Céline Louapre
Définition
La neuro-inflammation est définie par la réaction inflammatoire qui se déroule dans le SNC en réponse à une anomalie ou agression qui affecte le tissu nerveux.
Ces anomalies peuvent avoir de multiples origines :
● lésions cérébrales aiguës (lésions secondaires à un traumatisme crânien ou une intervention chirurgicale, lésions vasculaires ischémiques ou hémorragiques, etc.) ;
● lésions cérébrales chroniques (lésions liées au vieillissement tissulaire, accumulation de protéines pathologiques dans certaines maladies, tumeurs, etc.) ;
● auto-immunité ou dysimmunité ;
● agents infectieux pathogènes.
Bien que la neuro-inflammation soit bénéfique pour contrôler et éliminer le stimulus à l'origine de l'anomalie, par la phagocytose par exemple, et pour permettre secondairement la réparation tissulaire, une réponse inflammatoire excessive peut contribuer à l'aggravation des lésions du SNC et être elle-même à l'origine de lésions secondaires.
La neuro-inflammation se différencie de l'inflammation périphérique (au niveau des autres organes du corps et du compartiment sanguin), principalement en raison des types cellulaires impliqués, mais également en raison du rôle de la barrière hématoencéphalique, « isolant » le SNC du système immunitaire périphérique (figure 25.1).

Figure 25.1
Les acteurs de la neuro-inflammation.
A, B. © Moore K. et al. The Developing Human, 11th Ed. Elsevier Saunders 2020. D. © Pollak TA, et al. The blood-brain barrier in psychosis. The Lancet Psychiatry 2018, 5(1), 79-92. E. © Wilson EH, et al. Trafficking of immune cells in the central nervous system. J Clin Invest 2010; 120(2): 1368-79. F. © Ford ML. How brains are drained: discovery of lymphatics within the CNS. Am J Transplantation 2016; 16(3): 735.
Les acteurs de la neuro-inflammation (cf. aussi chapitre 2)
Microglie
Les cellules de la microglie (ou cellules microgliales) sont les macrophages résidents du SNC. Ce sont des cellules d'origine hématopoïétique qui colonisent très tôt le SNC et se développent donc dans cet environnement particulier.
Comme leurs homologues du système immunitaire périphérique, elles assurent des fonctions de phagocytose et de présentation d'antigènes, participant à l'élimination des débris cellulaires.
Ce sont des cellules avec des capacités de prolifération, d'activation et de sécrétion de cytokines et d'autres facteurs immunomodulateurs. Elles ont une forme rapidement changeante, se déplacent et développent des extensions cytoplasmiques qui leur permettent d'explorer l'environnement, mais aussi de participer à la construction du SNC par ses interactions avec les neurones et les cellules gliales.
Dans son état activé, la microglie peut présenter :
- un profil pro-inflammatoire caractérisé par la sécrétion de cytokines de type Th1 (T helper subtype 1), des propriétés d'altération de la barrière hématoencéphalique et d'attraction de leucocytes périphériques ;
- un profil prorégénératif marqué par la sécrétion de facteurs favorisant la réparation neuronale, l'angiogenèse et la génération de nouvelles cellules gliales à partir de précurseurs, notamment oligodendrocytaires.
Ces états activés de la microglie constituent un continuum et peuvent varier au cours du temps selon l'environnement lésionnel.
Les neurones exercent de façon constitutive un rôle immunosuppresseur sur la microglie via des facteurs solubles, des interactions cellulaires directes impliquant de fréquents contacts neurone – microglie, et en contrôlant l'apoptose des cellules microgliales activées.
Cellules gliales
Astrocytes
Ce sont les cellules les plus abondantes dans le SNC, ils ont des fonctions multiples (cf. chapitre 2). Ils sont également acteurs de la neuro-inflammation à plusieurs niveaux :
- ils participent à la formation de la barrière hémato-encéphalique en constituant la glia limitans ;
- ils peuvent acquérir un phénotype activé en réponse à une situation pro-inflammatoire, attirant ainsi les cellules de défense périphérique et facilitant leur migration dans le SNC ;
- en réponse à une agression, ils se multiplient et circonscrivent le site d'inflammation, produisent des éléments de la matrice extracellulaire et constituent ainsi une « cicatrice gliale » qui diminue la migration et la différenciation des cellules souches neuronales ou oligodendrogliales sur le site de la lésion.
Oligodendrocytes
Ces cellules permettant la myélinisation des neurones du SNC via la gaine de myéline sont particulièrement vulnérables en milieu inflammatoire, soit par toxicité dirigée comme dans certaines pathologies auto-immunes inflammatoires du SNC (dont la sclérose en plaques), soit par une toxicité plus générale liée à l'environnement inflammatoire (stress oxydatif, glutamate).
Cellules de défense périphériques
En condition physiologique, très peu de leucocytes sont présents au niveau du parenchyme du SNC. Même si leur présence est limitée, principalement grâce à la barrière hémato-encéphalique, les leucocytes périphériques assurent des fonctions de veille immunitaire contre les agents pathogènes.
Les monocytes pénètrent principalement par la voie leptoméningée et sont localisés dans les espaces périvasculaires, tandis que les lymphocytes pénètrent principalement par les plexus choroïdes, sont entraînés par le liquide cérébrospinal et rejoignent le compartiment sanguin via les villosités arachnoïdiennes ou le système lymphatique.
En réponse à une agression, l'étanchéité de la barrière hématoencéphalique est modifiée, permettant une pénétration des leucocytes dans le parenchyme (monocytes, lymphocytes et granulocytes), qui participent directement et indirectement à la réaction inflammatoire.
Barrières d'échange avec la périphérie
La barrière hématoencéphalique constitue la principale barrière limitant la pénétration des agents pathogènes, mais aussi des cellules sanguines circulantes à l'intérieur du SNC (figure 25.2). Cette fonction de filtre est assurée par une structure en plusieurs couches :
- les cellules endothéliales, reliées entre elles par des jonctions serrées ;
- une lame basale ;
- la glia limitans constituée des pieds astrocytaires reliés entre eux par des jonctions communicantes.

Figure 25.2
La barrière hémato-encéphalique.
A. Vue d'ensemble de l'unité neurovasculaire. B. Vue détaillée de la coupe transversale et des différentes couches de l'unité neurovasculaire. Les composants de la paroi du vaisseau ne sont pas représentés à l'échelle.
© Pollak TA, Drndarski S, Stone JM, David AS, McGuire P, Abbott NJ. The blood-brain barrier in psychosis. Lancet Psychiatry 2018 ; 5 : 79-92. Reproduced from Obermeier and colleagues, by permission of Cleveland Clinic.
Un autre lieu d'échange entre le sang et le SNC se situe au niveau des plexus choroïdes et constitue la barrière sang – LCS. Cette interface est localisée au niveau de l'épithélium des plexus choroïdes (constitué d'épendymocytes reliés entre eux par des jonctions serrées) et de l'endothélium des capillaires sanguins fenestrés qui permettent au sang d'arriver aux épendymocytes. C'est donc un lieu d'échange privilégié entre le sang et le LCS.
Depuis 2012, il a été identifié que le LCS pénètre dans le parenchyme cérébral via les espaces périvasculaires des artères et s'élimine le long des espaces périvasculaires veineux. Cette circulation de flux de LCS dans le parenchyme (appelé système glymphatique) permet d'apporter au parenchyme divers métabolites, mais aussi d'éliminer des molécules neurotoxiques. Plus récemment en 2015 a été décrite la présence de vaisseaux lymphatiques dans la dure-mère, à proximité des sinus veineux intracrâniens. Ces vaisseaux lymphatiques permettent de drainer des molécules présentes dans le LCS et dans les tissus cérébraux, et sont connectés aux vaisseaux lymphatiques cervicaux. Ces vaisseaux lymphatiques méningés joueraient un rôle important pour la présentation d'antigène du SNC aux cellules du système immunitaire périphérique.
Processus impliqués
Il n'existe pas une cascade unique et stéréotypée de mécanismes qui définissent la neuro-inflammation, car celle-ci fait référence à des situations variées, aiguës ou chroniques, en présence d'un agent pathogène extérieur ou non, avec une inflammation initiale ou secondaire. Chaque cas pathologique présente donc des caractéristiques tissulaires propres, bien qu'ils aient en commun de faire intervenir à des degrés divers les acteurs de la neuro-inflammation.
Exemple
En cas de lésion aiguë, on observe volontiers un œdème tissulaire, tandis qu'en cas de lésions chroniques, on observe volontiers une accumulation de cellules microgliales activées, sans œdème parenchymateux.
Les principaux phénomènes observés lors de la neuro-inflammation sont :
- l'œdème tissulaire : il est lié à l'accumulation ou l'excès de liquide intra ou extracellulaire dans le SNC. Il peut être lié à la rupture des jonctions serrées des cellules endothéliales de la barrière hématoencéphalique permettant un afflux de liquide d'origine sanguine (œdème vasogénique), ou alors à la perturbation du métabolisme cellulaire neuronal secondaire à la réaction inflammatoire ou directement lié à la lésion (œdème cytotoxique) ;
- la rupture de la barrière hémato-encéphalique : celle-ci peut être altérée de façon directe par la lésion en cause, ou de façon secondaire par la sécrétion de médiateurs pro-inflammatoires ;
- l'invasion de cellules immunitaires périphériques dans le parenchyme : celle-ci se produit en cas d'altération de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique. Tous les acteurs périphériques de l'immunité peuvent être concernés, de façon variable selon les causes ou les agents pathogènes à l'origine de la neuro-inflammation. Au sein du parenchyme, les cellules immunitaires périphériques peuvent se différencier (par exemple les lymphocytes B peuvent se différencier en plasmocytes et produire des anticorps), ou s'activer (par exemple les lymphocytes T peuvent acquérir un phénotype pro-inflammatoire) ;
- l'activation des acteurs locaux de l'inflammation, principalement microglie et astrocytes (cf. supra) ;
- la démyélinisation, liée à une toxicité ciblée sur les oligodendrocytes, dans certaines maladies dysimmunitaires ou auto-immunes aiguës ou chroniques ;
- un dysfonctionnement neuronal et une neurodégénérescence : les médiateurs pro-inflammatoires (notamment IL-1β [Interleukine 1β] et TNF-α [tumor necrosis factor α]) participent à la toxicité neuronale secondaire à l'inflammation, et l'augmentation de glutamate libéré par les neurones suite à un dysfonctionnement des pompes sodium-potassium-ATP contribue à une augmentation de l'excitabilité neuronale, délétère pour le fonctionnement des neurones.
Évaluation en pathologie humaine
Le SNC est un organe peu accessible, et l'évaluation de la neuro-inflammation ou de ses conséquences en pathologie humaine peut être difficile, d'autant plus s'il s'agit d'une inflammation focale et/ou chronique.
Plusieurs types d'exploration permettent de documenter une neuro-inflammation dans le cadre d'une démarche diagnostique. D'autres examens utilisés en recherche permettent de mieux comprendre les différentes étapes de la neuro-inflammation en fonction des pathologies.
Étude du tissu cérébral par biopsie
Il s'agit d'une méthode invasive utilisée de manière exceptionnelle. Grâce à l'étude histologique du tissu, on peut observer un infiltrat de cellules immunitaires périphériques et les caractériser en immunohistochimie, rechercher spécifiquement des agents pathogènes, ou identifier la cause de la lésion, par exemple la présence de cellules tumorales. Dans certains cas, l'analyse histologique ne permet pas de conclure à l'origine spécifique de l'inflammation et ne montre que des lésions non spécifiques.
Étude du liquide cérébrospinal
L'analyse cytologique du LCS permet de mettre en évidence une invasion de cellules immunitaires périphériques (un LCS « normal » contient moins de 5 leucocytes/mm3) dont la caractérisation du type cellulaire et le nombre permettent d'orienter le diagnostic (cf. chapitre 17).
Cependant, l'étude cytologique du LCS peut être parfaitement normale en cas d'inflammation du SNC.
Dans certains cas, l'analyse simultanée de l'électrophorèse des protéines dans le LCS et de celles du sérum permet d'identifier la présence de pics d'immunoglobulines spécifiques du LCS, appelés bandes oligoclonales (car ils ont un aspect d'au moins deux bandes sur le tracé d'électrophorèse). Leur présence signe une synthèse intrathécale (= intra-LCS) d'immunoglobulines qui est fréquemment retrouvée dans les maladies neuro-inflammatoires dysimmunitaires mais n'est pas spécifique.
Imagerie du SNC
La TDM cérébrale permet principalement d'identifier l'œdème parenchymateux sous forme d'une hypodensité, et d'un effet de masse d'une lésion et de l'œdème périlésionnel sur les structures avoisinantes (déplacement de la ligne médiane ou effacement des sillons corticaux).
L'IRM cérébrale et/ou médullaire (selon le siège suspecté de l'inflammation) permet d'identifier une lésion focale avec ou sans œdème périlésionnel, d'aspect variable selon la cause (figure 25.3). En réalisant une séquence pondérée en T1 après injection de produit de contraste (gadolinium), il est possible de visualiser une extravasation de produit de contraste (prise de contraste) qui traduit une rupture de la barrière hémato-encéphalique. En revanche, une augmentation de perméabilité modérée de la barrière hématoencéphalique ne s'accompagne pas nécessairement d'une prise de contraste focale ou diffuse sur l'IRM. Dans certains cas de rupture de barrière sang/LCS, les méninges peuvent également être le siège d'un rehaussement focal ou diffus après injection de produit de contraste.

Figure 25.3
Aspect en imagerie par résonance magnétique de l'œdème autour de la lésion et de la prise de contraste après injection de gadolinium.Ces aspects traduisent des phénomènes neuro-inflammatoires mais ne sont pas spécifiques.
© Auffray-Calvier E, Toulgoat F, Daumas-Duport B, Gaultier AL, Desal H. Imagerie infectieuse et métabolique cérébrale. Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle 2012 ; 93 : 964-87.
En recherche, des méthodes sont développées pour visualiser in vivo la microglie activée comme la TEP à la TSPO (18kDa translocator protein) ou certaines séquences IRM sensibles au contenu en fer des cellules microgliales activées.
- La neuro-inflammation est définie par la réaction inflammatoire qui se situe dans le SNC, en réponse à différentes anomalies ou agressions du tissu nerveux.
- Les cellules clés de la neuro-inflammation sont les cellules microgliales, les astrocytes et les cellules immunitaires périphériques.
- La barrière hémato-encéphalique isole le SNC du compartiment sanguin, limitant en conditions normales le passage de cellules sanguines ou d'agent pathogènes dans le parenchyme cérébral.
- L'imagerie du SNC, l'étude du liquide cérébrospinal, et plus rarement une biopsie du SNC permettent de documenter une neuro-inflammation dans le cadre d'une démarche diagnostique et d'en rechercher les causes.
Pour en savoir plus
- Ginhoux F, Merad M. Les cellules de la microglie-Leurs origines extra-embryonnaires enfin révélées. Med Sci (Paris) 2011 ; 27 : 719–24.
Iliff JJ, Wang M, Liao Y, Plogg BA, Peng W, Gundersen GA, et al. A paravascular pathway facilitates CSF flow through the brain parenchyma and the clearance of interstitial solutes, including amyloid β. Sci Transl Med 2012 ; 4 : 147ra111. - Louveau A, Smirnov I, Keyes TJ, Eccles JD, Rouhani SJ, Peske JD, et al. Structural and functional features of central nervous system lymphatic vessels. Nature 2015 ; 523 : 337–41.
- Renaud J, Thérien HM, Plouffe M, Martinoli MG. La neuro-inflammation – Dr Jekyll ou Mr Hyde ? Med Sci (Paris) 2015 ; 31 : 979–88.