N'oubliez pas mon IRM !
En mai 2011, sans facteur déclenchant particulier, une femme de 59 ans présenta un tableau d’amnésie pour lequel elle fut adressée au service d’accueil et des urgences. A l’admission on observait une amnésie antérograde massive, avec oubli à mesure, qui s’estompa dans l’heure suivant l’arrivée de la patiente. Durant cet épisode d’amnésie la patiente n’était pas anxieuse, ne reposait pas de façon spontanée les mêmes questions. L’examen neurologique était par ailleurs normal.
La durée totale estimée de l’épisode d’amnésie était de 2 heures. La patiente dit se souvenir du début de celui-ci, d’une sensation de malaise initial, du contexte de survenue (le matin peu après le réveil). Elle garda une amnésie lacunaire complète du reste de l’épisode.
Elle n’avait aucun antécédent médico-chirurgical. Elle dit en particulier n’avoir jamais fait d’épisode similaire. Un EEG réalisé après résolution de l’amnésie fut parfaitement normal. Les fonctions cognitives évaluées à l’aide de la MoCA étaient intègres (score de 30/30). Une IRM cérébrale fut demandée mais réalisée seulement une semaine plus tard.



Quel-est votre diagnostic ?
Cet épisode d’amnésie antérograde de deux heures pouvait évoquer un ictus amnésique, puisqu’il réalise un tableau d’amnésie antérograde de moins de 24 heures, isolé et spontanément résolutif. La durée en était un peu brève, car la durée moyenne des ictus amnésiques s’est révélée être, sur une série de 788 cas, de 6,7 heures (Caplan, 1990) ; il n’y avait pas de facteur déclenchant tel qu’une émotion, une douleur, une exposition au chaud ou au froid, un traumatisme mineur, mais on sait que certains ictus amnésiques surviennent sans facteur déclenchant évident ; la patiente n’avait pas de terrain prédisposant, tel qu’une histoire d’anxiété, de migraine ou des facteurs de risque vasculaire, même si ce terrain peut être aussi absent dans les ictus amnésiques (Bartsch et Deuschl, 2010). Les deux éléments sémiologiques les plus atypiques étaient le mode de début, par un malaise, et le souvenir que la patiente gardait de celui-ci, puisque les ictus amnésiques s’accompagnent toujours d’un léger débord rétrograde (oubli de quelques heures à quelques jours). Il en découle que le début de l’ictus n’est jamais rappelé, alors que la fin de l’amnésie est souvent progressive (Guillery-Girard et al, 2004).
L’IRM cérébrale de haute résolution, quand elle est réalisée dans les 48 à 72 heures après un ictus amnésique, peut objectiver des lésions de 1 à 5 mm en séquences de diffusion ou en T2, interprétées comme la conséquence d’un œdème cytotoxique (Bartsch et Deuschl, 2010).
L’IRM réalisée dans notre cas dans un créneau horaire plus lâche, est venue plutôt appuyer l’hypothèse d’une amnésie transitoire symptomatique. En effet on mit en évidence une petite masse extra-axiale, oblongue, de l’échancrure tentorielle gauche, d’environ 8 mm de grand axe sagittal et de 3-4 mm dans le plan coronal. Cette masse était hypo-intense en T2 écho de gradient, en faveur d’une calcification de celle-ci et rehaussée de façon homogène et modérée par l’injection de gadolinium, Elle arrivait au contact de l’artère cérébrale postérieure gauche et était située en regard de la tête de l’hippocampe. Elle présentait toutes les caractéristiques d’un méningiome de la tente du cervelet, un peu protrusif vers la citerne ambiante, susceptible d’être épileptogène.
L’origine épileptique de l’amnésie apparaît bien plus probable. On ne peut cependant affirmer avec certitude le diagnostic d’amnésie épileptique transitoire que si une des 3 conditions suivantes est remplie : i) si les épisodes se renouvellent et disparaissent sous traitement anti-épileptique ; ii) si l’EEG montre des anomalies épileptiformes focales temporales ; iii) ou si l’amnésie est accompagnée de signes évocateurs d’une crise mésio-temporale (automatismes oro-alimentaires, hallucinations olfactives…). La sensation de malaise décrite par notre patiente au début de l’épisode, même si elle n’est pas d’une parfaite spécificité, correspondait sans doute aux premiers symptômes d’une crise mésio-temporale (Butler et al, 2007 ; Bartsch et Deuschl, 2010). L’horaire de survenue, le matin au réveil, est également plus suggestif d’une crise d’épilepsie.
Bien que la patiente pût être considérée comme souffrant d’épilepsie (prédisposition persistante à faire une crise – du fait du méningiome - et survenue d’une crise épileptique), en l’absence de récidive des épisodes amnésiques une abstention thérapeutique fut proposée.
Un cerveau difficile à décrypter
Une patient de 56 ans, fut adressée aux urgences pour des vertiges et des troubles de l’équilibre responsables de chutes à répétition depuis 3 semaines. Dans ses antécédents on retrouvait des facteurs de risque cardio-vasculaires (Diabète de type 2, Hypertension artérielle, dyslipidémie, obésité), une auto-immunité (hypothyroïdie, cirrhose avec anticorps anti-muscles lisses), une ACFA et un carcinome hépatocellulaire (nodule de 22mm de découverte récente et qui aurait du être traité par radiofréquence la semaine suivante).
L’examen clinique retrouvait un syndrome cérébelleux stato-cinétique, un opsomyoclonus et un syndrome méningé.
L’IRM cérébrale retrouvait les anomalies suivantes :

A. DIFFUSION - B. ADC - C. FLAIR - D. T1 gadolinium
La ponction lombaire montrait une hyperleucocytose à 97 cellules/mm3 à prédominance lymphocytaire, une hyperprotéinorachie à 2,63 g/l, une hypoglycorachie à 0,17 g/L, la présence de bandes oligoclonales et l’absence de germe à l’examen direct et de cellules suspectes de malignité.
- Que suspectez-vous ?
- Quels examens complémentaires proposez-vous ?
L’IRM cérébrale montre un hypersignal en diffusion et en FLAIR au niveau des deux hémisphères cérébelleux essentiellement au niveau du cortex et du vermis prenant partiellement le contraste. Les plages d’hypersignal en ADC vont à l’encontre de l’hypothèse d’un AVC. Ces imageries évoquent une cérébellite d’origine infectieuse ou paranéoplasique.
La ponction lombaire oriente vers une origine infectieuse (tuberculose, listériose, cryptococcose).
Il est nécessaire de compléter les examens par des recherches mycologiques et bactériologiques (examen direct et culture dans le LCR, recherches d’anticorps et d’antigènes anti-cryptococciques, hémocultures à la recherche de Listeria monocytogène) dans le sang et le LCR et de biopsier si possible le cervelet.
Il est également indispensable de rechercher une immunodépression cellulaire avec un typage lymphocytaire, le complément et les sérologies VIH1/2.
Evolution :
Les antigènes anti-cryptococciques, les anticorps et les cultures cryptococciques dans le sang et le LCR sont revenus positifs et la biopsie exérèse du cervelet a permis de retrouver des cryptocoques. Le reste des recherches est revenu négatif. Le typage lymphocytaire et le complément étaient sans particularité et les sérologies sont revenues négatives
Le cryptococcus neoformans est une levure ubiquitaire retrouvée dans les sols riches en fientes d’oiseaux. Il est responsable de la cryptococcose qui est une maladie opportuniste favorisée par l’immunodépression cellulaire (VIH++, chimiothérapie, corticothérapie prolongée, …) et est exceptionnelle en cas d’immunocompétence. Il a un tropisme pour le système nerveux central et est responsable de tableaux de méningo-encéphalites, myélites, cryptococcomes. En cas d’immunocompétence, il est plutôt responsable de tableaux de méningites chroniques du fait d’un système immunitaire efficace qui limite l’infection aux méninges.
La contamination se fait par inhalation via une porte d’entrée pulmonaire.
Le traitement recommandé est l’Amphotéricine B (1mg/kg) et la flucytosine (100mg/j) pendant 2 semaines puis un relai par fluconazole 400mg/j de manière prolongée. En l’absence de traitement l’infection est toujours mortelle et le taux de mortalité est de 20% malgré un traitement efficace.
Le cas de cette patiente est atypique du fait d’une atteinte cérébelleuse rare dans la cryptococcose et d’une absence d’immunodépression.
Cas proposé par : Cécilia Alves Do Rego, Strasbourg.
Pour en savoir plus :
- Neuville S et al. Physiopathologie des méningo-encéphalites dues à Cryptococcus neoformans. Ann Med Interne. 2002;5:323–8.
- Day et al.Combination antifungal therapy for cryptococcal meningitis.New England Journal of Medicine. 368;14, 2013).
- E.Pilly, 22eme edition CMIT, pages 452/453.
PSP? ... pas vraiment....
Une femme de 55 ans présentait depuis deux 9 ans des troubles de l'équilibre avec sensation de tangage, des chutes en rétropulsion et une dysarthrie hypophonique. Un an après le début des symptômes apparurent des troubles de déglutition prédominant sur les liquides et une détérioration cognitive marquée par un score de 126/144 à l'échelle de Mattis. Elle présentait comme principaux antécédents une coronaropathie et plusieurs interventions chirurgicales (chirurgie de l'uretère droit, cure de hernie inguinale et ablation de kystes mammaires). Lors de la première consultation, son traitement comportait 100 mg de piribédil et 250 mg de lévodopa associée à la bensérazide. L'examen neurologique objectivait un syndrome cérébelleux cinétique et statique, un syndrome frontal, une instabilité posturale avec rétropulsion, des réflexes ostéotendineux vifs et un ralentissement des saccades oculaires. Il n'y avait pas de syndrome parkinsonien segmentaire, ni de dysautonomie.
Biologiquement, il n'y avait pas de carence en vitamines du groupe B (B1, B6, B9 et B12), ni en vitamine E, la recherche d'anticorps anti- GAD était négative. Le bilan métabolique, comprenant la chromatographie des acides aminés et l'étude pré- et post-prandiale sur 24 h de l'ammoniémie et du rapport lactate/ pyruvate ne montrait pas d'anomalies. L'EEG, l'IRM cérébrale et la ponction lombaire ne donnaient pas d'arguments en faveur d'une maladie de Creutzfeldt-Jacob.
Environ un an plus tard, apparurent de discrets mouvements choréiques et un syndrome extrapyramidal segmentaire. L'étude en biologie moléculaire des gènes IT15, ADRLP et SCA17 était négative. Dans les mois qui suivirent, s'installa progressivement un rétrocolis, une ophtalmoparésie franche de la verticalité du regard. À l'examen, il existait une nette aggravation des troubles posturaux et du syndrome frontal avec apparition d'un signe de l'applaudissement franc.

- Comment analyser-vous l'IRM ?
- Quel diagnostic évoquez-vous ?
- Quel examen complémentaire demandez-vous pour l'affirmer ?
- L’ IRM cérébrale, à gauche en séquence T2 sagittale montre une atrophie vermienne. À droite, en séquence FLAIR axiale elle montre un hypersignal non significatif de substance blanche.
- L ‘association d’une ataxie cérébelleuse, d’une ophtalmoplégie supranucléaire, d’une dysarthrie, d’une dysphagie, de troubles cognitifs, et de mouvements anormaux conduit à évoquer le diagnostic de maladie de Niemann Pick de type C
- Une mise en culture de fibroblastes cutanés pour réaliser un test à la filipine et le séquençage des gènes NPC1 et NPC2.

La maladie de Niemann Pick de type C est une pathologie du trafic intracellulaire du cholestérol de transmission autosomique récessive. Son expression est extrêmement variable en fonction de l'âge de début des symptômes. Un score prédictif a été réalisé pour aider au diagnostic (Wijburg et al). Le bilan diagnostique comporte une mise en culture de fibroblastes par biopsie cutanée pour réaliser un test à la filipine et le séquençage du gène NPC1 et NPC2. L'interprétation des tests se fait de manière combinée.
A l'âge adulte, le tableau clinique peut associer par ordre de fréquence une ataxie cérébelleuse, une ophtalmoplégie supranucléaire, une dysarthrie, des troubles cognitifs, des mouvements anormaux (syndrome parkinsonien, dystonie, chorée), des troubles psychiatriques et une dysphagie. La splénomégalie est beaucoup moins fréquente à l'âge adulte, l'épilepsie est rare.
L'âge de début est assez tardif chez cette patiente. La biopsie cutanée et la biologie moléculaire confirmèrent une maladie de Niemann Pick de type C avec une mutation hétérozygote c.1843C>T, c3019C>G.
Auteurs : G Grolez, A Dejardin, D Devos, L Defebvre, C Moreau (Lille).
Références :
Godeiro-Júnior C, Inaoka RJ, Barbosa MR, Silva MR, Aguiar Pde C, Barsottini O. Mutations in NPC1 in two Brazilian patients with Niemann-Pick disease type C and progressive supranuclear palsy-like presentation. Mov Disord. 2006;21(12):2270–2.
Vanier MT. Niemann-Pick disease type C. Orphanet J Rare Dis. 2010;5:16.
Patterson MC, Hendriksz CJ, Walterfang M, Sedel F, Vanier MT, Wijburg F; NP-C Guidelines Working Group. Recommendations for the diagnosis and management of Niemann-Pick disease type C: an update. Mol Genet Metab. 2012;106(3):330–44.
Wijburg FA, Sedel F, Pineda M, Hendriksz CJ, Fahey M, Walterfang M, et al. Development of a suspicion index to aid diagnosis of Niemann-Pick disease type C. Neurology 2012;78 (20):1560–7 [doi: 10.1212/WNL.0b013e3182563b82. Epub 2012 Apr 18].
Sur un air d'Italie
Une patiente de 44 ans fut hospitalisée pour des crises convulsives tonico-cloniques généralisées sur la voie publique. L’examen clinique aux urgences objectivait un état cachectique, une confusion avec hémiparésie droite puis un déficit des 4 membres sans syndrome pyramidal. La marche n’était pas évaluable, il n’y a pas d’anomalie des nerfs crâniens, pas de nystagmus, ne de syndrome méningé. La patiente était apyrétique. Le bilan biologique révéla une anémie microcytaire sans syndrome inflammatoire et une élévation des gamma-GT. La recherche des toxiques était négative. Une pré-albumine effondrée et une carence en vitamines B1 et B6 étaient en faveur d’une dénutrition sévère. L’interrogatoire était impossible du fait du syndrome confusionnel. L’IRM cérébrale réalisée en urgences révéla les anomalies suivantes (Figure 1).

Figure 1
- Quel est votre diagnostic ?
- Quel est le mécanisme physiopathologique ?
- Le tableau clinique avec syndrome confusionnel, crises convulsives et tétraparésie associé à un hypersignal diffus du corps calleux et des hypersignaux corticaux en séquence T2 Flair (Figure 1) sont en faveur du diagnostic d’encéphalopathie de Marchiafava-Bignami.
- C’est une pathologie rare (250 cas recensé depuis 1903) dont la physiopathologie reste encore mal connue (pathologie démyelinisante et carentielle).

Figure 1
L’encéphalopathie de Marchiafava-Bignami se traduit par un syndrome confusionnel avec troubles de la vigilance, une dysarthrie, une tétraparésie avec parfois un syndrome de dysconnexion calleuse. L’imagerie reflète le processus de démyelinisation et de nécrose du corps calleux 1 puis une évolution séquellaire cavitaire (Figure 2). On peut retrouver des hypersignaux corticaux avec une probable atteinte des fibres commissurales, extra-calleuses, et des fibres associatives cortico-corticales et cortico-sous-corticales avec en anatomopathologie une nécrose laminaire corticale 2. La présence de troubles de la vigilance, d’un hypersignal diffus du corps calleux et d’hypersignaux corticaux serait de moins bon pronostic 3. Les études en spectroscopie ont montré une augmentation de la choline en phase aiguë démyélinisante et des lipides à quelques semaines du début du fait d’un envahissement macrphagique. En imagerie fonctionnelle il existe une hypoperfusion et une diminution franche du métabolisme dans les lobes frontaux et pariétaux, du gyrus orbitaire et du thalamus 4. Le bilan biologique objective souvent une carence en vitamine B1, il est difficile de savoir s’il existe un lien direct entre cette carence et les lésions du corps calleux ou si ces patients ne présentent pas également une encéphalopathie de Gayet Wernicke à bas bruit (terrain de dénutrition et/ou d’alcoolisme chronique) 5. L’évolution est toutefois plus favorable en cas de supplémentation intra-veineuse prolongé de thiamine qui reste le seul traitement ayant montré une efficacité.

Figure 2
IRM de contrôle (séquence T1 coupe sagittale) de notre patiente à 15 jours du début des troubles avec aspect atrophié et cavitaire du corps calleux.
Proposé par Lucie Hopes (Service de Neurologie et pathologie du mouvement, CHRU de Lille).
Références :
1 Bhat A, Punia V, Lee HJ, Marks D. Corpus callosum fibre disruption in Marchiafava-Bignami dis ease. Pract Neurol. 2013.doi:10.1136/practneurol-2013-000657.
2 Johkura K, Naito M, Naka T. Cortical involvement in Marchiafava-Bignami disease. Am J Neuroradiol. 2005;26(3):670-3.
3 Heinrich A, Runge U, Khaw AV. Clinicoradiologic subtypes of Marchiafava-Bignami disease. J Neurol. 2004;251(9):1050-9.
4 Ishii K, Ikerjiri Y, Sasaki M, Kitagaki H, Mori E. Regional cerebral glucose metabolism and blood flow in a patient with Marchiafava-Bignami disease. Am J Neuroradiol. 1999;20(7):1249-51.
5 Hillbom M, Saloheimo P, Fujioka S, Wszolek ZK, Juvela S, Leone MA. Diagnosis and management of Marchiafava-Bignami disease: a review of CT/MRI confirmed cases. J Neurol Neurosurg Psychiatry. 2013 ;26.doi:10.1136/jnnp-2013-305979.
Auteurs :
François Sellal (1), Benjamin Cretin (1), Hélène Oesterlé (2).
(1) CMRR de Strasbourg-Colmar.
(2) Service de Neuroradiologie diagnostique et interventionnelle, Hôpital Pasteur, Colmar.
Références :