques à certains tableaux dégénératifs, pouvant n'apparaître que tardivement. La plupart des maladies dégénératives présentent en effet une atrophie (amincissement) corticale parfois focalisée à certaines régions, ce qui peut permettre d'orienter vers sa cause. La séquence T1 en coupe fine est notamment très utile pour visualiser cette atrophie grâce à son contraste entre substance blanche et substance grise. Les coupes coronales, notamment T2, permettent quant à elles une visualisation précise de l'hippocampe, touché notamment précocement dans la maladie d'Alzheimer (figure 21.6).

Figure 21.6
Imagerie par résonance magnétique cérébrale en séquence T1 avec des coupes coronales passant par le grand axe de l'hippocampe.
A. Cerveau sain, pas d'atrophie des hippocampes (flèches). B. Atrophie hippocampique bilatérale dans le cadre d'une maladie d'Alzheimer.
Source : CEN. Neurologie, 6e édition. Paris : Elsevier Masson ; 2022.
Pathologie tumorale
L'IRM cérébrale a un apport majeur dans la caractérisation des tumeurs cérébrales. En comparaison avec la TDM, leur morphologie, leur localisation et leurs rapports aux structures adjacentes sont beaucoup mieux précisés. L'IRM est également beaucoup plus sensible pour détecter des petites lésions associées à une lésion princeps comme les métastases ou un abcès. Par ailleurs des séquences spécifiques dites « avancées » permettent d'approcher le diagnostic histologique des tumeurs. Il s'agit de la perfusion qui caractérise par une hyperperfusion des tumeurs agressives, et de la spectroscopie qui quantifie certains composants moléculaires de la tumeur comme les lipides ou la choline (figure 21.7).

Figure 21.7
Tumeur maligne primitive frontale droite, envahissant le corps calleux.
Prise de contraste périphérique hétérogène en T1 injectée (A) en hypersignal T2 FLAIR (B). La spectroscopie met en évidence des zones à fort taux de choline exprimée dans les tumeurs gliales (C) et hyperperfusées (D), compatibles avec le diagnostic de glioblastome. FLAIR : fluid-attenuated inversion recovery.
Pathologie médullaire
En cas de déficit neurologique faisant suspecter une origine médullaire l'IRM permet de visualiser une atteinte de la moelle spinale intramédullaire (lésion inflammatoire, tumorale) ou extramédullaire (hernie, hématome épidural, fracture). Les séquences T2 sagittales montrent une bonne visualisation du LCS ainsi que des lésions en hypersignal. Les séquences T1 injectées visualisent des prises de contrastes tumorales ou d'une lésion inflammatoire active (cf. figure 21.5). Les fractures vertébrales apparaissent en hypersignal T2. De plus, les séquences STIR (short T1 inversion recovery) permettent de mettre en évidence une fracture récente sous la forme d'un hypersignal (figure 21.8).
- L'IRM est une modalité d'imagerie non irradiante, plus sensible que la TDM dans la plupart des pathologies neurologiques encéphaliques ou médullaires.
- Le choix des différentes séquences disponibles doit être guidé par une question clinique précise.
- Une injection de produit de contraste est utile pour caractériser les lésions tumorales, inflammatoires, infectieuses. En revanche, elle n'est pas indispensable pour l'exploration des vaisseaux intracrâniens qui sont visualisés en séquence ToF non injectée.

Figure 21.8
Pathologie médullaire en imagerie par résonance magnétique.
Hernie cervicale C6-C7 foraminale en coupe sagittale T2 (A, flèche) avec compression des racines nerveuses sur la reconstruction axiale (B, flèche). Fractures récentes des plateaux supérieurs de T12 et L1, des corps vertébraux L3, L4, L5 en hypersignal T2 (C, flèches) et hypersignal STIR (D). STIR : short T1 inversion recovery.
Voir QRM chapitre 32.